Les propositions de l’assurance-maladie pour réduire son déficit seront débattues, jeudi. La réforme de la prise en charge des maladies graves, et notamment le déremboursement partiel de certains médicaments, devrait focaliser l’attention.
Le ministre du Budget et des Comptes publics, Eric Woerth, avait demandé à l’assurance-maladie, mercredi dernier, de lui faire des propositions afin de contenir le dérapage des dépenses. Les choses n’ont pas traîné puisque Frédéric Van Roekeghem, directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie, présentera jeudi au conseil de l’Uncam une feuille de route ambitieuse, qui vise à ramener le déficit de 4,1 milliards d’euros cette année à 2,8 milliards en 2009, alors que la croissance « naturelle » des dépenses conduirait à un déficit de 6 milliards. Il faut, indique-t-il, « opérer un redressement de l’ordre de 3,2 milliards d’euros ».
L’essentiel (2 milliards d’euros) devra provenir de nouvelles économies. Afin de contenir la croissance des remboursements à 3,3 % en 2009, l’assurance-maladie avance des mesures classiques de baisses de prix des médicaments et de maîtrise des prescriptions. Mais elle pousse aussi à des réformes structurelles. Côté médicaments, il s’agit de s’appuyer sur une « hiérarchisation » des traitements établie par la Haute Autorité de santé (en commençant par les anti-cholestérol et les anti-ulcéreux) et de signer ensuite des contrats individuels incitant les médecins à prescrire au meilleur coût. L’assurance-maladie propose aussi une batterie de mesures visant à améliorer la productivité des hôpitaux : plan de redressement pour les 100 établis- sements les plus mal en point, offre de services aux médecins traitants, mise sous accord préalable des hôpitaux dont l’activité évolue de façon anormale, etc.
Nouvelles demandes seulement
Autre priorité : le dispositif des affections de longue durée (cancer, diabète, etc.), qui offre une prise en charge à 100 % des soins à près de 8 millions de malades, et dont le coût progresse à vive allure. Pour l’assurance-maladie, il faut « réserver le bénéfice » du dispositif ALD « aux pathologies qui sont véritablement longues et coûteuses ». Ce qui n’est notamment pas le cas des personnes souffrant d’hypertension artérielle ou de certains diabètes. La Haute Autorité avait déjà, fin 2007, proposé de retirer de la liste une partie des 32 ALD. La mesure risquant de s’avérer très impopulaire, l’Uncam propose de n’appliquer cette règle qu’aux nouvelles demandes.
Des contrats spécifiques
Elle préconise ensuite de ne plus rembourser qu’au taux normal de 35 % les médicaments à vignette bleue actuellement pris en charge à 100 % pour les personnes en ALD (sauf pour les invalides, les victimes d’accidents du travail et les soins délivrés en maternité). Avec une économie de 250 millions d’euros à la clef qu’Eric Woerth aimerait obtenir rapidement en mettant en place la mesure dès cet été. Pour justifier ce déremboursement partiel, présenté comme un « transfert » aux mutuelles et aux assurances, l’assurance-maladie souligne que cela ne ferait que stabiliser la part des dépenses prises en charge par le régime obligatoire, qui s’accroît en raison du dynamisme des ALD.
En outre, les complémentaires n’augmenteraient pas leurs tarifs si les prix des médicaments diminuent concomitamment. Mais près de 8 % de la population n’a pas de complémentaire, en dépit de l’aide accordée aux ménages modestes. D’où l’idée de l’assurance-maladie de proposer elle-même des contrats spécifiques à ces personnes.
Pour boucler le budget 2009, le directeur de l’Uncam demande enfin à l’Etat d’apporter 700 millions d’euros de recettes nouvelles et de transférer à la Cades les déficits accumulés, comme Eric Woerth s’y est engagé. Cela réduira de 400 millions les frais financiers de l’assurance-maladie.
FRÉDÉRIC VAN ROEKEGHEM – DIRECTEUR DE L’UNION NATIONALE DES CAISSES D’ASSURANCE-MALADIE
« Plus les mesures seront mises en oeuvre vite, plus le retour à l’équilibre sera conforté »
Le gouvernement veut équilibrer les comptes de la Sécurité sociale en 2011. Cet objectif est-il tenable ? Cet objectif est légitime, souhaitable et tenable. Le déficit de l’assurance-maladie a été divisé par trois depuis 2004, mais il reste 4 milliards d’euros à apurer, soit 120 euros par foyer de soins financés à crédit. Et nous devons faire face à la hausse tendancielle des dépenses liée à l’accroissement de la prévalence de pathologies lourdes et chroniques : actuellement, 40 % de la population concentre 90 % des remboursements. Le retour à l’équilibre est néanmoins atteignable, car il reste des marges d’efficience importantes à tous les niveaux. Une hausse des dépenses limitée à 3,3 % en 2009, contre une évolution tendancielle de près de 5 %, constitue un objectif rigoureux mais raisonnable.
