Dépêche APM du 22 avril 2008 : Débat sur le rôle des préfets de région dans les futures ARS

(Par Sabine NEULAT-ISARD)

PARIS, 22 avril 2008 (APM) – Le rôle que pourraient avoir les préfets de région dans les futures agences régionales de santé (ARS) suscite un large débat, selon des réactions recueillies par l’APM.

Lors de la remise du rapport de la commission Larcher sur les missions de l’hôpital, Nicolas Sarkozy s’est montré favorable à ce que les préfets deviennent présidents des ARS, assurant notamment que ces représentants de l’Etat étaient compétents pour « définir une carte hospitalière » (cf dépêche APM MHLDA004).

Le chef de l’Etat s’est dit à cette occasion « un peu déçu » par l’action des agences régionales de l’hospitalisation (ARH), créées par une ordonnance d’avril 1996, en matière de recompositions hospitalières.

Nicolas Sarkozy s’était montré encore plus clair deux jours plus tôt, à Cahors, lors d’un discours sur la réforme de l’administration territoriale de l’Etat prononcé devant la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, et les préfets.

« Les préfets vont jouer un rôle majeur dans la réforme de la carte hospitalière et dans la réforme de la carte militaire », avait-il déclaré selon le discours mis en ligne sur le site internet de la présidence de la République.

« Pour la carte hospitalière, je pense que ce sera plus simple [que pour la carte militaire, ndlr], parce que l’on va transformer certains établissements de lits actifs en lits de moyen et long séjours dont on a énormément besoin compte tenu du vieillissement de la population », a-t-il estimé en évoquant également par la suite « la question dramatique des soins palliatifs ».

Le chef de l’Etat n’a pas abordé la question de la gouvernance des futures ARS et du bilan des ARH jeudi dernier lors de son discours sur la réforme de l’hôpital, à Neufchâteau (Vosges), note-t-on.

A l’Elysée, on précise que les préfets ne seront pas forcément présidents des ARS. Mais chaque ARS sera « dans un lien plus étroit qu’aujourd’hui avec le représentant de l’Etat », confirme-t-on.

« Les préfets ont en effet un rôle polyvalent et peuvent apporter leur contribution à la genèse des projets de territoire », souligne-t-on de même source.

Les préfets ont eux-mêmes exprimé leur désir de prendre la présidence des ARS et de participer au choix du directeur général de ces agences, rappelle-t-on (cf dépêche APM SNLD4004).

Mardi matin, devant les responsables des intersyndicats de praticiens hospitaliers, Roselyne Bachelot aurait évoqué l’hypothèse de confier au préfet la présidence d’un « parlement sanitaire ». Mais le préfet « ne sera pas le directeur général de l’ARS », insiste-t-on dans son entourage. « C’est le directeur qui aura le pouvoir exécutif », ajoute-t-on.

LES PREFETS DANS L’INCAPACITE DE CONDUIRE DES RESTRUCTURATIONS

L’évocation d’un rôle important confié au préfet de région suscite des oppositions dans le monde hospitalier mais aussi, selon une source compétente, du côté de l’assurance maladie et de certains élus.

« Si les préfets prennent la présidence des ARS, les restructurations s’arrêteront car les hôpitaux deviendront une monnaie d’échange avec les élus », estime le délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), Gérard Vincent, en jugeant « un peu injuste » la critique faite sur l’action des ARH.

A l’instar d’un ancien directeur d’ARH, il rappelle que c’est pour cette raison qu’Alain Juppé n’avait pas souhaité, lorsqu’il était Premier ministre, confier la présidence des ARH aux préfets.

La présidence de la commission exécutive des ARH est assurée par le directeur de l’ARH, rappelle-t-on.

« Si le président de l’ARS est préfet, le directeur de l’ARS ne sera pas libre », ajoute Gérard Vincent.

Les ARH ont permis d’accélérer les restructurations hospitalières, confirme le président de la conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de centre hospitalier, Francis Fellinger, interrogé par l’APM, en se fondant sur une étude faite par son instance.

« Il reste à faire les restructurations les plus difficiles » qui « mettront plus de temps », reconnaît-il.

Mais si « le préfet doit être associé à certains aspects, comme la gestion des crises », « nous sommes très dubitatifs sur leur capacité à gérer les restructurations qu’il reste à mener à bien », déclare-t-il.

Francis Fellinger en veut pour preuve le bilan négatif des groupements régionaux de santé publique (GRSP), qui sont présidés par les préfets, et les difficultés rencontrées dans l’organisation de la permanence des soins de ville.

« Un préfet est tellement sollicité qu’il ne peut pas lui-même s’impliquer dans tous les dossiers », conclut le président de la conférence.

Un autre inconvénient est que les préfets sont souvent nommés pour des durées courtes qui sont insuffisantes pour conduire des restructurations et qu’ils ont en outre pour rôle de ne pas faire de vagues, souligne-t-on par ailleurs de source compétente.

Si le préfet préside l’ARS, pourra-t-il rester président du centre régional de lutte contre le cancer ?, s’interroge-t-on de même source.

Dans son rapport remis en janvier 2008 à Roselyne Bachelot, Philippe Ritter, préfet honoraire et ancien directeur d’ARH, plaide pour la mise en place d’un exécutif fort et resserré à la tête des ARS, avec un directeur nommé en conseil des ministres.

Il suggère aussi de mettre en place « un conseil » qui pourrait être présidé par le préfet de région.

Cette instance se réunirait à un rythme trimestriel, délibérerait sur les orientations stratégiques et le plan d’action de l’ARS et voterait le budget de l’agence.

Une source proche du dossier estime que le choix du préfet comme président d’une telle instance est la solution « la plus facile » à retenir par rapport à une autre consistant à choisir un élu ou une personnalité qualifiée.

« La question du rôle du préfet de région n’est pas simple et présente des avantages et des inconvénients. Elle suscitera certainement des débats lors de la préparation de la loi », souligne-t-on de même source.