Discours de Madame ROSELYNE BACHELOT-NARQUIN, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports lors de la Conférence nationale des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires

Paris le jeudi 7 février 2008

Madame la directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, chère Annie, Monsieur le président de la conférence, Cher Paul Castel,
Mesdames et messieurs les directeurs généraux, Mesdames, Messieurs,

Notre dernière rencontre remonte à peu de temps puisque vous m’avez donné l’occasion de prendre la parole devant vous lors du jubilé des CHU. Il m’a paru essentiel de vous revoir rapidement, et en formation plus restreinte. C’est pourquoi aujourd’hui, c’est moi qui me suis invitée à votre réunion de travail.

Je ne vous surprendrai pas en vous disant que l’année 2008 s’annonce riche en changements pour les établissements et, plus largement, pour tout notre système de santé.

Les CHU tiennent un rôle tout à fait considérable dans notre système de santé, puisque vos 31 établissements assurent près d’un tiers des actes médicaux des français. Vous êtes rassemblés en un réseau très dynamique : je ne peux que rendre hommage à la volonté qui est la vôtre de vous réunir chaque mois pour réfléchir ensemble aux problématiques de vos établissements, et mutualiser vos savoirs faire, vos expériences et vos compétences, si diverses d’un établissement à l’autre.

J’ai souhaité intervenir dans votre réunion de travail, en ce début d’année de jubilé, afin de vous exposer sans détour mes projets et mes attentes pour 2008.

L’actualité qui nous occupe au premier chef, c’est évidemment la situation financière de vos établissements, et la poursuite de la montée en charge de la T2A. Le passage à 100% de la tarification à l’activité est intervenu au début de cette année. Ce nouveau mode de tarification encourage le dynamisme des établissements en leur permettant de disposer des ressources qui correspondent à leur activité réelle. La T2A, conjuguée à la réforme de la gouvernance, devra vous permettre d’améliorer l’efficience de vos établissements, au travers d’un pilotage médico-économique par pôle d’activité.

L’excellence des CHU est reconnue. Je souhaite qu’elle se reflète dans la qualité de leur gestion, ainsi que je vous l’ai dit le 8 janvier dernier.

La T2A ne peut être tenue pour responsable d’éventuelles difficultés financières. Elle n’en est que le révélateur et doit permettre une prise de conscience salutaire. Le président de la République a réaffirmé sa volonté de voir disparaître les situations déficitaires dans les établissements de santé. C’est bien la visée des dispositions introduites par la dernière loi de financement de la sécurité sociale, qui a précisé et renforcé le contour des contrats de retour à l’équilibre.

Dès lors qu’un établissement est en situation de difficulté financière, il doit proposer des mesures de redressement. Les modalités de ce redressement donneront lieu à la conclusion d’un avenant au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.

Je serai très attentive aux indispensables efforts d’adaptation que les CHU devront consentir. Les directeurs des ARH recevront des consignes très claires visant à assurer l’accompagnement des établissements en déficit. A l’occasion de l’approbation des états prévisionnels de recettes et de dépenses pour 2008 en avril prochain, je demanderai aux directeurs d’agence de veiller tout particulièrement à la qualité des prévisions qui seront présentées.

Ainsi des recettes supplémentaires incertaines ne sauraient être considérées comme une réponse adaptée au retour à l’équilibre et ne peuvent fonder un accroissement des charges. En tant que directeurs généraux des établissements publics de santé les plus importants, vous devez dans ce domaine avoir une attitude exemplaire. Vous disposez, en tant que gestionnaires, de marges de manoeuvre sur l’évolution des charges de vos établissements. Votre gestion des ressources humaines, y compris des personnels médicaux, sera donc décisive.

Vous savez comme moi combien la contrainte financière qui pèse sur l’assurance maladie est considérable. Nous ne pourrons pas compter sur une progression forte de l’ONDAM hospitalier dans les années à venir. Nous devons, ensemble, faire le pari d’améliorer l’efficience. Cet effort est inéluctable et doit être mis en oeuvre dès 2008. Ne cherchons pas à en différer l’échéance. Le cadrage financier, comme je viens de l’indiquer, ne permettra pas d’y échapper.

Le modèle de financement doit néanmoins être approfondi. Certaines des missions de l’hôpital telle la permanence des soins qui sont actuellement financées par les tarifs, doivent être mieux identifiées.

Je souhaite que ce modèle de financement évolue et permette, à enveloppe globale constante, une allocation plus précise des moyens en fonction de l’ampleur des missions exercées.

La modification du financement des missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI) se mettra en place cette année. Elle concerne en premier lieu les CHU qui jouent un rôle essentiel dans ce domaine. L’ambition de cette évolution du financement est la même que celle la tarification à l’activité : l’activité réelle de chaque établissement en matière d’enseignement et de recherche conditionnera l’ampleur de son financement.

Ces difficultés conjoncturelles ne doivent pas freiner les réformes qui nous attendent et pour lesquels j’aurai besoin des propositions de votre conférence.

