L’HUMANITÉ DES DÉBATS
Le secteur mutualiste en péril
PAR SYLVIE MAYER, COAUTEURE ET COORDINATRICE DU GUIDE DE L’ÉCONOMIE ÉQUITABLE (*), RESPONSABLE COMMERCE ÉQUITABLE, ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE DU PCF.
Comment faire pour protéger l’économie sociale des manoeuvres capitalistes ?
Successivement, le Crédit agricole pour 5,9 milliards en juin, la Caisse d’épargne, les Banques populaires pour 3,7 milliards en septembre viennent de recapitaliser assez discrètement pour près de 10 milliards d’euros. 10 milliards d’euros « propriété » de 12,6 millions de Françaises et de Français, leurs coopérateurs ou mutualistes qui auraient dû avoir tous droit à la parole : une personne = une voix selon un des cinq principes de l’économie sociale. Ces 10 milliards sont partis en fumée dans l’économie virtuelle : la spéculation. Les sociétaires « paieront deux fois » : une première fois pour boucher les trous, une deuxième fois car ce sera autant non investi pour créer des emplois, des logements, soutenir l’économie réelle.
Le 15 octobre, le Groupe des caisses d’épargne et les mutuelles de l’assurance MACIF et MAIF (7,2 millions de sociétaires) finissaient de conclure leur rapprochement pour leur future activité de bancassurance.
Comment ont été consultés les 14 millions de citoyens mutualistes concernés de part et d’autre ?
Au même moment, malgré plusieurs réunions de « cadrage » au palais de l’Élysée un nouveau scandale éclatait avec la perte de 695 millions à la Caisse nationale d’épargne. Assumant leurs responsabilités, les trois principaux dirigeants du directoire démissionnaient. Quelques mois plus tôt ce ne fut pas le cas du principal dirigeant du Crédit agricole qui a même succédé depuis au président de la Société générale à la tête de la Fédération bancaire française (FBF). Attendons cependant quelques jours pour apprécier la réalité de ces trois démissions spectaculaires.
Dans un autre domaine d’activité, la CAMIF, le troisième de la vente par correspondance en France, s’est détourné de ses obligations mutualistes en ouvrant son capital aux 3 Suisses International puis à un fonds de pension, Osiris Partners. Celui-ci, en 2007, a pris le contrôle de la CAMIF Particuliers en investissant 25 millions d’euros. Malgré plusieurs injections de capitaux, la CAMIF est aujourd’hui conduite à des licenciements dans sa principale filiale et devra licencier 144 personnes dans la maison mère. Quand et comment, en toute transparence, les dirigeants, les coopérateurs et les mutualistes analyseront-ils ce qui s’est passé et se passe ?
Comment en est-on arrivé là ? Par absence de contre-pouvoir donc de démocratie ? Par abus de démocratie délégataire ? Par détournement des principes coopératifs et mutualistes avec la création de structures cotées en Bourse et échappant de fait à tout contrôle citoyen ? En sera-t-il de même pour la fusion annoncée et accélérée du groupe Caisses d’épargne et Banque populaire ? Cette fusion nécessite une modification de la loi : seul espoir d’un contrôle citoyen ?
En utilisant les outils du capitalisme, en agissant comme les capitalistes, quelques équipes dirigeantes détournent l’économie sociale de son rôle social et solidaire.
L’économie sociale et solidaire peut contribuer à la transformation de l’économie en combinant démocratie représentative, démocratie économique et démocratie sociétale et donnant des contre-pouvoirs aux citoyens.
Les sociétaires, coopérateurs, mutualistes doivent intervenir pour qu’elle retrouve ses principes de solidarité, hors des schémas capitalistes.
Nous faisons plusieurs propositions en ce sens :
À court terme : renforcer par la loi la participation des mutualistes et coopérateurs aux activités et assemblées générales.
À moyen terme :
– rendre obligatoire un minimum de financement de l’économie sociale et solidaire (SCOP, SCIC…) par le secteur bancaire coopératif et mutualiste ;
– élaborer un plan de création de nouvelles sociétés coopératives de production fondé sur un droit de préemption des salariés en cas de cession des entreprises (700 000 entreprises et 3 000 000 de salariés concernés avec le papy- boom).
Immédiatement nous proposons à chacune et chacun des 20 millions de Françaises et des Français sociétaires des groupes Crédit agricole, Banques populaires, Caisses d’épargne, Crédit mutuel, aux 7,2 millions mutualistes de la MACIF et de la MAIF, aux élus des collectivités locales, de demander la convocation en urgence d’assemblées générales exceptionnelles dans toutes leurs instances.
Vous avez le pouvoir d’agir, d’exercer votre citoyenneté économique.
Vous souhaitez agir : nous vous suggérons un modèle de lettre selon votre banque ou assurance mutualiste.
http://guideeconomieequitablebancassurance.blogspot.com