Mais quelle mouche a donc piqué notre Président de la République ? Pour la 2ème fois en 6 mois, dans des discours convenus où la règle est de louer la vertu de toute une profession pour mieux faire passer la pilule de la rigueur et des plans de restructuration, il dénigre carrément le travail des praticiens hospitaliers.
Si à Bordeaux en octobre 2007 installant la mission Larcher, c’était la modalité confidence off « . parce que chacun connaît des établissements où dans certains services se pose la question sur certains praticiens. » à l’Elysée le 10 avril, c’est carrément l’accusation : « Enfin écoutez, on continue à payer des médecins qui ne mettent plus les pieds à l’hôpital et n’ont plus d’activité, qui multiplient conférences, débats, et voyages.. »
Alors avant son discours du 17 avril 2008 (le 3ème) qu’il devrait prononcer sur la réforme hospitalière, nous tenons à dire STOP. A dire solennellement notre colère et notre indignation de ce mauvais procès et de ces propos que nous jugeons diffamatoires.
Toutes les professions, toutes les activités peuvent connaître leur lot d’insuffisants et même de malfaisants, les dirigeants hospitaliers n’en sont pas exempts, les politiques non plus, il peut s’en trouver aussi parmi les praticiens hospitaliers. Siégeant depuis plus de vingt ans dans les instances statutaires et disciplinaires de la profession c’est-à-dire des 40000 praticiens hospitaliers à temps plein et à temps partiel, j’affirme que cela n’a jamais concerné qu’un nombre extrêmement limité de praticiens qui se compte à l’unité. Conscience professionnelle et sens des responsabilités sont sans doute les valeurs les mieux partagées par les PH avec l’amour de leur métier et un vrai engagement dans le service public.
Il faut savoir que tous ces PH exercent au quotidien, dans un contexte difficile, avec de lourdes responsabilités, assurent la permanence des soins 24 heures sur 24 avec gardes et astreintes. Les dispositions concernant leur temps de travail sont nettement plus défavorables que celles prévues dans le code du travail comme dans le statut des fonctionnaires. Ils assurent collectivement, chacun à leur place, le pilotage de l’organisation des soins, ils sont avec les autres professionnels de santé les effecteurs et les garants du service public hospitalier, L’enquête en cours sur la santé au travail illustre par ses réponses les difficultés et les tensions souvent épuisantes de l’ordinaire professionnel.
Nous avions compris que la Mission Larcher devait redonner du souffle à l’hôpital et de l’attractivité aux carrières médicales. A l’arrivée, rien de tout cela, nous sommes repartis pour une gouvernance stade 2 avec à la clé une plus value pour nos managers et rien mais rien pour les praticiens et l’attractivité de leur carrière. Sinon un projet de multiplication des statuts dont la complexité et la lisibilité le vouent par avance à l’échec, comme avant lui la part complémentaire variable. A l’heure de la T2A, nécessairement appuyée sur l’activité médicale, ces choix paradoxaux, ces mesures dissuasives seront bien évidemment contre-productifs. Hélas, c’est sans doute l’objectif et il semble bien être de la volonté de nos dirigeants de redistribuer durablement les cartes dans le champ de la santé et la protection sociale. Et en définitive, le rapport Larcher pour l’hôpital est aussi un plaidoyer pour cette ouverture au secteur privé.
Mais pourquoi le Président s’attarde- t-il à stigmatiser ainsi une profession plutôt exemplaire ? Est-ce pour nous redonner le goût et l’élan d’une vraie mobilisation ?
Pierre Faraggi Président de la CPH