Article des Echos du 12 mars 2008 : Une refonte de la carte hospitalière se prépare pour l’après-municipales

Les Echos [ 12/03/08 ]

La mission Larcher réfléchit à la création d’établissements de « territoire », afin de développer les synergies entre hôpitaux. La création d’un nouveau statut pour les médecins fait aussi débat.

En plein « entre-deux-tours », l’exécutif ne souhaite guère évoquer le dossier. Mais la refonte de la carte hospitalière se prépare activement. Avec 1.035 hôpitaux publics, la France se distingue de ses voisins européens par l’éparpillement d’entités juridiques qui ont chacune leur gouvernance (directeur, conseil d’administration, etc.) et qui se font bien souvent concurrence. Sans que cela améliore les soins dispensés ou que cela génère des économies, bien au contraire. Alors que les restructurations de cliniques se sont opérées au pas de charge depuis quinze ans, le gouvernement est bien décidé à s’attaquer au secteur public dans le cadre de la réforme de l’hôpital annoncée par Nicolas Sarkozy. L’ancien ministre délégué au Travail, Gérard Larcher, remettra le mois prochain son rapport préparatoire sur les « missions de l’hôpital ».

Parmi les principales propositions à l’étude figure la constitution d’établissements de « territoire », permettant de regrouper de manière souple plusieurs entités. Pour ne pas braquer les élus, l’idée de Gérard Larcher serait de transposer à l’hôpital, ce qui s’est fait pour les collectivités locales avec la création des communautés d’agglomération. Dans chaque territoire de santé, correspondant grosso modo à un « petit » département, il y aurait ainsi un seul établissement public chapeautant plusieurs sites qui conserveraient des instances consultatives. Cette fusion juridique donnerait de vrais leviers de réorganisation de l’offre de soins (plateaux techniques, urgences, etc.) en fonction des besoins et des ressources disponibles. Il serait, par exemple, plus facile de faire travailler un chirurgien sur différents sites. Cette solution est avancée en partant du constat que les groupements de coopération sanitaire (GCS) visant à mutualiser les fonctions des hôpitaux n’ont pas eu les résultats escomptés.

Un sujet complexe

Il reste à savoir jusqu’où aller dans l’intégration. Et déterminer si elle doit se faire de manière obligatoire ou sur la base du volontariat. « Un bon compromis serait d’inciter les établissements à s’associer en conditionnant l’obtention de certains financements », explique un directeur d’hôpital. Voire à imposer le regroupement pour les hôpitaux considérés en quasi-faillite (quand plusieurs plans de restructuration ont échoué). Outre la sensibilité des maires, le sujet est complexe car il s’agit aussi d’éviter de créer des structures trop importantes, à l’instar de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Autre point clef en débat : la création d’un nouveau statut pour les médecins hospitaliers, qui permettrait de leur proposer des revenus plus élevés en alliant une part fixe et une part variable liée à l’activité et à la performance. L’objectif est de stopper l’hémorragie vers le privé tout en renforçant la productivité. Mais là encore, le dossier est explosif, les syndicats restant attachés au statut de praticien hospitalier, qui pourrait néanmoins coexister avec ce type de contrat, le choix étant laissé au salarié. La mission Larcher doit entamer une série de concertations en région à partir de la semaine prochaine. Le gouvernement tranchera dans le cadre du projet de loi sur l’accès aux soins, attendu pour l’été.

ÉTIENNE LEFEBVRE