Pratiques de la folie
Parole, vérité, politique.
27 et 28 juin Paris
Un monde sécurisé est un monde où chiffres, normes et procédures garantiraient que chacun soit à sa place, réglant son action selon des protocoles validés. L’autoévaluation y serait permanente, et le risque réduit à néant. C’est aussi un monde où « parler vrai » est un mot d’ordre permanent. La parole est devenue un impératif social, pour le triomphe de la vérité dans la transparence, efficace car sans détour, sans intermédiaire, directe entre l’homme politique et le citoyen, l’inculpé et la victime, le traumatisé et l’urgentiste. La machine produit des chiffres, tandis que les sujets sont appelés à parler. Si la prolifération des procédures anonymes de gestion et de contrôle travaille dans le silence bureaucratique, elle se conjugue impérativement au devoir de parler.
Mais de quelle parole s’agit-il, et de quelle vérité ? Sauf à la réduire à un trognon de message défini à l’avance, circonscrit, borné, la parole se définit d’être équivoque, surprenante, elle suscite le malentendu. Parler, c’est prendre le risque de l’imprévu, de l’événement, tant pour celui qui se surprend à dire quelque chose d’inouï que pour l’autre, qui l’entend à sa façon. La psychanalyse prend acte de cette imprévisibilité foncière de la parole. La politique aussi, du moins celle qui soutient la fiction de la démocratie, c’est-à-dire la confrontation de la pluralité des paroles, inattendues, contradictoires comme telles. D’où l’épreuve de la folie pour la politique : impossible de faire parler le fou au bon endroit, au bon moment …
La vérité on ne peut la dire toute, car elle dépend du discours dans lequel elle advient. Il y a des régimes de véridiction, des dispositifs, des contraintes qui délimitent l’efficace de la parole.
Ainsi la vérité juridique s’établit-elle selon des règles formelles rigoureuses et non selon le baromètre des intensités affectives de la « parole » des inculpés et des victimes. Le procès en est son théâtre, où l’événement a sa place.
Ainsi la vérité dans le discours psychanalytique suppose-t-elle pour advenir des contraintes précises, qui tiennent à sa méthode et à son éthique. Certains psychanalystes qui se répandent cyniquement dans les médias, énonçant la vérité inconsciente de tel ou tel, le démontrent a contrario.
Ainsi la prétention prédictive du savoir psychiatrique, asservie à la mission sécuritaire de la « rétention de sureté », donne le sinistre exemple du fait qu’une vérité supposée, d’être exportée hors du discours qui lui a donné son lieu, peut servir au pire.
L’utopie politique, c’est la fiction de faire entendre, de confronter dans l’espace public des vérités qui viennent d’ailleurs, qui ont leur lieu particulier d’émergence, qui ne valent pas partout et pour tous. L’utopie politique, c’est que la vérité reste à dire ; elle ne cesse de faire question.
Intervenants :
Monique Bucher-Thizon, psychiatre
Franck Chaumon psychanalyste
Dominique Coujard magistrat, président de cour d’assises
Roger Ferreri psychiatre ou psychanalyste
Alain Didier Weill psychanalyste
Frédéric Gros philosophe
Loïc Le Faucheur psychologue clinicien
Daniel Mesguich acteur, metteur en scène
Vincent Perdigon psychiatre, psychanalyste
Edwy Plenel journaliste
programme complet dans le document joint.
Documents joints