PARIS, 14 novembre 2006 (APM) – L’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) et le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHAR) s’inquiètent de la volonté de Philippe Bas et de Gérard Larcher de redéfinir le temps de garde à l’hôpital en périodes actives et inactives.
Parmi les sujets abordés lors du comité interministériel du 6 novembre sur l’Europe figurait notamment la révision de la directive sur le temps de travail, plus particulièrement la comptabilisation du temps de garde et la durée maximale hebdomadaire.
L’un des objectifs de la Commission européenne est d’éviter des difficultés aux Etats suite à plusieurs arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) stipulant que les gardes des professionnels de santé -entre autres professions- doivent être considérées comme du temps de travail si elles requièrent une présence physique sur le lieu de travail, rappelle-t-on.
Une avancée avait eu lieu en 2004 sur ce sujet, sous la présidence néerlandaise, avec l’introduction de la notion de « part inactive du temps de garde », qui ne devait pas être comptabilisée comme du temps de travail, à moins qu’une loi nationale ou qu’un accord national entre partenaires sociaux n’en décide autrement.
Le ministre délégué à l’emploi et au travail, Gérard Larcher, a estimé lors du comité interministériel que les arrêts de la CJCE « faussent un peu les règles ».
« Nous avons besoin pour le bon fonctionnement des services (…) d’une nouvelle approche de la période de garde et notamment du temps inactif dans la période de garde », a-t-il ajouté en précisant que ces modifications sont nécessaires « pour avoir 24 heures sur 24 des services d’urgences sur tout le territoire et pour assurer auprès des personnes âgées un certain nombre de services ».
Cette position est partagée par le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, Philippe Bas. Il a en effet déclaré que si les « heures passées sous astreinte pour des gardes » étaient comptées comme du temps de travail, cela pourrait « perturber » l’activité nationale et « mettrait par terre toute l’organisation de nos hôpitaux, pour les médecins hospitaliers et tout le personnel qui travaille avec eux, » ainsi que « l’organisation de nos maisons de retraite médicalisées », a-t-il ajouté.
En marge du comité interministériel, Philippe Bas a précisé à la chaîne de télévision Public Sénat qu’il juge nécessaire que le temps de travail soit compté de manière identique partout en Europe et que « les temps de gardes de nuit, les astreintes, ne soient pas comptés exactement comme les heures de plein travail ». Il souhaite que la règle soit « clairement posée » dans la directive.
UNE DES « PIRES REGRESSIONS SOCIALES » POUR L’AMUF
L’Amuf exprime dans un communiqué « sa plus profonde inquiétude sur les propositions du gouvernement de valider le principe des périodes inactives de garde ». Elle considère que cela constituerait « une des pires régressions sociales » pour les urgentistes.
Le syndicat rappelle qu’il a obtenu le 21 avril 2005 un engagement écrit du gouvernement signé par Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la santé, indiquant que « la totalité du temps de garde hospitalière resterait considéré comme du travail ».
L’Amuf souligne que la position ferme de la France de fixer à 48 heures le temps de travail hebdomadaire « implique qu’il faudrait donc créer des postes aux urgences » car les urgentistes travaillent souvent plus de 48 heures par semaine. « La manipulation trouvée pour éviter de créer des postes de médecins est de nous faire disparaître artificiellement des heures de travail de nuit en les qualifiant d »inactives' », critique le syndicat.
D’après le SNPHAR, les « directeurs recommencent dans les établissements hospitaliers à évoquer la part active en garde, ce qui permet de diminuer le temps de travail et de ne pas appliquer le repos de sécurité », a indiqué à l’APM son secrétaire général, Michel Dru.
Par ailleurs, « plusieurs directeurs ont prévu de supprimer la chambre de garde aux praticiens de garde, dans la mesure où la garde rentre dans le temps de travail », a-t-il ajouté.
PAS D’ACCORD SUR LA DUREE MAXIMALE DU TEMPS DE TRAVAIL
Le comité interministériel français visait à préparer la réunion des ministres des affaires sociales de l’Union européenne (UE) du mardi 7 novembre à Bruxelles.
Les ministres européens n’ont pas réussi à trouver un accord politique sur la durée maximale du temps de travail.
Cinq pays représentant une minorité de blocage, menés par la France, se sont opposés à un texte de compromis élaboré par la présidence finlandaise de l’UE. Ces cinq pays voulaient qu’une date soit fixée pour la fin de l' »opt-out » dont bénéficie le Royaume-Uni, qui permet de déroger aux 48 heures maximum de travail hebdomadaire.
L’Allemagne a déjà fait savoir qu’elle ne remettra pas ce dossier sur la table pendant sa présidence de l’UE, qu’elle assumera au premier semestre 2007.