Inquiète pour l’avenir de l’hôpital, confronté à des dépenses de santé croissantes et à des difficultés financières, Rose-Marie Van Lerberghe, à l’époque directrice générale de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, avait demandé au Comité consultatif national d’éthique (Ccne) de se prononcer sur les problèmes éthiques posés par la contrainte budgétaire en milieu hospitalier. La question était de savoir sur quels critères fonder une décision équitable face à des impératifs souvent contradictoires : « préserver la santé d’un individu et gérer au mieux celle d’une communauté de personnes ». Le Ccne a rendu public aujourd’hui son avis sur le sujet* et forme plusieurs recommandations.
Pour commencer, les sages encouragent à « réintégrer la dimension éthique et humaine dans les dépenses de santé, afin de permettre à l’hôpital de remplir de manière équilibrée l’ensemble de ses missions, et pas uniquement les plus techniques ou les plus spectaculaires ». Mais ils invitent aussi à se réinterroger sur la « mission primaire essentielle de l’hôpital ». Car, pour le Comité d’éthique, l’hôpital a « dérivé de sa mission originelle d’accueil de la précarité et de la maladie, puis de sa mission de recherche et d’enseignement », jusqu’à devenir, de plus en plus, un « service public, industriel et commercial » où la rentabilité économique prime sur la dimension sociale. Or, rappelle le Comité, le maintien du lien social est indispensable, pour empêcher que des patients sombrent dans l’exclusion, une fois leur diagnostic établi et leur traitement entrepris.
Dans ce contexte, le recours à la T2A (tarification à l’activité) dans les hôpitaux n’est pas systématiquement approprié et devrait être réservé aux « actes techniques spécialisés pour le diagnostic et les soins », estime le Ccne. Les actes dispensés en psychiatrie, en gérontologie, en pédiatrie, où encore l’écoute et l’examen clinique approfondis, méritant selon le Comité d’être cotés différemment. Ainsi, espère-t-il, on éloignera la menace d’une « tyrannie du « tout quantitatif » ».
Bien sûr, concluent les sages, les aspects budgétaires doivent être pris en compte. Mais, assurent-ils, « la garantie d’un accès juste aux soins de qualité n’est pas en contradiction avec une rigueur économique ».
Avis 101, « Santé, éthique et argent : les enjeux éthiques de la contrainte budgétaire sur les dépenses de santé ».