PARIS (AFP) – Le nouveau fichier Edvige qui permet de recenser dès 13 ans les mineurs « susceptibles de porter atteinte à l’ordre public » a suscité mercredi l’indignation de la gauche et d’associations.
Un décret paru mardi au Journal officiel a donné naissance au fichier Edvige (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale), que gèrera la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), reprenant une partie des attributions des anciens Renseignements généraux (RG).
Edvige pourra recenser les mineurs, dès 13 ans, « susceptibles de porter atteinte à l’ordre public », notamment pour des violences urbaines. Jusqu’à présent, les mineurs ne pouvaient être fichés que dans des bases de données recensant des infractions commises.
Pour le PS, Delphine Batho a stigmatisé un dispositif « porteur de nombreuses dérives » et ne visant « qu’à masquer l’impuissance du gouvernement face à une escalade des violences qui se poursuit… ».
La LCR y a vu « l’espionnage généralisé de la population, dont le fichier Edwige n’est qu’un élément ».
Pour le premier syndicat d’éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (Snpes-PJJ/FSU), « sans qu’aucune infraction ne soit commise, des mineurs dès 13 ans seront fichés en raison de leur +activité+ individuelle ou collective, sans aucune définition ni encadrement juridique de cette activité ».
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a jugé Edvige « incompatible avec l’Etat de droit », s’inquiétant d’une « redoutable extension du fichage politico-policier des citoyens ».
La ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, rappelant que 13 ans est l’âge « fixé par la loi pour la majorité pénale », a expliqué cette évolution par « une recrudescence de la délinquance des mineurs » qui « représente pratiquement 20% des faits de délinquance ».
Pour justifier l’inscription de mineurs « susceptibles » d’enfreindre la loi, elle a cité l’exemple des « trafiquants majeurs (qui) utilisent des mineurs de 13, 14 ans, pour faire le guet, pour transporter de la drogue ».
Le fichier ne sera « utilisé que dans des cas extrêmement limités et (sera) très encadré », a promis la ministre.
Selon le décret, Edvige contiendra des « données à caractère personnel » telles que l’état-civil, adresses, numéros de téléphone et courriels, ainsi que les « signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement ».
Ces informations seront notamment « relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ».
Edvige s’intéressera aux personnes « ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique », ou jouant un « rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif ».
« En clair, tous les citoyens ayant un jour souhaité s’investir pour leur cité », résume le Syndicat de la magistrature (SM, gauche), soulignant que la police est aussi autorisée à consulter Edvige en cas d' »enquêtes administratives pour l’accès à certains emplois ou à certaines missions ».
« L’enregistrement des données à caractère personnel n’a aucune limite, ni dans le temps ni dans son contenu », dénonce le syndicat.
Selon le SM, qui examinera toute forme d’action juridique pour empêcher sa mise en oeuvre », Edvige est « un moyen puissant de dissuasion de toute forme de contestation ou d’opposition citoyenne ».