Bruno Keller, rédacteur en chef
Une organisation des hôpitaux et des cliniques par territoire de santé, une réforme prudente de la rémunération des praticiens et un peu plus de souplesse dans la gestion des hôpitaux : tels devraient être les grands axes des réformes suggérées par la mission Larcher sur l’hôpital.
Ce ne sera pas un big bang de l’hôpital public que devrait proposer la mission Larcher. Mais les mesures qu’elle doit suggérer dans quelques jours en remettant à Nicolas Sarkozy son rapport sur l’hôpital seront néanmoins significatives. Après avoir établi un état des lieux, procédé à plus d’une centaine d’auditions, organisé des rencontres en province pour prendre le pouls de la communauté hospitalière mais aussi pour mesurer l’acceptabilité de certaines mesures, Gérard Larcher, ancien ministre du Travail et – surtout – ancien président de la Fédération hospitalière de France (FHF), s’apprête à rendre sa copie, sans doute le 4 ou le 10 avril. Bien que la mission n’ait pas définitivement arrêté sa doctrine sur tous les sujets, tant le dossier est explosif, voici quelques-unes des pistes évoquées.
RESTRUCTURATION HOSPITALIÈRE : S’INSPIRER DE L’INTERCOMMUNALITÉ
Gérard Larcher l’avait indiqué dès décembre : il faut repenser le maillage territorial des établissements autour de la notion de territoire de santé, un concept introduit en 2003 et qui a servi à élaborer les derniers schémas régionaux d’organisation sanitaire. C’est dans ce cadre-là que devrait s’organiser la restructuration hospitalière (notamment celle des plateaux techniques dont l’activité est insuffisante). Objectif de ce maillage par territoire de santé : faciliter la coopération entre les établissements de santé et permettre des parcours de soins adaptés aux besoins des patients hospitalisés.
Concrètement, la mission Larcher devrait préconiser une organisation très souple, comparable à celle qui prévaut dans les structures intercommunales et qui permet à des communes de se regrouper au sein d’un établissement public pour assurer certaines missions. Cette organisation prendrait la forme de communautés interhospitalières de territoire. « Concrètement, on peut imaginer, explique un proche du dossier, que dans un secteur disposant d’un gros établissement et de deux ou trois petits, le gros hôpital soit l’établissement de référence pour la chirurgie, quitte à ce qu’il organise des consultations avancées en chirurgie dans les autres établissements. En revanche pour la médecine, chaque établissement conserverait ses compétences propres. » L’idée de créer une structure juridique unique par territoire de santé coiffant plusieurs sites aurait été écartée, apprend-on de bonne source. Et cela alors que la FHF – qui semble redouter une réforme de l’hôpital a minima – vient de réaffirmer son attachement à la mise en place « d’établissements publics de territoire ».
STATUT DES PRATICIENS : DES AMÉNAGEMENTS
C’est un sujet hautement explosif : certains syndicats (l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers et la Confédération des praticiens hospitaliers) sont, en effet, très attachés au maintien du statut de praticien hospitalier avec un salaire fixe (complété de quelques primes) et un avancement à l’ancienneté en treize échelons.
L’objectif de la mission Larcher est de renforcer l’attractivité des hôpitaux et d’éviter que les médecins, notamment dans certaines disciplines telle la chirurgie, ne désertent les établissements publics au profit des cliniques. Le statut de praticien hospitalier sera sans aucun doute maintenu, mais des aménagements seront apportés. Au salaire de base pourraient venir s’ajouter des rémunérations complémentaires pour certaines tâches ou missions. Il s’agirait d’aller vers un mécanisme beaucoup plus simple que celui de la « part complémentaire variable » instauré en 2006 pour les équipes de chirurgiens. Ce dispositif, qui permet aux intéressés de bénéficier d’une rémunération complémentaire en fonction de critères d’activité, de qualité et d’accréditation, est en effet tellement complexe qu’il n’est en vigueur que dans quelques établissements.
Les hôpitaux devraient pouvoir également recruter plus facilement qu’aujourd’hui des médecins contractuels. En CDD ou en CDI ? La mission pencherait plutôt pour le CDI. Faut-il donner aux praticiens la possibilité d’abandonner leur statut et opter pour un contrat de droit privé avec l’établissement, comme le suggère la conférence des directeurs de CHU ? Là aussi, la question fait débat. On ignore également si la mission se prononcera sur la création d’un mode de rémunération unique pour les chirurgiens des hôpitaux et des cliniques, comme le propose le rapport du Pr Guy Vallancien (lire ci-dessous).
Autre modification qui sera probablement évoquée par le rapport Larcher : la possibilité pour les directeurs d’établissement de se séparer plus facilement de praticiens qui, pour des raisons diverses (activité insuffisante, difficulté à s’intégrer dans l’équipe), ne feraient pas l’affaire. C’est là encore une revendication de la FHF. Ces praticiens seront alors remis à la disposition du Centre national de gestion, un établissement public chargé de gérer les carrières des praticiens hospitaliers. Pendant deux ans, ils pourront être rémunérés par le centre, qui leur proposera une formation ou une reconversion (vers des activités de santé publique ou autres).
STATUT DES ÉTABLISSEMENTS ET GOUVERNANCE
Les hôpitaux devraient rester des « établissements publics de santé ». Leur statut ne se rapprochera donc pas de celui des « établissements publics à caractère industriel et commercial » (Epic ; comme la Ratp), contrairement à ce que souhaitait la conférence des directeurs de CHU. « Le côté industriel et commercial ne passe pas », note un responsable hospitalier. Néanmoins, la mission Larcher pourrait proposer une réorganisation assez profonde de la gouvernance des hôpitaux. L’une des pistes qui tient la corde est celle de la transformation du conseil d’administration en conseil de surveillance et du conseil exécutif en directoire, présidé par le directeur et coprésidé par le président de la commission médicale d’établissement (CME). Cela reviendrait à dépouiller les conseils d’administration des quelques maigres prérogatives qui leur restent et à renforcer le « couple exécutif » (directeur et président de CME). Enfin, le rapport Larcher devrait proposer des solutions pour que les hôpitaux échappent aux contraintes du code des marchés publics, qui allongent considérablement les délais d’acquisition des équipements et pénalisent souvent les établissements publics par rapport aux cliniques.