Dix mille euros à condition de rester travailler cinq ans dans un établissement « difficile ». C’est ce que le gouvernement vient d’accorder – discrètement – aux patrons des hôpitaux. Au grand dam des syndicats.
C’est une vieille revendication des directeurs d’hôpitaux à laquelle le gouvernement a dit banco en catimini au coeur de l’été. Le 30 juillet dernier, un arrêté ministériel a dressé la liste de 56 hôpitaux dans lesquels les personnels de direction pourront toucher une prime spécifique « de sujétion », de 10 000 EUR par personne, en échange de leur engagement de rester en poste cinq années durant dans ces établissements où la situation serait jugée « particulièrement difficile » (lire la carte ci-contre) . Un cadeau que l’on souhaitait discret…
Une semaine plus tard, alors que le gouvernement se fendait d’un communiqué de presse pour rappeler la récente publication de 18 textes relatifs à la fonction publique hospitalière – qui bénéficieront, précise le communiqué, à « plus de 365 000 agents », dont des ouvriers, des secrétaires médicales, des aides-soignantes -, nulle mention n’était faite, en revanche, de cette prime allouée aux patrons et à leur garde rapprochée.
« Pourquoi le personnel n’y a pas droit ? »
Pourquoi une telle volonté de discrétion ? D’autant que les critères permettant d’allouer cette prime à tel hôpital plutôt qu’à tel autre ne figurent pas clairement dans l’arrêté. Or, qu’y a-t-il de commun entre Tulle, Calais, Tonnerre et Saint-Denis ? Pour le ministère de la Santé, la notion d’établissement « particulièrement difficile » recoupe à la fois des hôpitaux géographiquement isolés, mais aussi ceux où la « situation financière » est délicate, ou encore là où le « climat social » est tendu. Autant de critères qui laissent songeur : un directeur peut percevoir une prime pour redresser un hôpital en déficit. La touchera-t-il – aussi – si ce déficit est lié à sa mauvaise gestion ? « Et puis, si le climat social est tendu, comme à Pau (NDLR : fin 2004, une infirmière et une aide-soignante avaient été tuées par un patient) , pourquoi le personnel n’a-t-il pas droit lui aussi à cette prime ? » s’indigne le représentant de SUD-Santé à l’établissement psychiatrique Paul-Guiraud de Villejuif, Joël Volson (lire le reportage ci-dessous). Surtout, à l’heure où moult établissements accusent un fort déficit, le budget débloqué à cette occasion – environ 3 millions d’euros, selon nos calculs – en choque plus d’un. D’autant plus, d’ailleurs, que les sommes concernées seront versées rapidement.
Sans surprise, au Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH), on réfute ces accusations. Son président, Philippe El Saïr, estime même que si cette nouvelle prime constitue une « amorce », son montant, en revanche, ne suffira pas à convaincre les directeurs d’aller « là où plus personne ne veut aller ». « Reconversions difficiles à mener, hôpitaux à redresser, établissements où les séquestrations de directeurs se répètent… Aujourd’hui, comme rien ne valorise la prise de risque, ceux qui veulent faire carrière font tout pour éviter ces postes à pièges », précise celui qui milite donc en faveur d’un vaste débat sur les rémunérations variables. Celui-ci se tiendra d’ailleurs le 17 septembre au ministère de la Santé. Dans les hôpitaux « chauds », ou très isolés, ne faudrait-il pas, aussi, encourager financièrement médecins, infirmières et autres aides-soignantes ? « La question n’est pas illégitime », reconnaît Philippe El Saïr.