Communiqué du 16 novembre 2007 : Soutien à la grève du 20 novembre
L’Union Syndicale de la Psychiatrie, appelle l’ensemble des psychiatres de Service Public à se joindre au mouvement de grève national de la fonction publique du 20 novembre 2007, pour refuser la dégradation rapide de leur profession :
– Une dispersion croissante de leur activité, du fait de tâches techno-administratives dénuées de tout intérêt clinique ou thérapeutique : évaluation, saisie informatique, remplissage de protocoles multiples, toutes choses sensées améliorer la « traçabilité » des actes (autrement dit la recherche d’une culpabilité en cas de problème), mais qui en fait déconnectent le travail soignant de la réalité concrète et multiplient donc les risques d’erreurs ;
– Cette tendance au contrôle omniprésent des soins psychiatriques s’intégrant dans la « révolution managériale » en cours : valorisation financière de l’activité, projets et contrats de pôle, mise en concurrence des praticiens entre eux par l’intéressement, Conseil Exécutif dirigé par un seul « patron » : le directeur. Les pratiques soignantes vont se trouver ainsi subordonnées à une logique de rentabilité à court terme qui ne répond ni à la déontologie médicale, ni aux besoins de la Santé Publique ;
– Une dérive sécuritaire des pratiques de soins : violences envers les soignants sans réponse adaptée, hospitalisations sous contrainte de plus en plus nombreuses, missions médico-légales toujours plus étendues (injonctions thérapeutiques, expertises, psychiatrie pénitentiaire, etc.), saturation des capacités d’hospitalisation multipliant les risques, manque de personnel médical et infirmier, non-prise en compte de la souffrance des soignants ;
– De plus en plus, c’est la violence sociale qui, faute de réponses culturelles, environnementales et économiques appropriées, se trouve artificiellement déplacée vers la psychiatrie : psychiatrisation de la déviance sexuelle, de la délinquance, des addictions, des « nouvelles pathologies » de la personnalité… Parallèlement, on assiste à une dérive scientiste inquiétante au sein même de la profession, niant la complexité symbolique et historique de la souffrance psychique, pour imposer une conception neurobiologique obéissant aux intérêts de l’industrie pharmaceutique, sinon de l’évolutionnisme eugénique ;
– La paupérisation et la stigmatisation des plus fragiles, associées à une marchandisation sélective du système de santé, qui amènent à s’interroger sur l’avenir d’une société « sauve qui peut » où le repli individualiste deviendrait la seule posture psychologique possible (privatisation de la protection sociale, précarisation professionnelle, fuite dans la consommation immédiate, désinformation médiatique de masse, etc.).
L’Union Syndicale de la Psychiatrie refuse cet appauvrissement de la réflexion et de la pratique cliniques et thérapeutiques, au profit d’un contrôle techno-administratif généralisé de l’activité médicale comme du comportement des patients. Elle demande à ce qu’un véritable débat démocratique s’engage enfin sur cette dérive managériale et sécuritaire. Elle rappelle le caractère inaliénable du secret médical et de l’indépendance professionnelle des psychiatres. Elle demande à être reçue rapidement par madame la ministre de la Santé afin que les inquiétudes et les revendications de la profession soient prises sérieusement en compte.