Le délégué général de la Fédération hospitalière de France, Gérard Vincent, le dit sans fard au « Quotidien » et c’est une première : son organisation souhaite faire office de fédération d’employeur à l’hôpital public.
LE QUOTIDIEN – La FHF veut-elle, oui ou non, devenir une fédération d’employeur ?
GÉRARD VINCENT – La réponse est oui. Nous le sommes déjà plus ou moins. L’idée est d’éclaircir les choses en officialisant cela par un changement de notre statut. Le sujet est tabou. Les hospitaliers, à tort, ont la peur du patron. Nous avançons à petits pas depuis des années. D’ailleurs, nous n’avons jamais demandé ouvertement à devenir fédération d’employeur. Aujourd’hui, les esprits ont mûri, ce qui permet de lancer le débat.
En février dernier, et pour la première fois, la FHF a signé des accords salariaux avec le gouvernement et les syndicats de la fonction publique hospitalière. Un premier pas amorçant votre changement de logique et de position ?
Nos statuts nous autorisent à signer de tels protocoles, mais il faudrait les changer pour que l’on devienne officiellement fédération d’employeur. L’Etat y trouverait sans doute un avantage. Aujourd’hui, il est seul face aux critiques syndicales, lorsqu’il essaye de parler de rémunération au mérite et de renforcement de l’efficience dans les hôpitaux. Nous irions dans le même sens. Il semble logique que notre organisation, qui connaît bien le terrain, joue ce rôle. Pour les médecins aussi, nous demandons à être intégrés aux discussions : les urgentistes discutent actuellement de leur rémunération avec le ministère de la Santé, nous ne trouvons pas normal de ne pas être conviés.
Souhaitez-vous la transformation des hôpitaux publics en établissements publics industriels et commerciaux ?
Non, cela n’est pas nécessaire. Il faut maintenir le caractère public des hôpitaux, tout en modifiant certains points pour gagner en souplesse. Les directeurs généraux des CHU, eux, sont favorables aux EPIC. C’est notre seule différence de point de vue. Sur le fond, en revanche, nous sommes en parfaite ligne avec eux. Nous demandons notamment le développement du recours au contrat pour le recrutement de certains personnels.
Y compris pour les médecins ?
Bien sûr. Les médecins n’ont pas à rester à l’écart, ce sont des salariés comme les autres.
Les médecins contractuels se comptent déjà par milliers à l’hôpital. N’apportent-ils pas la souplesse que vous réclamez ? Pourquoi recourir aux contrats de droit privé ?
Les contrats qui existent aujourd’hui manquent de souplesse. Les règles de rémunération, notamment, sont fixées par l’Etat : les hôpitaux ne peuvent pas décider des revenus des médecins. Demain, si notre scénario est retenu, il y aura une négociation entre la FHF et les syndicats de praticiens contractuels, qui débouchera sur la signature d’une convention collective. Car qui dit contractualisation, dit convention collective. Chaque contrat pourra alors fixer la rémunération, la durée du travail, les congés, les conditions de travail, et des objectifs individuels portant sur la qualité et le volume d’activité. Les syndicats médicaux ne veulent pas entendre parler de volume d’actes, mais c’est important d’y venir. Dans le privé, les médecins comptent leurs actes ; pourquoi n’en serait-il pas de même à l’hôpital ? L’efficience des services hospitaliers passe par là.
Quid du statut des PH ?
On ne demande pas son abolition. Des PH et des médecins sous contrat de droit privé pourront très bien coexister à l’hôpital, du moins dans un premier temps. Il faut que les syndicats médicaux se rendent à la raison, et acceptent cette proposition. S’ils restent sur une posture archaïque, l’hôpital public ne s’en sortira pas. La FHF espère que Gérard Larcher va proposer le développement des contrats à l’hôpital, car c’est pour nous le seul moyen de garantir son avenir.
PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE CHARDON
Les syndicats crient au loup
Les syndicats hospitaliers sont piqués au vif. Côté médecins, le Dr François Aubart (CMH) ne tourne pas autour du pot : «Nous sommes opposés au démantèlement du statut de PH. Il existe déjà un statut contractuel à l’hôpital, 45000 praticiens en bénéficient: pas besoin de réinventer l’eau chaude.»
Côté personnels non médicaux, l’accueil n’est pas meilleur. Nadine Prigent (CGT-Santé) refuse tout net que «la FHF devienne une fédération d’employeur. Nous sommes sous la tutelle du ministère de la Santé, et nous voulons y rester. La FHF tient un double discours, en dénonçant un manque de moyens, tout en disant que le personnel est la seule marge de manoeuvre. Aura-t-elle les coudées franches pour supprimer les 20000emplois qui correspondent à l’insuffisance de financement? Le ministère de la Santé ne pourra pas y aller à la serpe, car les syndicats ne sont pas d’accord.» Quant à Luc Delrue (FO-Santé), il rappelle que, «depuis 1986, les hospitaliers sont des fonctionnaires à part entière, et ils entendent le rester. Démanteler notre statut, cela mettrait en péril notre caisse de retraite (CNRACL), cela remettrait en cause la place de l’hôpital en France, ainsi que nos droits –garantie de l’emploi, déroulement de carrière… Nous ne voulons pas que la FHF devienne notre employeur.
C’est au directeur d’établissement de continuer à nous recruter sur la base de règles édictées par le ministère de la Santé». Yolande Briand (CFDT-Santé) relativise pour sa part les bénéfices de l’entreprise : «Une convention collective n’est pas plus facile à gérer que notre statut actuel. Et elle n’est pas forcément source d’économie. La convention des centres de lutte contre le cancer, par exemple, coûte deux fois plus cher, ou presque, que le statut de la fonction publique hospitalière. Les directeurs généraux des CHU peuvent compter sur nous pour la réclamer, et alors ils verront bien.»
DC
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