Article du Quotidien de médecin du 29 février 2008 : Les tarifs hospitaliers sont publiés ce matin

Hôpitaux, cliniques, HAD : insatisfaction à tous les étages

Hôpitaux et cliniques découvriront aujourd’hui dans le « Journal officiel » l’évolution de leurs tarifs pour l’année 2008. Les fédérations d’établissements, qui ont appris les arbitrages mardi, clament depuis leur insatisfaction, et s’attendent, comme les années passées, à un exercice budgétaire difficile.

LA CIRCULAIRE qui fixe l’évolution des tarifs hospitaliers pour 2008 doit paraître aujourd’hui au « JO ». Elle prévoit une progression de 0,5 % des tarifs publics et privés dans le champ MCO (médecine, chirurgie, obstétrique). Les tarifs privés en psychiatrie et en soins de suite et réadaptation augmentent eux de 1 %.

Rien en revanche pour l’hospitalisation à domicile, qui conserve les mêmes tarifs qu’en 2007. Colère de la FNEHAD (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile), pour qui cela compromet l’objectif de 15 000 places en 2010. «Une telle décision marque un coup d’arrêt aux efforts des établissements», écrit la FNEHAD dans un communiqué.

Les autres secteurs hospitaliers, même s’ils voient leurs tarifs progresser, ne se réjouissent pas pour autant. Comme chaque année à la même époque, les communiqués pleuvent qui, tous, expriment la déception. «Le compte n’y est pas», écrit ainsi la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs). Précision à l’appui : «Cette évolution moyenne des tarifs est totalement déconnectée de la réalité de l’augmentation des charges, notamment de personnel, supportées par les établissements.»

Certaines disciplines seront plus touchées que d’autres.

Mauvais coup. Ainsi de la chirurgie publique et privée non lucrative, à qui «un mauvais coup est porté» en raison d’un transfert d’argent vers la chirurgie privée. C’est du moins ce qu’affirme la FEHAP.

Les cliniques privées, elles, continuent de s’estimer très mal payées sur l’obstétrique. Elles se demandent si l’objectif des pouvoirs publics n’est pas à terme de confier tout le champ de la naissance au secteur public. Leur représentant national, Jean-Loup Durousset, qui préside la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), a écrit à Nicolas Sarkozy pour l’informer du danger que courent les cliniques, si les tarifs dans leur ensemble sont inférieurs aux prévisions de l’inflation. Peine perdue : les arbitrages rendus (+ 0,5 % dans le MCO) sont bien en deçà de l’évolution du coût de la vie. Du coup, le Syndicat des cliniques spécialisées en MCO appelle l’ensemble de ses adhérents à manifester le 4 mars à Paris.

Le « gros effort » de la France. Le ministère de la Santé entend les critiques, mais rappelle que la France, une nouvelle fois, consent un gros effort pour financer son secteur hospitalier. Le Parlement a fixé, il est vrai, un objectif national des dépenses hospitalières en progression de 3,2 % pour 2008. Mais la FHP se sent malgré tout lésée. Décryptage de son délégué général, Philippe Burnel : «La sous-enveloppe finançant les missions d’intérêt général [les MIGAC], que récupèrent les hôpitaux publics, progresse de 6%. Bien plus que les tarifs. C’est déraisonnable et illogique, car cela revient à annuler les effets de la tarification à l’activité à l’hôpital public. Et cela pénalise les cliniques, qui vont se retrouver dans le rouge à cause de tarifs trop bas.»

Un récent rapport des pouvoirs publics, le premier à faire le bilan de la T2A (tarification à l’activité) en France, indique que les cliniques s’en sont mieux sorties que les hôpitaux en 2005 et en 2006. «C’est vrai, concède Philippe Burnel. Mais l’explication est artificielle: nous avons gagné de l’argent grâce aux actes dits “frontières” qui sont moins bien payés depuis. Notre chiffre d’affaires en 2007 ne sera pas bon, et celui de 2008 sera encore plus en retrait.»

Vingt mille emplois menacés ?L’hôpital public, accusé par les cliniques et les hôpitaux privés non lucratifs de pomper l’essentiel des marges de manoeuvre par le biais des missions d’intérêt général, a lui aussi des motifs d’insatisfaction. Il doit notamment payer certaines mesures sans qu’un financement ne soit prévu – la hausse des salaires des fonctionnaires accordée ces jours-ci, le paiement de certaines RTT et heures supplémentaires… Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), a fait les calculs : «Les hôpitaux publics débutent l’année avec une insuffisance de financement de 900millions d’euros: l’impasse totale. Et je ne parle pas du déficit des années passées. Les hôpitaux vont continuer à faire du déficit, mais il y aura bien un jour l’heure de vérité, où il ne sera plus possible de payer le personnel. Seulement, bien sûr, personne ne dit qu’il faut toucher à l’emploi avant les municipales.» Ces 900 millions d’euros qui manqueraient à l’appel représentent 20 000 emplois dans la fonction publique hospitalière, précise la FHF.

