Peinant à obtenir des statistiques fiables, la mission IGAS consacrée aux revenus des médecins hospitaliers a pris du retard. Son rapport définitif sera rendu public dans un mois ou deux. Il se dit que le constat établi réserve des surprises.
DEPUIS le mois de février, à la demande de Roselyne Bachelot, une mission IGAS (Inspection générale des affaires sociales) bâtit un état des lieux exhaustif des revenus des médecins hospitaliers.
Part complémentaire variable, primes diverses et variées, gardes et astreintes, secteur privé, mais aussi expertises, vacations, enseignement… La transparence doit être faite sur l’ensemble des sources de revenus des médecins hospitaliers, quels que soient leur statut et leur lieu d’exercice (« le Quotidien » du 12 septembre).
Problème, la compilation des statistiques s’avère moins aisée que prévu. Le rapport définitif est annoncé dans un mois et demi. Une première mouture a été retoquée, au motif qu’elle n’était pas assez fiable. C’est du moins l’information qui circule dans le monde de la santé, qui balance entre scepticisme et appréhension vis-à-vis de ce vaste chantier piloté par l’IGAS. « On sait déjà tout de la situation, je ne m’attends pas à des révélations », commente un médecin. D’autres à l’inverse s’en inquiètent. « Dans ma spécialité, déclare un anesthésiste, dans les couloirs du ministère de la Santé, il nous est souvent reproché de prendre trop de gardes. Mais il faut bien assurer la continuité des soins. Cet argent, nous ne le volons pas. Pas comme les mercenaires. »
Le sujet est sensible. Car comment porter sur la place publique des cas semblables à celui de l’hôpital d’Ambert, qui, pour avoir payé des gardes fictives à ses médecins, a fait la une des chroniques judiciaires. Partout où la pénurie médicale sévit, le subterfuge est employé. Les contournements sont légion, et les pouvoirs publics, soucieux de préserver une offre de soins homogène, ferment parfois les yeux. Outre les gardes et primes fictives, l’IGAS fait aussi le point sur les expertises civiles et judiciaires. Le chapitre est semble-t-il étonnant. Sur ce sujet comme sur d’autres, la mission IGAS relève des failles dans les contrôles en place. « De là à parler de déviance, ce n’est pas sûr. Il reste des zones d’ombre à explorer », confie, quelque peu embarrassée, une source bien informée.
Les pouvoirs publics donnent l’impression de marcher sur des œufs. Le ministère de la Santé, craignant sans doute de réveiller certains corporatismes à la veille du débat parlementaire sur la loi Bachelot, verrouille la communication sur le dossier.
Les syndicats de praticiens hospitaliers n’ont pas été les destinataires de la première version du rapport de l’IGAS. Mais la rumeur circule, et déjà, les commentaires tombent. « Les premiers éléments collectés par l’IGAS semblent indiquer qu’il y a de fortes disparités de revenus entre les spécialités, expose un chef de file syndical. Il ne faudrait pas se focaliser sur les cas extrêmes, comme ces grands patrons parisiens qui prennent de lourds dépassements. Sinon, cela permettrait de dire que le statut unique des PH [praticiens hospitaliers, NDLR] n’aurait d’unique que le nom. Nous craignons que le ministère de la Santé se serve de cet argument pour affirmer que le statut unique est obsolète, et qu’il faut passer aux contrats que propose la loi Bachelot. Nous attendons ce rapport pour en faire une lecture circonstanciée. »
Au-delà de l’état des lieux, ce sont surtout les préconisations de l’IGAS qui ne manqueront pas d’intéresser le microcosme. Roselyne Bachelot attend des propositions permettant d’engager « un rapprochement des modes et niveaux de rémunérations des médecins hospitaliers ». À suivre donc.
DELPHINE CHARDON