Article du Monde Diplomatique de février 2008 : Traitement de choc pour tuer l’hôpital public

Urgences hospitalières saturées, cliniques florissantes, franchises médicales étendues…

Traitement de choc pour tuer l’hôpital public

Des malades chroniques, en France, ont entamé une grève des soins pour protester contre le paiement de sommes forfaitaires pour les médicaments, les transports en ambulance et les visites médicales. Périlleux, le mode d’action rappelle que la santé ne saurait être un marché « comme les autres ». Or les réformes du financement de la Sécurité sociale et des hôpitaux publics mettent en péril l’accès aux soins pour les malades, le travail des professionnels concernés et la qualité de la médecine.

Par André Grimaldi, Thomas Papo et Jean-Paul Vernant

La crise des hôpitaux et du système de santé français ne doit rien au hasard. Elle est d’abord due à la pénurie médicale qui résulte de la politique suivie pendant vingt ans, de façon continue, par tous les gouvernements. Pendant cette période, on est passé de la formation de huit mille cinq cents à trois mille cinq cents médecins par an. Cette politique malthusienne a été prônée à la fois par certains économistes spécialistes de la santé et par les syndicats de médecins libéraux.

Pour les économistes en question, c’est l’offre qui détermine la demande. En diminuant la première, on allait donc réduire la seconde. Cette position paraît d’autant plus étonnante qu’elle ne comprenait, en parallèle, aucune adaptation du système de soins. De façon moins naïve, les syndicats de médecins libéraux estimaient que la diminution du nombre de praticiens leur permettrait d’être en position de force sur le marché. De fait, cette diminution favorise la pratique des dépassements d’honoraires, notamment des spécialistes, laquelle est en grande partie légalisée par la réforme de la Sécurité sociale mise en place par M. Philippe Douste-Blazy. La philosophie de cette pratique est bien résumée par la déclaration du docteur Guy-Marie Cousin, président du Syndicat des gynécologues-obstétriciens de France ; si le dépassement d’honoraires en clinique « ne convient pas aux patients, estime-t-il, il faut qu’ils aillent à l’hôpital se faire soigner par des praticiens à diplôme étranger » ! Conséquence de cette logique, la désertification médicale ne touche pas seulement certains territoires ruraux, mais aussi certaines spécialités inaccessibles à ceux qui n’ont pas les moyens de payer les dépassements d’honoraires.

Besoins de santé en augmentation

C’est sur ce fond de pénurie, au moins relative, qu’a lieu le débat récurrent sur le « trou de la Sécu ». Pour une part, il s’agit d’un faux débat car les comptes de la Sécurité sociale dépendent non seulement des sorties, mais aussi des rentrées financières. Or le déficit de la branche maladie – 6 milliards (…)

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