Article du Quotidien du Médecin du 20 mai 2008 : Rumeurs autour de la reprise de Vitalia

Le groupe de cliniques français attise les convoitises

Le numéro deux de l’hospitalisation privée commerciale en France, Vitalia, est en vente. Industriels et fonds financiers se bousculent pour reprendre le groupe, 46 cliniques, à fort potentiel de développement. Le ministère de la Santé suit de près le dossier.

ILS SONT nombreux, les industriels et les fonds d’investissement, à avoir approché le groupe Vitalia depuis que Blackstone a décidé de s’en défaire.

Officiellement, Vitalia n’est pas à vendre. En réalité, les tractations avancent. «Rien n’est signé mais, si quelque chose doit se faire, ce sera sans doute la première semaine de juillet», explique-t-on à la tête du groupe.

La presse avance plusieurs noms. Le constructeur Eiffage serait intéressé, de même que le fonds américain Cinven. Des offres affluent de la planète entière.

Il faut aussi compter avec Générale de Santé, premier groupe de cliniques en France, passé sous bannière italienne en 2007. On raconte que ses responsables auraient récemment rencontré le ministère de la Santé pour discuter du dossier. Info ou intox ? Générale de Santé, en tout cas, assure que c’est une rumeur infondée. Fondée ou non, force est de reconnaître que le groupe, solide, ne manque pas d’atouts. Mais son actionnariat est industriel : Blackstone lui préférera peut-être un fonds d’investissement capable d’aligner un plus gros chèque. Peut-être aussi que l’État fera grise mine à l’idée de voir Générale de Santé renforcer son assise et, par là même, son pouvoir de négociation auprès des tutelles.

Mais les marges d’action de l’État sont bien maigres pour orienter l’opération. Sauf à suggérer à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) d’accorder un prêt bonifié à l’acquéreur jugé le plus intéressant. L’idée, inscrite pour l’avenir dans le rapport Larcher (voir encadré), serait sérieusement étudiée, souffle-t-on ici ou là. La manoeuvre permettrait à la France de n’être dépendante ni d’un rentier américain ni du gouvernement chinois pour mener à sa guise sa politique de restructurations hospitalières.

La DHOS enquête. Preuve que l’État nourrit quelque inquiétude en la matière, la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS, au ministère de la Santé) lance une enquête sur l’actionnariat des cliniques privées. Histoire de savoir qui les achète, et pourquoi. L’appel d’offres, tout juste lancé, concerne la réalisation d’une étude sur «l’organisation interne et la structure du capital des établissements de santé privés à but lucratif», entre les années 2004 et 2007.

Le fonds d’investissement américain Blackstone a fondé Vitalia en 2006 en bâtissant un plan stratégique de cinq ans. Pourquoi passer la main au bout de deux ans seulement, alors que de nouvelles acquisitions de cliniques sont en cours ? Voilà qui ne manque pas de surprendre, y compris dans les milieux financiers. L’opportunité d’une belle plus-value ou les contraintes du marché financier mondial sont sans doute le moteur.

Soucieux de stabiliser le financement des cliniques privées, l’État sera peut-être intéressé, si elle se confirme, par la piste mutualiste. La Mutualité française, déjà propriétaire, via son réseau de mutuelles, de 103 cliniques et hôpitaux, projette en effet de renforcer son pôle hospitalier par d’autres achats. Mettre la main sur un mastodonte comme Vitalia suppose un très gros chèque. L’idée fait néanmoins son chemin. Depuis plusieurs années, la Mutualité développe son propre parcours de soins, et se positionne comme un offreur de soins à part entière. C’est pour elle un moyen important de réduire ses coûts, en orientant les adhérents mutualistes vers des établissements de santé où les médecins s’engagent à ne pas pratiquer de dépassements.

La décision finale appartient au siège américain de Blackstone. D’aucuns disent que le suspense ne devrait pas s’éterniser. Si la vente est conclue au début du mois de juillet, le dénouement sera connu dans moins de deux mois.

DELPHINE CHARDON

Vers de nouvelles règles ?

C’est inscrit noir sur blanc dans le rapport Larcher, qui doit servir de base à la future réforme de l’hôpital : il faut «veiller au respect du droit de la concurrence lors des opérations de concentration (de cliniques privées) par une meilleure définition des segments du marché». Le rapport explique que la procédure dite « de notification préalable » doit être précisée : alors que, actuellement, les enquêtes s’appuient sur une étude assez large du marché pertinent, «l’analyse doit pouvoir s’appuyer sur les éléments de planification qui tiennent compte de la bonne adéquation entre les besoins exprimés et les équipements installés [par activité, voire par sous-activité, NDLR], pour laquelle l’analyse territoriale [suivant les activités, elle pourra être régionale, interrégionale ou au contraire infrarégionale, NDLR] est un élément déterminant». Gérard Larcher souhaite que les ARH (agences régionales de l’hospitalisation) ou les futures ARS (agences régionales de santé) puissent participer aux enquêtes, afin notamment d’«éviter les effets déstabilisateurs sur l’offre de soins».

Soucieux de privilégier les «financements longs» dans le secteur, le rapport Larcher prône également «l’engagement» dans le marché des cliniques privées «des grandes institutions financières, telles que la Caisse des dépôts», ou encore l’entrée dans la danse «de la Mutualité ou des groupes d’assurances». Le sénateur Larcher voudrait aussi «favoriser l’actionnariat médical et des personnels» via des solutions fiscales.

K. P.

http://www.quotimed.com/documentroot/qdm/iss14564/Pag114505/QDM8373_003.pdf