Article de Libération du 5 janvier 2007 : Risque d’indigestion au Parlement

Le menu législatif à venir, alourdi par les modifications constitutionnelles, est gargantuesque.

Par Nathalie RAULIN

QUOTIDIEN : vendredi 5 janvier 2007

C’est un véritable marathon législatif qu’entament les parlementaires à compter de mardi. Le gouvernement, maître de l’ordre du jour des deux Assemblées, n’entend officiellement renoncer à aucun des projets de loi en instance. Mardi matin, à l’issue de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré devrait dévoiler l’ordre de passage des textes jusqu’à la fin de la session, prévue dès le 23 février, pour cause de campagne présidentielle. «Il n’y aura pas besoin de prolongation, nous ne le souhaitons pas», affirme Henri Cuq, ministre des Relations avec le Parlement, soucieux de rassurer des députés plus préoccupés de labourer leur circonscription que de siéger au Palais-Bourbon.

Versailles. Un engagement qu’il s’agit de concilier avec l’impératif élyséen. Jacques Chirac voudrait convoquer le Congrès (députés et sénateurs) à Versailles pour procéder aux modifications constitutionnelles promises, avant la fin de la session. Une nécessité si le chef de l’Etat veut pouvoir compter à cette occasion sur le dévouement de Debré, sans compromettre l’éventuelle nomination de ce fidèle à la tête du Conseil constitutionnel en remplacement de Pierre Mazeaud, dont le mandat vient à échéance le 3 mars. La coutume voulant qu’on ne se réunisse à Versailles que le lundi jour de fermeture du château au public , le fenêtre de tir est étroite : le Congrès devra se tenir au plus tard le lundi 19 février. De quoi surcharger l’agenda parlementaire. Les trois révisions constitutionnelles au menu du Congrès (réforme du statut pénal du chef de l’Etat, gel du corps électoral calédonien et inscription de l’abolition de la peine de mort dans la Constitution) doivent avoir été au préalable approuvées dans les mêmes termes par l’Assemblée et le Sénat. Le nouveau statut pénal du chef de l’Etat, vieille promesse du candidat Chirac en 2002, doit être discuté par les députés le 16 janvier puis la semaine suivante par les sénateurs. Déjà examiné par les députés, le projet de loi visant à geler le corps électoral en Nouvelle-Calédonie est lui aussi déjà inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Présentée en Conseil des ministres le 17 janvier, l’abolition de la peine de mort inscrite dans la Constitution doit encore trouver sa place à l’ordre du jour parlementaire.

Or le menu législatif à absorber est par ailleurs gargantuesque. D’ici au 17 janvier, les députés doivent notamment se pencher sur des questions aussi diverses que la réforme de la protection de l’enfance, le dopage dans le sport, les dispositions relatives à la Banque de France, l’égalité d’accès des femmes et des hommes dans les exécutifs locaux ou la réforme du régime des tutelles.

Délinquance. Par ailleurs, de source gouvernementale, on confirme que le droit au logement opposable sera rattaché à la proposition de loi portant diverses dispositions d’ordre social, qui sera examinée en première lecture le 25 janvier au Sénat. Déjà approuvé par le Sénat, le projet de loi sur la parité, rendant obligatoire l’alternance d’un homme et d’une femme sur les listes pour les élections municipales, n’est en revanche pas encore inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée. Pas plus que l’examen en deuxième lecture du projet de loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance des mineurs. Rien là qui inquiète le gouvernement. A une réserve près, le projet de loi en faveur des consommateurs, qui introduit pour la première fois le recours collectif (class action) dans le droit français, pourrait créer une polémique chronophage. «Tout le monde n’est pas d’accord», admet-on au gouvernement. Fin décembre, deux sénateurs socialistes se sont inquiétés d’ailleurs de ne pas voir le texte inscrit à l’ordre du jour du Parlement. Un retard à l’allumage pas forcément innocent.

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