Quotidien du Médecin du 8 octobre 2007 : Nicolas Sarkozy prépare un discours choc sur la santé

L’Elysée plus que jamais aux manettes

Nicolas Sarkozy prépare un discours choc sur la santé

Alors que ses propos sur la liberté d’installation ont mis les internes dans la rue, et que la baisse de leurs tarifs en 2008 a jeté un froid dans les hôpitaux publics, le président de la République s’apprête une nouvelle fois à reprendre la main. A la fin octobre, il prononcera un discours important sur la santé, où chaque acteur du système de santé sera en quelque sorte remis à sa place.

C’EST DÉSORMAIS « the place to be ». L’endroit où placer ses pions. Le bureau du conseiller santé de Nicolas Sarkozy voit défiler ces jours-ci tout ce que le monde sanitaire compte de représentants syndicaux et institutionnels. Chacun y va de son commentaire sur le PLFSS (le projet de loi de financement de la Sécurité sociale) et la baisse des tarifs hospitaliers.

A l’un de ses interlocuteurs, le conseiller en question a confié : «On va aller loin, fort, et vite.» Un discours choc, fondateur, est en préparation. Nicolas Sarkozy le prononcera à la fin d’octobre, à l’occasion de l’installation de la mission Larcher sur l’hôpital. Nul ne l’ignore plus, et la rumeur, depuis quelque temps, va bon train.

Que va sortir le président de son chapeau ? Il parlera de l’hôpital – Gérard Larcher est donc chargé d’en redéfinir les missions -, mais aussi de l’organisation du système de santé dans son ensemble. Les médecins libéraux auront droit à un couplet mordant sur la liberté d’installation. «Ce sujet, c’est la patate chaude depuis des années. Pour la première fois, un président a le courage de dire les choses: il ne va pas reculer», confesse un membre de la sphère sarkozyste.

Les médecins hospitaliers, eux, entendront parler de rémunération au mérite, corollaire de l’accélération de la tarification à l’activité (T2A). «Il ne faut pas s’en étonner: Nicolas Sarkozy a été élu sur la réhabilitation du travail», poursuit l’observateur.

De sources concordantes, le chef de l’Etat devrait également se montrer offensif sur la permanence des soins en ville, qu’il souhaite plus efficace – et, donc, plus contraignante – afin de soulager les urgences hospitalières. «Ce serait malhabile de se retrouver avec les médecins libéraux dans la rue en plus des internes», note un hospitalier.

Mais dans l’idée du candidat d’hier et du président d’aujourd’hui, l’hôpital public n’a d’avenir que s’il se recentre sur ses missions de soins. Aussi le chef de l’Etat est-il attendu sur le devenir des hôpitaux de proximité. Seront-ils convertis en structures gériatriques médico-sociales, une idée dans l’air, mais jamais exprimée en ces termes ? Une solution, pourtant, pour en finir avec le nursing à coût élevé. Nicolas Sarkozy répète souvent que les personnes âgées n’ont pas leur place à l’hôpital. A la fin d’octobre, lors de son discours sur la santé, il fera peut-être tomber le tabou.

Et quid de la redéfinition de la carte hospitalière ? «C’est la vraie bombe, car l’hôpital tarde à se restructurer, affirme un chef d’établissement. On n’y coupera pas. Mais avec les municipales en vue, Nicolas Sarkozy ne sera pas à l’aise pour en parler.»

Cap rapide sur les ARS. Dernière annonce attendue, et pas des moindres : la mise en place rapide, dès le 1er janvier 2009, des ARS, les agences régionales de santé. Une loi pourrait être votée en ce sens l’été prochain. Deux missions planchent sur la question. A la tête de l’une d’elles, le député UMP Yves Bur approuve le cap tracé par l’Elysée.

Mais il s’inquiète ouvertement des échéances fixées : «Créer les ARS va bousculer beaucoup d’administrations, cela ne se fera pas d’un claquement de doigts. Restructurer le pilotage du système prendra, je pense, deux ou trois ans.» Les discussions sur les ARS ne font que débuter, mais déjà, on le devine, l’Elysée tente d’imposer sa patte. Gérard Larcher en sait lui aussi quelque chose. Sa mission qui vise à redéfinir le rôle de l’hôpital devait être
> installée au début d’octobre, elle ne le sera qu’à la fin du mois. Il se raconte que le retard serait dû à des désaccords entre l’Elysée, Matignon, le ministère de la Santé et l’ancien ministre missionné. Ni la feuille de route, ni la composition du groupe de travail ne seraient à ce jour arrêtées. «Gérard Larcher est maître du jeu, il mène seul sa barque», tente de rassurer un proche de Sarkozy.

Il n’empêche. Dans l’esprit de tous aujourd’hui, les rapports ont changé. Le pouvoir s’exerce désormais à l’Elysée, directement. «C’est l’arbitre final, sans oublier Matignon.»

Roselyne Bachelot, autoproclamée ministre de la qualité des soins, apparaît bien éloignée du cercle décisionnel, d’autant plus qu’elle doit composer avec d’autres – Eric Woerth, Valérie Létard, Xavier Bertrand, pour ne citer qu’eux. Les professionnels de santé ne lui en tiennent pas rigueur, estimant dans leur majorité qu’un autre ne ferait pas mieux. Certains, comme ce syndicaliste, soulignent même son «mérite». «La ministre évolue dans un univers complexe. Pourtant, nos contacts avec elle sont plus faciles que sous Philippe Douste-Blazy.»

Mais, tout récemment, Roselyne Bachelot a commis son premier faux pas, en annulant en dernière minute l’inauguration de l’hôpital de Saintes (Charente-Maritime). «Le monde de la santé l’a mal vécu, car c’était un symbole, raconte un directeur. Les enjeux sont forts sur la coupe de rugby, nous avons compris que nous devons partager notre ministre avec le monde du sport. Ce n’est pas simple.»

« Gesticulation et occupation médiatique ». Certains syndicalistes ont la dent particulièrement dure et parlent d’une politique hospitalière «inexistante». D’autres nuancent le propos. «La politique hospitalière existe, la preuve avec le projet des ARS. Seulement, elle n’est plus pensée et décidée Avenue de Ségur comme par le passé. Il faut s’y faire, maintenant tout se joue à l’Elysée.»

Ceux qui y ont leurs entrées s’accommodent de la situation. Mais la méthode Sarkozy ne fait pas que des heureux. «La politique de santé patine, se désole un syndicaliste hospitalier. La mission Larcher, par exemple, c’est de la gesticulation, de l’occupation médiatique. Ou du recyclage d’ancien ministre. Le sujet a déjà été rebattu dix fois, et il existe des tas d’instances censées réfléchir à la question, notamment l’IGAS. De même, la T2A à 100%, c’est de l’affichage: la montée en charge s’étalera en fait sur plusieurs années.»

Si la méthode peut être débattue, le fond, lui, n’est nullement discutable, affirme un proche de Sarkozy. «Tout ce qui se profile dans le champ de la santé, nous l’avions dit pendant la campagne. Personne n’est pris par surprise.» Petite pique, on l’aura compris, en direction des internes. Leur mobilisation (voir aussi page 4) est suivie de très près par l’Elysée. «Je crains un enlisement intellectuel du mouvement. Mais, quoi qu’il arrive, je pense que le président fera les annonces qu’il a prévues fin octobre», conclut l’homme politique.

DELPHINE CHARDON

http://www.quotimed.com/documentroot/qdm/iss14193/Pag109348/QDM8231_003.pdf