Franchises, tarification à l’acte et installation en ville : l’inquiétude monte.
Par Eric Favereau
QUOTIDIEN : mardi 2 octobre 2007
Sur le front de la santé, une drôle de rentrée se dessine. Des conflits apparaissent, en ville comme à l’hôpital. Des mobilisations voient le jour et des pétitions circulent, mais nul ne peut prévoir si la mayonnaise va prendre. D’autant que les acteurs restent assommés par les chiffres récents et un trou récurrent de la Sécurité sociale. Revue des grognes.
La guerre des franchises
Samedi, au gymnase Japy, à Paris, il y a eu du monde pour dire le plus grand mal de ces franchises médicales que vient d’instaurer le gouvernement «pour financer le plan Alzheimer». Les Verts, les socialistes, les communistes sont venus en nombre, mais aussi le milieu mutualiste et associatif. Une longue après-midi durant, ils ont débattu, mis au point la prochaine riposte, la journée nationale du 13 octobre. «Cette première étape est plutôt réussie», a reconnu Christian Lehman, médecin généraliste et initiateur d’une pétition, lancée cet été, contre les franchises, qui a déjà recueilli plus de 70 000 signataires. «Un ou deux euros de franchise, on pourrait croire que ce n’est pas grand-chose, mais c’est le principe qui est dramatique, a expliqué Annick Coupet, secrétaire générale de Solidaires. On casse la solidarité. On fait payer les malades pour les malades, alors que la force de l’assurance maladie est de faire cotiser les bien portants pour les malades.»
En tout cas, les sondages sont nets : 70 % des Français s’y déclarent opposés. «Les franchises constituent un réel obstacle à l’accès aux soins des plus démunis, insiste le Collectif des usagers de la santé. On dit qu’elles ne sont pas élevées, mais le montant s’ajoute à la participation de 1 euro pour chaque consultation, et à la contribution de 18 euros, et au ticket modérateur. Se souvient-on que le forfait journalier hospitalier de 16 euros ne coûtait que de 3 euros à sa création en 1995 ?»
T2A, l’incompréhension à l’hôpital
Depuis quelques jours circule une pétition contre la T2A – la tarification en fonction du volume d’activité qui servira, à partir du 1er janvier 2008, de base de calcul pour les subventions accordées à un hôpital -, que Nicolas Sarkozy a décidé de généraliser.
André Grimaldi, diabétologue à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, est à l’origine de la fronde. L’homme est chaleureux. Militant, hier trotskiste, il est un des farouches adversaires de l’hôpital-entreprise. Il a rédigé une lettre à Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé, pour lui faire part de ses inquiétudes. Un texte cosigné par près d’un millier de médecins hospitaliers, dont une foule de grand nom, comme Didier Sicard, président du Comité national d’éthique, mais aussi par près de 300 professeurs de médecine : «Madame la ministre, les médecins et cadres hospitaliers tiennent à vous alerter sur les défauts révélés par la mise en place de la réforme hôpital 2007… Le financement par la T2A conduit à privilégier les malades et les activités rentables financièrement, c’est-à-dire essentiellement les patients ayant des pathologies aiguës relevant de gestes techniques et n’ayant pas de polypathologies ni de maladie chronique ou de problèmes sociaux ou psychiatriques», écrivent les signataires, qui soulignent aussi que «la T2A pousse à une augmentation aberrante d’activités jugées rentables comme les hospitalisations de jour, quitte à accroître abusivement la prescription d’examens complémentaires pour les justifier [lire ci-dessous].» Depuis sa lettre, André Grimaldi a reçu un coup de téléphone de l’Elysée : il sera reçu par un conseiller.
La liberté d’installation des médecins
Coup de sang, encore à l’hôpital. Depuis vendredi, une grève des gardes et des astreintes a été déclenchée par les syndicats des internes et des chefs de clinique. La raison ? L’éventuelle remise en cause de la liberté d’installation des futurs médecins. Une revendication un rien corporatiste qui fait fi du déséquilibre actuel entre certaines régions.
Pour tenter d’y remédier, le gouvernement a juste lancé l’idée de mesures, dites de dé-incitations pour empêcher des médecins de mettre leur plaque dans des endroits où il y en a déjà bien assez. «On veut nous imposer des règles autoritaires, alors que l’on n’a même pas analysé si les mesures d’incitation étaient suffisantes et cohérentes», s’énerve Olivier Mir, président du syndicat des internes. «De plus, ajoute Pierre Lebourghe, chef de clinique, les mesures autoritaires ne marchent pas. Les pays qui ont essayé s’en mordent les doigts. Ils n’ont… plus de médecins.»
A présent, la grève des futurs médecins ne gêne pas franchement la vie quotidienne des hôpitaux. Mais chacun sait que les grands mouvements de contestation à l’hôpital viennent des internes ou des chefs de clinique. «Il faut être prudent, cela peut prendre de l’importance», note André Grimaldi, pourtant critique sur le mot d’ordre de ces futurs médecins.