Article du Quotidien du médecin du 30 juin 2008 : Quelle réforme pour l’hôpital ? Les chefs d’établissement posent leurs conditions

À l’occasion du congrès annuel du Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH), son président, Philippe El Saïr, a lancé un avertissement au gouvernement : les directeurs et les cadres hospitaliers ne soutiendront la réforme de l’automne qu’à certaines conditions. Ils veulent notamment pouvoir nommer – et révoquer – les médecins. Polémique en vue.

DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE

«PERSONNE ne doit pouvoir dire non à l’hôpital», avait déclaré Nicolas Sarkozy en octobre 2007 à Bordeaux. Le chef de l’État avait alors réjoui le corps des directeurs d’hôpital en affirmant ne vouloir qu’un seul pilote à l’hôpital. Huit mois ont passé, et l’inquiétude a pris le pas sur la satisfaction : la volonté affichée se traduira-t-elle dans les faits ? Ce sont des directeurs d’hôpital en proie au doute qui viennent de se réunir à Bordeaux, jeudi, à l’appel du Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH).

La loi Santé, patients, territoires que Roselyne Bachelot doit présenter à l’automne prochain réformera la gouvernance hospitalière. À ce jour, les arbitrages ne sont pas rendus. Philippe El Saïr, le président du SNCH, a profité de l’occasion pour poser ses conditions. «La commande du président de la République est claire. On ne doit pas s’en écarter, sinon, nous ferons des moulinets, mais nous ne ferons pas une réforme», a-t-il lancé.

L’avertissement est clair. Les directeurs ne sont d’accord pour poursuivre les restructurations hospitalières, et encaisser des coups comme à Carhaix ou Ajaccio (voir encadré), que s’ils obtiennent la maîtrise des nominations médicales. Et la possibilité de renvoyer les praticiens oisifs. «Nous voulons un levier dissuasif pour mettre fin à toute situation d’impunité», a déclaré Philippe El Saïr. Le sénateur UMP Gérard Larcher, convié au congrès, a enfoncé le clou : «Si on ne permet pas au directoire de se séparer de tel ou tel qui ne font rien, alors que 70% des dépenses correspondent au personnel, on ne pourra pas restructurer et maîtriser les dépenses.»

Reconnaissance et indépendance. De plus en plus exposés, les directeurs d’hôpital demandent de nouveaux outils de management, une reconnaissance, et la garantie de leur indépendance. Surtout vis-à-vis des élus locaux, qui, trop souvent à leur goût, dictent leur loi pour préserver l’emploi sans être tenus pour responsables des déficits. Les directeurs d’hôpital, au nom de leur indépendance, refusent d’être nommés par les agences régionales de santé (ARS).

La directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) a botté en touche. «Il m’est difficile, pour des raisons de réserve évidentes, de répondre à vos questions», a dit Annie Podeur. Qui a préféré centrer son propos sur le nécessaire retour à l’équilibre des hôpitaux d’ici à 2012. «C’est l’objectif fixé par le président, les efforts ne peuvent attendre, a insisté la patronne de la DHOS. Comme le dit la ministre [de la Santé, NDLR], pendant les travaux, le service continue.»

DELPHINE CHARDON

Le cas emblématique d’Ajaccio

C’était un peu la star du congrès du SNCH. Raynald Ferrari, l’ancien patron de l’hôpital d’Ajaccio, qui a précipitamment quitté ses fonctions au début de juin, a reçu le plein soutien de ses collègues, convaincus qu’il a servi de fusible. «À Ajaccio, agressions physiques et voies de fait ont contraint l’État à évacuer l’équipe de direction», a déploré Philippe El Saïr. Le président du SNCH a demandé que la situation de ce directeur soit réglée «de façon exemplaire».

Rentré en catastrophe sur le continent, Raynald Ferrari écoule ses congés en attendant un autre poste. Il souhaite bien du courage à celui qui lui succédera. «Je n’ai pas fait ce métier pour être pris en charge par la brigade anticriminelle, expose-t-il au “Quotidien”. À Ajaccio, pendant un an, je n’ai fait que mon travail. J’y avais été nommé pour redresser les comptes. Avec mes adjoints, nous avons décidé de revenir au droit fondamental, en cessant, par exemple, de payer des heures supplémentaires à des agents qui n’en faisaient pas. Nous nous sommes opposés à la mauvaise volonté de tous, syndicats, médecins, élus locaux. La mort d’un syndicaliste a précipité les choses, nous avons quitté l’île car notre sécurité n’était plus assurée. À Ajaccio, la réforme que prépare le gouvernement, et la loi “SPT”, n’aurait pas changé grand-chose, compte tenu de la situation si particulière. J’ignore d’ailleurs s’il existe une solution.»

article : http://www.quotimed.com/documentroot/qdm/iss14636/Pag115526/QDM8402_004.pdf