Le dossier médical personnel sera basé sur le volontariat [ Les Echos 18/06/08 ]
Interview exclusive aux « Echos » de Roselyne Bachelot, ministre de la santé de la jeunesse et des sports.
La Commission des comptes va entériner un nouveau dérapage des dépenses d’assurance-maladie. Allez-vous prendre des mesures d’urgence ?
Le dépassement prévisionnel est de 700 millions d’euros, ce qui reste en dessous du seuil déclenchant la procédure d’alerte. Je ne m’en satisfais pas pour autant. Toutes les mesures prévues par la loi de financement vont être mises en oeuvre rapidement. Un décret va notamment paraître pour élargir la mise sous accord préalable de l’assurance-maladie aux médecins prescrivant trop. Nous serons également attentifs aux mesures que l’assurance-maladie s’apprête à préconiser pour 2009.
Comment allez-vous relancer le dossier médical personnel ?
Le projet va désormais être repositionné comme un ensemble de services répondant à des besoins concrets. En étant trop axé sur des chantiers techniques, il avait perdu sa crédibilité. La nature du DMP va être clarifiée. Le dossier devra être à la fois personnel et partagé : le patient contrôlera les données le concernant et le dossier constituera un outil au service des professionnels de santé. L’implication récente du Conseil de l’Ordre me semble décisive : nous allons pouvoir cobâtir le projet avec les médecins en mettant en place le service » DMP socle » que propose l’Ordre. Il comprendra la présentation de documents, à tout le moins les médicaments délivrés, les comptes rendus de radio, les analyses, voire les comptes rendus d’hospitalisation, et des services simples, comme la gestion des droits d’accès ou un agenda pour les rendez-vous. La mise en oeuvre du projet est donc recentrée sur l’expérimentation de services sur le terrain.
Quels sont les autres facteurs clefs ?
Pour avoir un cadre national solide, il apparaît nécessaire de créer un numéro national d’identifiant santé généré aléatoirement, sans lien avec le numéro de Sécurité sociale. Nous allons aussi établir un site de stockage des données et garantir l’interopérabilité des systèmes d’information. Il faut à la fois constituer le » DMP socle » qui sera diffusé progressivement et promouvoir les projets pilotes permettant de donner du contenu » de services » au projet, comme la messagerie sécurisée ou la prise en charge coordonnée des cancers.
Faut-il changer de pilote ?
La place des acteurs va être redéfinie en recentrant chacun sur ses savoir-faire. L’Etat sera le porteur du projet et le garant de la sécurité des données. L’assurance-maladie verra son rôle renforcé, à la fois dans la gouvernance et dans la construction du portail de confiance pour l’accès au DMP. Le GIP DMP, maître d’ouvrage, sera intégré dans une » agence des systèmes d’information de santé partagés « . Pour mettre en cohérence les structures existantes et définir une stratégie commune, un conseil national des systèmes d’information de santé va aussi être créé.
Quel est votre calendrier ?
Je présenterai des projets pilotes régionaux en octobre, qui permettront de tester différents services : DMP de l’enfant, suivi des malades diabétiques, dépistage, prise en charge coordonnée des cancers, etc. Ces projets seront déployés en 2009 et 2010, et ils alimenteront au fur et à mesure le socle national, le but étant le déploiement du DMP à l’horizon 2012.
Sera-t-il obligatoire ?
Non, ce sera un outil de qualité des soins au service des patients, basé sur le volontariat. Je vais proposer de supprimer l’obligation d’avoir un dossier pour être intégralement remboursé. Cela va dans le sens des recommandations du Comité consultatif national d’éthique.
Quel sera son coût ?
En rythme de croisière, c’est-à-dire à compter de 2012, la mission Gagneux l’a estimé à 100 millions d’euros par an.
Où en sont les décrets d’application des mesures prévues dans le budget 2008 de la Sécurité sociale sur les dépassements d’honoraires ?
Un premier décret va être envoyé au Conseil d’Etat pour une publication en juillet. Il renforcera les obligations d’affichage des honoraires et précisera les sanctions administratives en cas de manquement : le montant de l’amende pourrait atteindre 3.000 euros. La DGCCRF devrait engager des opérations de contrôle dans la foulée. Un deuxième décret, qui devrait être publié en octobre, donnera la possibilité à la CNAM de sanctionner directement les professionnels de santé pratiquant des dépassements excessifs. Conformément à la loi, la sanction pourra aller jusqu’à deux fois le plafond de la Sécurité sociale.
Les médecins vont devoir délivrer une » information écrite préalable » au-delà de 80 euros, selon un projet d’arrêté. L’assurance-maladie souhaite un déclenchement dès 50 euros…
Il y a de toute évidence un important travail d’explication à faire. Le seuil de 80 euros permettrait de toucher une très large part des actes techniques. La question du dépassement sur la consultation » simple » se pose dans des termes différents, puisque le patient dispose de l’affichage dans la salle d’attente.
Que répondez-vous aux médecins qui dénoncent le report au printemps 2009 de la revalorisation de la consultation à 23 euros ?
Depuis mon arrivée, je me suis fortement engagée pour revaloriser la médecine générale. J’ai toujours dit que je soutiendrais l’augmentation de la consultation à 23 euros si les conditions m’apparaissaient remplies. Pour autant, toute revalorisation tarifaire doit être discutée dans le droit commun avec l’Uncam, ce qui impose des délais, notamment une période d’observation de six mois. Il convient de tenir compte à la fois de la nécessaire amélioration de la répartition géographique des médecins, rappelée récemment par le président de la République, et des objectifs de maîtrise médicalisée. C’est une négociation qui prend forcément du temps.