Article du Quotidien du médecin : Autorisation des médecins à diplôme étranger – Des candidats sont tombés sur l’os de la langue française

Lors de la dernière session de la PAE, de nombreux candidats ont été recalés pour cause de note éliminatoire en français.

MÊME REVUE et corrigée pour sa dernière session, la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) des médecins diplômés hors de l’Union européenne mérite manifestement quelques ajustements, en tout cas pour ceux de ses candidats qui ne sont pas nouveaux arrivants dans le système de soins français mais aspirants, via cet examen, à la régularisation de leur situation (1).

Il y a un mois (« le Quotidien » du 6 décembre), premier émoi : des collés se rendent compte qu’ils ont échoué à la PAE alors qu’ils ont la moyenne (et aucune note éliminatoire). Le ministère met le couac sur le compte d’une mauvaise interprétation des texte par les jurys – 11 sont concernés – à qui il demande de respecter les règles. Depuis, 9 ont rectifié le tir, mais 2 – la chirurgie vasculaire et la chirurgie viscérale – refusent de réviser leurs résultats. En vertu du principe de la souveraineté des jurys, les pouvoirs publics, qui ne souhaitent pas annuler l’examen, en restent là. Pas l’INPADHUE (Intersyndicale nationale des praticiens à diplôme hors Union européenne), qui soutient les recours déposés au tribunal administratif de Paris par 19 candidats malheureux dans ces deux disciplines chirurgicales. « Le ministère de la Santé n’a pas pu contraindre le jury à suivre les textes, le juge le fera », affirme, confiant, le Dr Talal Annani, président de l’INPADHUE.

Une autre fausse note concerne les chirurgiens-dentistes : aucun des 194 candidats à la PAE en 2007, qu’ils soient nouveaux arrivants ou déjà en exercice, n’ont été reçus : ils n’ont pas eu la moyenne ou ont écopé d’une note éliminatoire, la plupart du temps à l’épreuve de langue française (seraient dans ce cas des dentistes ayant passé et réussi le bac en France !). Cette situation pour le moins curieuse a conduit le ministère à choisir d’annuler purement et simplement l’examen. Pour vice de forme.
Il apparaît que l’écueil du français concerne aussi des médecins. Plusieurs praticiens collés s’étonnent aujourd’hui de la note éliminatoire qu’ils ont obtenu dans la langue de Molière. Le Dr Annani cite le cas d’un candidat, actuellement en poste dans un grand hôpital parisien, dont les très bons résultats en connaissances fondamentales (17 sur 20) et en connaissances pratiques (15 sur 20) font difficilement ménage avec le 5,75 sur 20 obtenu en français – la barre de l’élimination est à 6 sur 20 : « L’examinateur qui a donné un 17 à ce médecin pour ses connaissances fondamentales, comment a-t-il compris ce qui était écrit sur la copie ? » Le flou de l’épreuve de langue sème le doute. Le jury de pédiatrie a d’ailleurs décidé de recorriger ses copies dans cette épreuve.

Quand les textes disent qu’il s’agit d’évaluer la capacité des candidats à communiquer avec leurs patients et avec leur environnement, que faut-il comprendre ? « Les fautes d’orthographe sont-elles notées ? Le fond entre-t-il en compte ? se demande le Dr Annani. En obstétrique par exemple, l’épreuve de français posait la question suivante : ‘‘Que dites-vous à une patiente au cours de son premier semestre de grossesse sur le test de la trisomie 21 ?’’ »

A la FPS (Fédération des praticiens de santé), on milite pour une réforme de l’épreuve de français qui la déconnecterait de la médecine : « Il faut un tiers neutre, estime le Dr Hani-Jean Tawil, délégué général du syndicat. Un chirurgien n’est pas capable de dire ‘‘celui-là est bon en français ou non’’. On pourrait par exemple confier cette épreuve à l’Alliance française. »

En mal de transparence, l’INPADHUE demande, elle, « la réouverture immédiate des négociations avec le ministère » sur les conditions de déroulement et de correction des épreuves de la PAE.

KARINE PIGANEAU