DELPHINE CHARDON


Les cliniques vont récupérer les 60 millions perdus en 2006

C’est une victoire pour l’hospitalisation privée. Peut-être destinée à rendre plus acceptables les décisions tarifaires pour 2008, peut-être pas. Toujours est-il que la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a renoncé à s’opposer au remboursement des 60 millions d’euros que les cliniques n’ont pas encaissés en 2006 en raison d’une baisse de leurs tarifs décidée par Xavier Bertrand dans le courant de l’année (« le Quotidien » des 10 et 17 janvier). Le Conseil d’Etat, saisi par la FHP (Fédération de l’hospitalisation privée), avait donné gain de cause aux cliniques, mais la ministre de la Santé avait indiqué qu’elle s’opposerait à ce que l’assurance-maladie leur rembourse le manque à gagner. Elle aura donc changé d’avis, au motif, nous explique-t-on avenue de Ségur, qu’elle n’a pas trouvé les moyens juridiques pour annuler l’avis du Conseil d’Etat. Roselyne Bachelot s’apprête à donner instruction à la CNAM (Caisse nationale d’assurance-maladie) pour procéder au remboursement de ces 60 millions d’euros.


La T2A à l’épreuve du terrain : trompe-l’oeil ou vraie réforme ?

ATTENTION, sujet ultrasensible. Six ans après son baptême du feu, la tarification à l’activité (T2A) commence à montrer son vrai visage, mais, sauf pour exprimer des points de vue partisans ou corporatistes, les langues se délient peu s’il s’agit d’en commenter, de manière neutre, les effets. A tel point que le seul expert planificateur qui ait accepté de livrer son analyse au « Quotidien » a souhaité rester anonyme. Pourtant, les questions ne manquent pas qui se posent à l’ouverture de la campagne tarifaire de 2008.

Un budget global déguisé?

A observer la manière dont sont déterminés, à enveloppe contrainte, les tarifs hospitaliers, on ne peut s’empêcher de trouver que l’exercice diffère finalement peu de celui qui l’a précédé – budget global dans le public et OQN (objectif quantifié national) pour le privé. Une fois isolé le financement des missions d’intérêt général (les MIGAC, qui concernent presque exclusivement l’hôpital public), on est en effet tenté de penser qu’on ne fait que redistribuer artificiellement les crédits…

«Le système est identique à ce qui existait avant, en ce sens qu’il y a toujours une enveloppe et toujours un taux d’évolution, répond notre expert. Mais, au lieu d’appliquer ce taux sur un budget, on l’applique sur des tarifs. Le retentissement pour les établissements est très différent. Contrairement à ce qui se passait avant, une fois le taux appliqué, tout le monde ne s’y retrouve pas de la même façon.» A ses yeux, la T2A a de ce fait un indéniable atout, qu’il mesure sur le terrain : «Elle a un effet libérateur de l’initiative à l’hôpital» – le budget global était réputé pour être, à l’inverse, un frein en la matière. «Aujourd’hui, quand il crée une activité, l’établissement en a un retour immédiat: ça marche ou ça ne marche pas, et, s’il perd de l’argent, il doit se poser des questions.» Cet avantage fait dire à notre expert que «le système actuel n’est pas plus mauvais que l’ancien, il est même meilleur. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire évoluer, notamment en ayant une réflexion médicale sur les protocoles de prise en charge».

Favoritisme?

Dans le brouhaha du mécontentement général qui suit l’annonce des tarifs, peut-on imaginer, ainsi que chacun pour sa paroisse semble le penser, que le gouvernement, notamment en jouant sur le levier « MIGAC », favorise un secteur au détriment des autres ? «Non», répond sans ambiguïté notre observateur, qui admet non sans humour que si «les MIGAC jouent un effet d’amortisseur pour l’hôpital public, elles n’empêchent pas le secteur de nager sans bouée. Et quand on nage sans bouée, il faut faire du mouvement pour avancer!». Quant au taux de 0 % arrêté pour l’hospitalisation à domicile (HAD), il est rapporté à de justes proportions : «Aucune structure d’HAD n’a une activité déficitaire. Dans une enveloppe contrainte, il est normal que l’HAD soit considérée comme non prioritaire puisqu’elle a dégagé du bénéfice l’an dernier.

Les chausse-trappes évitées?

Finalement, a-t-on su se garder des pièges de cette tarification à l’activité (course aux actes, préférence aux pratiques « rentables »…), pourtant évoqués dès la mise en oeuvre de la réforme ? Pas toujours, admet notre expert. Les outils de mesure de l’activité et ceux de sa valorisation sont en cause. «Prenons l’exemple de la cardiologie. Avec la T2A, la cardiologie interventionnelle est mieux rémunérée que la cardiologie médicale. Or tous les patients n’ont pas besoin d’une coronographie, mais étant donné les seuils d’activité fixés, les établissements ont tendance à faire de la coronographie: les indications peuvent être posées un peu largement. L’équipement crée la demande, et la T2A est construite de telle façon qu’il faut atteindre un certain seuil. Quand une activité a plus de charges qu’elle ne produit de recettes, elle est déficitaire.»

KARINE PIGANEAU

http://www.quotimed.com/documentroot/qdm/iss14430/Pag112605/QDM8322_002.pdf