Comment y parvenir ?
Nous allons renforcer le rôle du médecin traitant afin d’améliorer le suivi des malades et de mieux maîtriser les prescriptions. Nous visons 500 millions d’euros d’économies au titre de la maîtrise médicalisée en 2009. Les référentiels que prépare la Haute Autorité de santé sur les anticholestérols, les traitements de l’hypertension et les anti-ulcéreux vont permettre d’utiliser à meilleur escient les traitements coûteux. Le contrat de bonne pratique individuelle proposé aux médecins sera un des soutiens de cette politique. Autre priorité : la réduction des inégalités démographiques. Nous allons finaliser l’accord avec les infirmières et négocier avec les médecins afin d’appliquer les mesures de régulation définies lors des états généraux de l’organisation de la santé organisés par Roselyne Bachelot. Si nous trouvons un accord fin juillet, la hausse du tarif des généralistes pourrait intervenir au 1er mars 2009.
Où résident les principaux gains de productivité ?
L’assurance-maladie doit pouvoir bénéficier, par l’évolution des tarifs, des gains de productivité qui ont été réalisés dans certains secteurs, tels que la radiologie et les analyses de biologie médicale. Même chose pour les médicaments : quand un produit n’améliore pas suffisamment le service médical rendu, il devrait être remboursé au prix du générique, et les tarifs des génériques devraient eux-mêmes être réexaminés quand ils sont supérieurs à ceux pratiqués dans des pays comparables. Nous proposons également d’expérimenter le remboursement sur la base du prix du générique pour une classe entière de médicaments, à savoir les anti-ulcéreux (IPP). Nous demandons un effort d’environ 500 millions d’euros aux industriels. C’est équilibré, car cet effort garantit la rémunération au juste prix des innovations.
Votre rapport contient beaucoup de préconisations sur l’hôpital…
Il est normal de s’intéresser à la moitié des dépenses ! Nous proposons notamment de mieux contrôler la pertinence des actes et développer la procédure de mise sous accord préalable quand l’évolution de l’activité d’un établissement apparaît anormale. De façon générale, nous prônons une plus grande lisibilité des tarifs, intégrant une dimension de recherche d’efficience. Par ailleurs, les tarifs facturés à l’assurance-maladie par les hôpitaux dans le cadre de l’activité libérale des médecins hospitaliers devraient tenir compte du fait que les honoraires sont déjà payés directement par les assurés.
Comment limiter le coût des affections de longue durée (ALD), qui s’accompagnent d’une couverture à 100 % des soins ?
Le nombre de bénéficiaires progresse de 4 % par an et le coût global de 6 %. Cela accroît mécaniquement la part de la dépense de soins prise en charge par l’assurance-maladie au titre des ALD, et plus généralement le taux de remboursement moyen du régime obligatoire.
La réglementation prévoit cependant que le dispositif est réservé aux maladies « longues et coûteuses », ce qui n’est plus toujours le cas, notamment dans le domaine cardio-vasculaire. Il faut donc adapter les conditions d’entrée en ALD tout en développant la prévention.
Nous proposons aussi de transférer aux organismes complémentaires le ticket modérateur des médicaments à vignette bleue (remboursés à 35 %). Compte tenu des baisses de tarifs concomitantes sur les médicaments, cette mesure pourrait être mise en oeuvre sans augmentation de leurs charges.
Comment améliorer la couverture des patients par les assurances et les mutuelles ?
Beaucoup de bénéficiaires du RMI ne font pas valoir leur droit à la CMU complémentaire. L’assurance-maladie pourrait les affilier directement quand ils ne répondent pas aux sollicitations. En outre, de nombreux bénéficiaires potentiels de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ne l’utilisent pas, du fait du prix des contrats : nous pourrions leur proposer de souscrire des contrats à coût modéré.
Le ministre du Budget, Eric Woerth, a-t-il raison de vouloir prendre des mesures d’économies de court terme, sachant qu’il n’y a pas d’alerte sur les dépenses ?
Plus les mesures que nous préconisons seront mises en oeuvre vite, plus le retour à l’équilibre sera conforté.
PROPOS RECUEILLIS PAR ÉTIENNE LEFEBVRE