Article du Quotidien du Médecin du 30 mai 2008 : Quel avenir pour la formation médicale continue et l’EPP ?

La profession craint un changement radical de cap

Roselyne Bachelot, en affirmant qu’elle souhaitait transformer « l’obligation de formation continue, qui est aujourd’hui une obligation de moyens, en obligation de résultat », a jeté le trouble dans le monde de la FMC, qui craint que le gouvernement n’ait changé carrément de politique, de discours, et ne réserve le beau rôle dans l’organisation et la validation des actions à la Haute Autorité de santé.

UNE PETITE PHRASE dans le discours de Roselyne Bachelot, lors de l’inauguration d’Hôpital Expo, a mis en émoi la profession médicale et le monde de la FMC. La ministre de la Santé a affirmé qu’il fallait, «dans le même esprit, repenser la formation médicale continue et l’évaluation des pratiques professionnelles» et a souhaité surtout «transformer l’obligation de formation médicale continue, qui est aujourd’hui une obligation de moyens, en obligation de résultat».

Pour beaucoup, cette petite phrase signifie ni plus ni moins un changement radical de cap. «La ministre de la Santé, explique ainsi un responsable d’association qui ne souhaite pas être identifié -vu l’ambiance d’aujourd’hui-, dit clairement que la FMC ne sert plus à rien et prend position en faveur d’une évaluation des pratiques professionnelles, ou d’une évaluation des compétences.»

L’inquiétude est grande également chez le président du comité national de FMC des médecins libéraux.

Le Dr Bernard Ortolan, dans « le Quotidien » d’hier, commentant l’enquête menée par son organisation – et qui montrait l’attachement des médecins au dispositif actuel -, affichait clairement ses craintes. «La menace d’étatisation de la FMC est réelle, expliquait-il. Notre profession n’a nulle intention de se laisser déposséder d’une mission qu’elle organise depuis toujours.»

La crainte s’est pourtant renforcée depuis la décision de ne pas mettre en place les conseils régionaux de FMC et les intentions parfois affichées de la Haute Autorité de santé de piloter le dispositif. Ce dont ne veulent absolument pas les médecins libéraux, comme l’ont montré les résultats de l’enquête menée par le Conseil national de FMC des libéraux, ni les responsables de la profession.

Et pourtant, la décision du gouvernement et de la ministre de la Santé de renvoyer à la loi « Santé, patients et territoires », de l’automne prochain, la mise en place du dispositif de FMC et de l’EPP, ajoute à cette inquiétude des médecins. «On ne comprend pas, on ne sait quelle place sera réservée dans la loi à la FMC et quelle sera la place de l’EPP, qui en sera le maître d’oeuvre», explique ainsi le Dr Ortolan, qui voudrait pour le moins que la profession et ceux qui depuis des lustres s’occupent de FMC soient informés, consultés. Or, pour l’instant, poursuit le Dr Bernard Ortolan, «nous avons vraiment l’impression d’être ignorés».

Le gouvernement veut-il vraiment changer les règles du jeu ? Le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), est plus prudent. «Il est loin d’être certain que le gouvernement fasse ce choix et tire un trait sur la FMC», dit-il. Certes, mais que doit-on comprendre par obligation de résultat ? Pour le président du SML, on peut considérer que dans certaines circonstances, pour des programmes de santé publique, les autorités demandent aux médecins une formation particulière. Et de citer le cas de la grippe aviaire. Mais en tout état de cause, ajoute-t-il, il n’y a pour l’instant pas matière à «s’alarmer d’une phrase qui, en aucune manière, ne signifie que le gouvernement a changé de philosophie».

Des propos sans doute rassurants, mais qui sont loin de convaincre tout le monde.

Le rôle de la HAS. Notamment lorsque l’on sait les prétentions de certains membres de la Haute Autorité de santé sur les dossiers de la FMC et de l’EPP. Certes, le directeur de la HAS confiait récemment au « Quotidien » (voir notre édition du 5 mai), que cette instance n’avait aucune intention de prendre en main l’ensemble du dispositif de formation et d’évaluation. Il n’empêche, la crainte des médecins et des responsables des associations est vive. Ils ne demandent qu’à être rassurés par le gouvernement.

Dans ce contexte, le prochain rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), le quatrième sur le sujet, sera lu avec une attention toute particulière.

JACQUES DEGAIN

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http://www.quotimed.com/documentroot/qdm/iss14583/Pag114769/QDM8381_003.pdf