2008 sera une année déterminante pour la santé. Vous le savez, je présenterai au début de l’été une grande loi de modernisation de l’organisation de la santé, qui s’appuiera sur les conclusions des missions en cours : celle de Gérard Larcher sur l’hôpital, ainsi que les travaux sur l’organisation du premier recours menés par Annie Podeur et Yvon Berland dans le cadre des états généraux de l’organisation de la santé ; mais aussi les apports de la mission confiée au préfet Ritter en vue de la constitution des ARS, dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler.

Je souhaite m’attarder sur une des contributions majeures au débat actuel que constitue l’état des lieux de la commission présidée par Gérard Larcher sur les missions de l’hôpital.

J’ai entendu les demandes de la conférence. Elles rejoignent les attentes que le président de la République a formulées sur l’hôpital. Nous devons parfaire le pilotage, améliorer le fonctionnement interne des établissements et mieux organiser l’offre de soins.

La réforme du pilotage, c’est avoir un seul chef, un directeur qui dirige. L’hôpital souffre d’une dilution des responsabilités, et d’un manque de cohérence dans la gestion et le management. Nous n’atteindrons l’efficience qu’au prix d’un assouplissement des règles de fonctionnement internes, et notamment des contraintes réglementaires liées au statut même d’établissement public de santé. J’ai bien noté votre volonté de transformer l’hôpital pour en assouplir la gestion. Certains d’entre vous souhaitent voir le statut se rapprocher de celui des établissements privés à but non lucratif ou des fondations. Je souhaite que nous travaillions sur ce sujet, à partir des propositions que me remettra Gérard Larcher, afin de déterminer la forme juridique que devraient prendre les établissements de santé pour répondre à ces préoccupations.

Il est prématuré de se prononcer sur la forme que devra prendre l’hôpital dans l’avenir : je considère cependant que nous devons impérativement pouvoir compter sur plus de souplesse et de réactivité. Cette évolution doit être acceptable et maîtrisée par les structures hospitalières : j’ai bien conscience des changements considérables intervenus depuis 5 ans dans les hôpitaux, que ce soit en termes d’organisation ou de financement.

Enfin, comme vous le savez, je crois indispensable de mieux organiser l’offre de soins sur le territoire. Nous ne pouvons plus différer une réflexion sur la place de l’hôpital, de ses plateaux techniques et de ses équipes de recours sur le territoire. Dans ce domaine, les CHU auront un rôle particulier à jouer, car, en tant qu’établissements de recours, ils disposent des personnels formés, des médecins en nombre suffisant et des plateaux techniques pour y parvenir.

Les GCS de territoire, déjà rendus possibles avec la LFSS 2008, ont ouvert la voie de coopérations renforcées. Ils posent les prémisses de ce qui pourrait être un établissement de territoire. Cette coopération doit se faire sans exclusive, avec l’ensemble des partenaires du territoire, qu’il s’agisse d’établissements participant au service public ou de cliniques privées.

L’enseignement et la recherche peuvent être également concernés par cette coopération, car certains plateaux techniques privés offrent une qualité de prise en charge qui n’a rien à envier aux établissements que vous dirigez. Il faut, dans ce domaine, rester pragmatique et ne pas s’enferrer dans une posture dogmatique : j’attends, sur ce sujet également, les propositions que me remettra Gérard Larcher.

Certains d’entre vous ont déjà construit des réseaux inter régionaux : les activités de soins très spécialisées sont désormais organisées en schémas interrégionaux d’organisation des soins (SIOS). La recherche, les centres de référence, les activités de recours et les cancéropôles vous invitent à envisager également ce niveau interrégional.

Dans le même temps, les CHU ne peuvent renoncer à leurs fonctions d’hôpital de territoire : ils sont également les centres hospitaliers généraux de leur agglomération et doivent proposer une offre de proximité. C’est le juste équilibre entre le recours et la proximité qui assurera l’équilibre financier de vos établissements.

Je vous invite à vous engager dans ces nouvelles dynamiques de coopération, avec les autres acteurs de santé de votre région bien sûr, mais aussi de votre territoire plus proche.

Les chantiers sont nombreux, et les objectifs que je vous propose sont ambitieux.

C’est pourquoi il vous appartient d’être les moteurs de la réforme, car vous disposez des compétences et des moyens nécessaires. Vous avez déjà montré que la réforme de l’hôpital n’est pas une utopie: j’en veux pour preuve le pari réussi de la nouvelle gouvernance avec le fonctionnement des pôles et l’établissement des premiers véritables contrats de délégation de gestion ; ou au niveau externe, les efforts accomplis pour rationaliser ensemble vos achats hospitaliers, dans un GCS regroupant l’ensemble des CHU et les centres hospitaliers les plus importants.

Les CHU réunissent toute la complexité de notre système de soins, qui doit sans cesse choisir entre proximité et rayonnement international, soin, enseignement et recherche. Loin d’être inconciliables, ces valeurs qui sont au fondement des CHU depuis 50 ans, doivent structurer votre action, autour de la mission que la loi vous a confiée.

Je sais votre attachement à notre système de soins. Je sais aussi votre fierté de faire partie de ce système que tant de pays en Europe et dans le monde nous envient.

Je vous remercie pour votre attachement à mener à bien cette réflexion collective et capitale pour notre avenir. Et je vous encourage à continuer, avec le même enthousiasme, pour tout ce qui reste à faire !