Dépêche APM du 9 septembre 2008 : Des médecins hospitaliers s’inquiètent des futurs pouvoirs des directeurs d’hôpital

PARIS, 9 septembre 2008 (APM) – La Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) et la conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de centre hospitalier ont fait part lundi à l’APM de leur inquiétude concernant le renforcement des pouvoirs et de l’autonomie des directeurs d’établissement, inscrit dans un avant-projet de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST).

La dernière version de l’avant-projet de loi dont APM a eu copie met l’accent sur l’idée d’un « patron » unique dans l’hôpital et souligne que le directeur, également président du directoire, doit disposer des moyens pour prendre des décisions et les faire appliquer, rappelle-t-on (cf dépêche APM CBLI5003).

Le président de la CPH, Pierre Faraggi, et la présidente de l’INPH, Rachel Bocher, ont dénoncé cette vision « caporaliste » du fonctionnement de l’hôpital.

Pour Rachel Bocher, l’avant-projet de loi fait disparaître la « démocratie de décision » et supprime toute « implication institutionnelle du praticien ». « Les praticiens ne seront plus que des prestataires », a-t-elle déploré.

Cette opinion est partagée par Pierre Faraggi. Pour lui, vouloir un « seul patron » à l’hôpital correspond à un « contresens absolu ». Il insiste sur le fait que les décisions prises à l’hôpital doivent « forcément » être des « décisions de synthèse » entre le directeur gestionnaire et des choix médicaux. Pour lui, il faut conserver un « pilotage médical » de l’hôpital avec le directeur comme « arbitre ».

Le président de la CPH critique également la composition du directoire prévue dans l’avant-projet de loi. Cette nouvelle instance aurait à sa tête le directeur. Le président de la CME serait vice-président et les autres membres, cadres administratifs et cadres médicaux, seraient nommés par le président du directoire, après avis du président de la CME pour les membres du personnel médical (cf dépêche APM SNLI1003).

Pour Pierre Faraggi, cette situation ne serait pas équilibrée et « ce fonctionnement amènerait forcément des catastrophes ».

Il déplore également que ce soit le directeur qui propose la nomination des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques au directeur général du Centre national de gestion (CNG) sur proposition du chef de pôle lorsqu’il existe et après avis du président de la CME.

Pour lui, il serait plus judicieux que ce soit la CME et le directoire qui proposent, à l’image de ce qui se fait actuellement, la CME et le conseil exécutif étant à l’origine des propositions.

Enfin, Rachel Bocher et Pierre Faraggi ont réitéré leur critique sur le statut contractuel proposé qui selon eux ne sera pas compétitif avec le secteur privé et ne disposera pas des garanties statutaires nécessaires pour le rendre attractif.

Globalement, Pierre Faraggi critique la lourdeur des réformes prévues pour l’hôpital.

Les présidents de la Coordination médicale hospitalière (CMH), François Aubart, et du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics (Snam-HP), Roland Rymer, préfèrent attendre la diffusion de la version finale de l’avant-projet de loi avant de le commenter.

OPPOSITION DES PRESIDENTS DE CME

Le président de la Conférence des présidents de CME de CH, Francis Fellinger, interrogé par l’APM, a également considéré que plusieurs dispositions de l’avant-projet n’étaient « pas acceptables » pour le corps médical et étaient vécues comme « une machine de guerre » contre eux au regard de tous les pouvoirs qui seraient dévolus au directeur en termes de nomination des chefs de pôle, des praticiens hospitaliers ou de signature des contrats de pôle.

Un grand nombre de compétences seront « concentrées dans les mains d’un directeur tout puissant », observe Francis Fellinger.

« Le président de CME se voit marginalisé alors qu’actuellement des décisions sont prises conjointement avec le directeur et ne posent aucun problème. C’est très humiliant pour les présidents de CME qui se sont engagés dans un management conjoint depuis cinq ans et se font évincer brutalement », commente-t-il.

« On ne peut pas construire un système hospitalier contre les leaders médicaux sinon nous irons droit dans le mur et vers des conflits. Il ne faut pas non plus imaginer que l’on résoudra ainsi le problème des déficits », prévient-il tout en reconnaissant des aspects positifs au texte gouvernemental.

Le président de la conférence critique aussi le nombre de membres dans le directoire qui sera à la tête de chaque communauté hospitalière de territoire (CHT).

Fixer le nombre de membres à cinq signifie que tous les établissements de la CHT ne seront pas représentés, indique-t-il.

LA FHF DEFEND LE PROJET

Le délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), Gérard Vincent, a défendu pour sa part les dispositions contenues dans le projet gouvernemental.

« Un président de CME est élu par ses pairs et a donc une légitimité vis-à-vis de ses collègues, mais pas en termes de pouvoir qui doit revenir au directeur », estime-t-il.

En ce qui concerne les procédures de désignation des médecins, Gérard Vincent précise que le problème actuel ne concerne pas les nominations qui se font souvent avec l’accord des présidents de CME mais les « dénominations » de certains praticiens.

« Cela dit, il serait embêtant que les médecins ressentent cette réforme comme allant contre eux », ajoute-t-il.