PARIS, 11 octobre 2007 (APM) – Le délibéré de la chambre disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) sur la plainte déposée par deux médecins libéraux contre le président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) pour « non confraternité » sera rendu par écrit mi-novembre, a-t-on appris mercredi auprès de l’avocat de Patrick Pelloux, Me Benoît Chabert.
Patrick Pelloux, accompagné de son avocat, et les deux plaignants, Bernard Huynh, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) de Paris, et José Clavero, président CSMF-Unof Paris, ont été entendus par l’ordre mercredi en fin d’après-midi.
Une audition avait déjà eu lieu en juin 2005 devant le conseil départemental de l’Ordre des médecins de Paris. Aucune conciliation n’ayant été obtenue avec les parties plaignantes, la plainte avait alors été transmise au conseil régional de l’Ordre des médecins en mars. Me Chabert avait interjeté appel sur la recevabilité de la plainte renvoyant ainsi l’affaire à la chambre disciplinaire du Cnom.
Pour cette nouvelle audience, une soixantaine de personnes, majoritairement de la CGT, sont venues soutenir le président de l’Amuf devant le siège du Cnom à Paris, a constaté l’APM sur place. La CGT a profité de l’occasion pour manifester contre l’instauration des ordres professionnels.
Parmi les personnalités présentes figuraient notamment la secrétaire générale de la CGT, Nadine Prigent, le président de Samu de France, Marc Giroud, ainsi que les caricaturistes du quotidien Charlie hebdo, Cabu et Charb. » Nous ne pouvons pas accepter que (…) l’un des plus valeureux se retrouve au pilori pour avoir dit ce que chacun pense « , a déclaré Marc Giroud.
L’audience étant publique, les personnes soutenant Patrick Pelloux l’ont accompagné dans la salle, la moitié devant rester debout.
Me Chabert a plaidé plusieurs motifs d’irrecevabilité de la plainte déposée par les deux médecins libéraux.
Il a tout d’abord souligné que les plaignants n’ont pas justifié de leur capacité à agir pour le compte de leurs syndicats respectifs, ne pouvant fournir les statuts des syndicats ou une délibération des conseils d’administration les mandatant à engager la poursuite.
Il a ensuite indiqué que les plaignants n’avaient fourni aucun document ou support (article, enregistrement des interventions télévisées) susceptible de justifier les « allégations outrageantes » qui auraient été prononcées par Patrick Pelloux en avril 2005 et d’éclairer la chambre disciplinaire sur leur teneur et le contexte dans lequel ces propos auraient été tenus.
Enfin, il a remarqué que si la chambre disciplinaire considérait Patrick Pelloux comme un médecin de l’hôpital Saint-Antoine à Paris (AP-HP), la plainte est irrecevable selon l’article L4124-2 du code de la santé publique.
Cet article dispose que les médecins « chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’Ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance [conseils régionaux et interrégionaux de l’Ordre des médecins], à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le procureur de la République ou, lorsque lesdits actes ont été réalisés dans un établissement public de santé, le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation » (ARH).
Si la chambre estime néanmoins que les propos attaqués ont été tenus par un président de syndicat, son « regard » doit alors changer, a-t-il souligné. Dans ce cas, il a tenu à rappeler que les déclarations avaient été prononcées au moment du mouvement des urgentistes en avril 2005, quand « la polémique était au plus fort » et que le gouvernement était sur le point d’adopter un décret sur la permanence des soins et sur la répartition des charges entre libéraux et urgentistes.
« Que reproche-t-on à Patrick Pelloux ? De s’exprimer ? D’être présent (…) N’est-ce pas justement le rôle d’un président de syndicat de déranger ? », a observé Me Chabert.
Le président de l’Amuf a également pris la parole pour expliquer le contexte. Des décisions politiques, sans négociation avec les hospitaliers, ayant permis aux médecins libéraux de ne pas assurer des gardes, les urgences et les Samu risquaient d’être saturés, ce qui a bien été observé par la suite, a-t-il souligné. « C’est ce que nous sentions en 2005 et ça arrive », a ajouté le président de l’Amuf.
Ce constat a été repris par Jean-Yves Grall dans son rapport sur la permanence des soins, par Nicolas Sarkozy à Clermont-Ferrand fin septembre au congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France et par Roselyne Bachelot à Lille la semaine dernière devant les urgentistes, a remarqué Patrick Pelloux.
De son côté, Bernard Huynh s’est déclaré « gêné par la dissymétrie de la réunion » et ne pensait pas devoir justifier l’existence de son syndicat du fait de son « rôle reconnu dans la région ». Il a remarqué que la fonction hospitalière de Patrick Pelloux pourrait « l’immuniser contre tout reproche » mais que « ses autres fonctions [président de syndicat et chroniqueur pour Charlie Hebdo] » rendent la plainte recevable.
José Clavero s’est déclaré « offusqué » par les déclarations de Patrick Pelloux en 2005 selon lesquelles les généralistes ne feraient pas « leur boulot » et a estimé qu’il n' »était pas possible d’entendre ce type de propos ».
A l’issue de l’audience qui a duré environ une heure, aucune question n’a été posée par les membres de la chambre disciplinaire. Le délibéré sera rendu par écrit dans cinq semaines.