Compte-rendu de la réunion du 8 décembre 2006 au ministère de la Santé
Il s’agissait de l’audition successive des différents syndicats concernant le suivi du plan de santé mentale et dans la perspective d’une réunion de l’Instance Nationale de Concertation en santé mentale dont la tenue à été fixée par la suite au 20 février 2006.
Étaient présents
– pour le ministère : M. Lopez de l’Igas, Mme Barres,
médecin de santé publique action sociale handicap, Mme Mativin de la
Dhos et Mme Richard, chef de bureau Dgs.
– pour l’USP : Pierre Paresys, excusée : Anne Michel
J’ai fait la lecture et le commentaire d’un texte (ci-dessous) pour repréciser les orientations générales souhaitées par l’USP. Ça n’est évidemment pas ce que souhaitaient mes interlocuteurs qui étaient en attente d’un commentaire précis des réalisations du plan de santé mentale (pragmatisme et efficience.). Outre le fait que je ne disposais pas de données précises sur l’ensemble du territoire, il ne m’apparaissait pas utile d’entrer dans les détails, me contentant de préciser que la situation de déficit de la plupart des établissements sur le territoire confirmait le grand intérêt du ministère et du gouvernement pour la psychiatrie… J’ai par ailleurs ajouté concernant les orientations générales, que nous souhaitions que le ministère de la Santé ne soit pas un sous-secrétariat du ministère de l’Intérieur et que l’ambiance « vichyste » actuelle était intolérable.
Le texte évoqué plus haut concernait de manière évidemment non exhaustive :
– la politique sanitaire et sociale
– l’organisation et financement et enfin
– psychiatrie, délinquances et dangerosité (centres fermés de
protection sociale)…
Une réorientation globale de la politique sociale est évidemment nécessaire avec une véritable lutte contre la précarité, pour le droit au logement, à l’éducation aux soins etc.. sans stigmatisation et humiliation… Autant en effet limiter la violence faite à la population plutôt que de devoir en prendre en charge les conséquences…
La tendance à l’accroissement de la pauvreté et des inégalités sociales nous oblige à repenser le système de santé pour que nous puissions dire que notre système procure la prévention et les soins de qualité pour TOUS quelles que soient les conditions de vie. Le système de santé ne doit pas être utilisé à des fins de contrôle social. La prévention et l’accès aux soins doit être abordée comme un droit fondamental de tout être humain, quelles que soient sa nationalité ou ses conditions sociales. Pour cela il est nécessaire de passer d’une logique de soins à plusieurs vitesses à une prise en charge de 100 % par la sécurité sociale de la prévention et des soins, à une sécurité sociale sans exclusion, le seul critère étant la présence sur le territoire. Il faut en finir avec les démarches humiliantes et stigmatisantes imposées aux plus pauvres…
L’USP rappelle son attachement à la notion de pluralité de l’offre de soins, impliquant l’existence d’un service public de psychiatrie avec un budget spécifique basé sur une planification en santé mentale sur des considérations sociodémographiques et non sur une régulation médico-économique basée sur la productivité hospitalière. Nous réaffirmons notre attachement à la politique de secteur, dans le cadre d’un service public solide financé sur les bases précitées afin de permettre une dissociation totale de la dotation budgétaire et du contrôle de l’activité. Elle doit permettre à l’état s’assurer son obligation à des soins de qualité à l’égard de la population. L’accès direct au psychiatre doit être rétabli.
Afin de limiter les dégâts générés par la réforme hôpital 2007 (dont nous demandons le retrait), un secteur doit être un pôle. L’hyper spécialisation intersectorielle est dangereuse, inutile, inadaptée et coûteuse dans la mesure ou elle permet d’exclure des patients des soins même quand les moyens existent… La médicalisation de l’information à des fins budgétaires et les budgets fléchés présentent les mêmes dangers par la tentation inévitable de sélectionner des catégories de patients et/ou de soins rentables… Les budgets fléchés entraînent par ailleurs des effets pervers avec un appauvrissement secondaire et une réorientation de l’offre le plus souvent inadaptée aux besoins…
Après l’échec de l’expérimentation du PMSI en psychiatrie pour déboucher sur une T2A en psychiatrie La généralisation du recueil d’informations médicales en psychiatrie (RIM-Psy) prévue début 2007 représente un passage en force qui ne peut s’expliquer que par la volonté d’habituer les services de psychiatrie à recueillir des données « en routine », sans s’interroger sur leur pertinence, favorisant le passage d’une psychiatrie du sujet à une psychiatrie de la traçabilité des actes. Au passage vont continuer à se constituer de grands fichiers nominatifs avec des données sensibles, dans tous les établissements psychiatriques et l’impossibilité de garantir la confidentialité… Cette orientation ne peut qu’être rapprochée de l’accentuation forte du contrôle social proposé par le projet de loi « dite » de prévention de la délinquance.
L’USP ne peut que dénoncer un projet qui en associant précarité, pauvreté, marginalité, échec et absentéisme scolaire, souffrance psychique, hospitalisation en psychiatrie et délinquance stigmatise une population en la considérant comme un danger potentiel. Par son atteinte au secret professionnel cette loi rend tout espace de travail et d’élaboration impossible, elle encourage le renoncement aux soins et renforce les possibilités de discrimination dans l’accès au logement, au travail et à l’Anpe où l’on encourage les populations en souffrance à se désinscrire.
L’USP s’opposera tout autant à une réforme de la loi de 90 dans le cadre d’une loi sanitaire inspirée par les mêmes orientations. Elle s’oppose totalement au chantage du gouvernement consistant à retirer les articles sur les hospitalisations d’office en psychiatrie du projet de loi de « prévention de la délinquance », et les promulguer par ordonnance dans la foulée. Une loi qui traite de la liberté individuelle, des soins psychiatriques et de l’ordre public ne peut être promulguée par ordonnance. Il n’est pas acceptable que le gouvernement cherche à transformer la psychiatrie en un simple outil d’enfermement, d’exclusion et de contrôle social, au mépris des notions de prévention et de soins portées par la psychiatrie de secteur. Il est totalement irresponsable d’opérer une réforme de la loi de 90 sans mesurer l’impact de l’accentuation du contrôle social dans le réseau, de la fragilisation statutaire des praticiens hospitaliers et par la-même de leur indépendance professionnelle…
Enfin l’USP s’associe pleinement à la prise de position de l’ASPMP, l’APSEP et le SMEP à la proposition de la mission parlementaire conduite par M. Garraud, député, de création d’un Centre Fermé de Protection Sociale. Comme le rappellent ces associations : » Les experts s’accordent du reste sur l’impossibilité de déterminer avec certitude si une personne est susceptible ou non de récidiver ; la définition du risque comporte une marge d’erreur importante. C’est donc le principe même de telles structures que nous récusons, véritables lieux de relégation qui viendraient se substituer en fait à une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Rappelons que le meilleur moyen de prévenir un risque de récidive criminelle est, encore et toujours, la préparation de la sortie de
prison dès l’incarcération ainsi que les aménagements de peine dont la libération conditionnelle, assortis de mesures d’accompagnement global, de soutien social et de contrôle à la sortie de prison. Ce qui suppose évidemment la mise à disposition de moyens adéquats. Rappelons enfin que si une personne présente des troubles psychiatriques qui la rendent dangereuse pour elle-même ou autrui, il existe d’ores et déjà des structures de soins qui peuvent la prendre en charge. La capacité de ces structures médicales peut être augmentée afin de demeurer dans le champ du soin, ce qui suppose, bien entendu, là encore, des moyens adéquats. »
Pierre PARESYS, Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie