L’Union européenne reste divisée sur la question
NOUVEL échec des discussions, la semaine dernière à Bruxelles, sur la question de la durée hebdomadaire du travail en Europe. Aucun consensus n’a émergé au sein de la Commission européenne s’agissant de la révision de la directive européenne de 2003.
Chacun des deux clans qui s’affrontent est resté sur ses positions : certains Etats membres veulent imposer un plafond de 48 heures pour tous les travailleurs sans exception, tandis que d’autres, Royaume-Uni en tête, militent en faveur du maintien d’une dérogation, qui autorise les salariés qui le souhaitent à dépasser ce plafond instauré en 2003.
Les hospitaliers très concernés. En France, les déclarations de certains ministres, la veille de cette réunion à Bruxelles, ont aussitôt ravivé la polémique.
Les médecins hospitaliers, directement concernés par les arbitrages que peut rendre la Commission européenne sur la limitation du temps de travail hebdomadaire, n’ont pas trouvé le soutien qu’ils attendaient du gouvernement. Explications du Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) : «Les ministres français ont été ambigus: ils ne se sont pas prononcés clairement en faveur de l’abandon de la dérogation, ce qui limiterait le temps de travail des médecins à 48heures. Or il est très important de réaffirmer ce plafond pour que restent attirantes les spécialités comme l’anesthésie-réanimation, la médecine d’urgence et la gynéco-obstétrique, affirme l’urgentiste parisien. Les jeunes ne viendront que si l’on cesse de travailler 80heures par semaine dans un état de stress chronique.»
Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar) est également monté au créneau. Son secrétaire général, le Dr Michel Dru, s’inquiète du lobbying mené par les directeurs d’hôpital au niveau européen : «Les directeurs cherchent à récupérer du temps médical par tous les moyens. En France, le risque est que notre repos de sécurité saute, ou qu’on soit autorisé à travailler plus, sans compensation financière.» Illustration sur le terrain : «Certains directeurs ont prévu de supprimer les chambres de garde, dans la mesure où la garde entre dans le temps de travail», s’offusque le praticien.
L’Amuf rappelle que Philippe Douste-Blazy, à l’époque où il était ministre de la Santé, s’était engagé à ne pas distinguer les périodes de travail actives et inactives. Il avait également reconnu le temps de travail de nuit. Les praticiens ont le sentiment que ces engagements sont aujourd’hui remis en cause par le gouvernement. «On craint que la France s’aligne sur la position de l’Angleterre qui veut déréglementer le temps de travail», résume Patrick Pelloux.
Mais, pour la FHF (Fédération hospitalière de France), il est grand temps de revoir la réglementation en vigueur. «Sur les 25Etats membres, vingt-trois -dont la France- ne respectent pas la règle de l’intégration des gardes dans le temps de travail», explique Gérard Vincent, délégué général de la FHF.
DELPHINE CHARDON