PARIS, 26 novembre 2008 (APM) – La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) de l’Assemblée nationale s’est prononcée mercredi en faveur de la mise en place d’un bouclier sanitaire.
L’auteur du rapport de la Mecss sur les affections de longue durée (ALD), Jean-Pierre Door (UMP, Loiret), a déclaré, lors d’une conférence de presse, qu’il était « urgent » que la réflexion s’engage sur la mise en place du bouclier sanitaire.
Le dispositif du bouclier sanitaire consiste à fixer un plafond de reste à charge pour l’assuré social, au-delà duquel ses dépenses de soins sont prises en charge à 100% par l’assurance maladie obligatoire.
L’enjeu de l’élaboration porte sur le mode de fixation du montant du plafond et sur la définition du reste à charge. Le montant du plafond peut être fixe et unique par assuré ou modulé par certains éléments. L’exemple le plus souvent cité est celui d’un plafond proportionnel aux revenus de l’assuré.
Jean-Pierre Door estime qu’il faut mener rapidement des études complémentaires sur l’impact de ce bouclier sanitaire, définir les modalités de sa mise en place et fixer un calendrier de mise en oeuvre. Il rappelle que la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) doit remettre fin 2008 un rapport au gouvernement sur la faisabilité du bouclier sanitaire.
L’objectif de la mise en place du bouclier sanitaire est de « simplifier le système actuel », qui connaît « une trentaine d’exonérations de ticket modérateur », concernant, entre autres, les patients en ALD, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) et les femmes enceintes, a-t-il souligné.
La France doit pouvoir s’inspirer des systèmes en vigueur à l’étranger, notamment en Belgique, en Allemagne, et en Suède, et qui donnent des résultats positifs, a estimé Jean-Pierre Door. La Belgique a fixé une fourchette entre 400 et 1.600 euros et l’Allemagne a adopté un pourcentage du revenu fiscal des ménages (1% pour les patients en affection de longue durée, 2% pour les autres assurés), a-t-il indiqué.
Pour Jean-Pierre Door, le bouclier sanitaire ne remettra pas en cause le pacte social de 1945 qui veut que chacun cotise selon ses moyens et reçoive selon ses moyens. Le bouclier sanitaire se déclencherait à un seuil très bas pour les personnes en situation précaire ayant un faible revenu, et pourrait même se déclencher au premier euro.
Prenant l’exemple d’un plafond de 1% des revenus, il a souligné qu’il serait de 500 euros pour un ménage ayant un revenu de 50.000 euros annuels et de 1.500 euros pour un ménage aux revenus de 150.000 euros, ce qui lui paraît supportable.
Jean-Pierre Door a souligné que des économistes, la Haute autorité de santé (HAS) et le rapport Briet-Fragonard de septembre 2007 évoquent la mise en place du bouclier sanitaire. Il a estimé que s’il n’était pas mis en place à courte échéance, les problèmes de financement de l’assurance maladie se poseraient de façon encore plus aiguë dans quatre ou cinq ans. « On ne peut plus reculer », a-t-il déclaré.
Il a estimé que la définition du reste à charge devait recouvrir « le panier de soins nécessaires et indispensables », en excluant des dépenses actuellement non prises en charge par l’assurance maladie, dont les dépassements d’honoraires et la majeure partie voire la totalité de soins dentaires et d’optique.
Le rôle des complémentaires santé serait tout à fait préservé, puisque leur prise en charge complémentaire porterait sur le plafond de reste à charge, en partie ou en totalité, a-t-il ajouté.
RETICENCES AU SEIN DE L’UMP ET A GAUCHE
Jean-Pierre Door a reconnu que le sujet était d’importance puisqu’il modifie tout le système actuel de remboursement et il a admis que tous les parlementaires de la majorité ne partageaient pas sa conviction. Néanmoins, la Mecss a voté son rapport.
Cette réticence d’une partie de la majorité pourrait expliquer pourquoi le rapport de Jean-Pierre Door, qui devait initialement être présenté début octobre, n’a été conclu que fin novembre. Officiellement, le député a indiqué que le retard s’expliquait par la surcharge de travail de la commission des affaires sociales depuis fin septembre.
La fixation du plafond en pourcentage du revenu et la définition du reste à charge font l’objet de beaucoup d’interrogations sur la remise en cause du pacte social de 1945.
Un député UMP a estimé lors de l’examen du rapport, que la fixation d’un plafond proportionnel au revenu risquait de constituer une « double peine », puisque les cotisations sociales sont également proportionnelles au revenu, a rapporté la députée communiste Jacqueline Fraysse (Hauts-de-Seine), sans le nommer.
Jean-Pierre Door a précisé que le député avait, après ses explications, modulé sa position.
Le Nouveau Centre est favorable à la mise en place d’un bouclier sanitaire et souhaite que les dépassements d’honoraires et les prestations dentaires et d’optique soient prises en compte dans le reste à charge, a indiqué Jean-Pierre Door, rapportant les propos de Jean-Luc Préel (Vendée) en commission.
Les députés socialistes s’interrogent sur les modalités de définition du bouclier sanitaire. Jean Mallot (Allier) a remarqué que les comparaisons européennes étaient difficiles puisque le bouclier sanitaire intervient dans un système de santé très différent du système français.
Pour que le nouveau dispositif « apporte des progrès » par rapport à la situation actuelle, le périmètre du reste à charge doit inclure les dépassements d’honoraires et les dépenses d’optique et de dentaire, a-t-il souligné. Il a également estimé que le rôle des complémentaires santé serait largement remis en cause.
Jacqueline Fraysse a exprimé l’opposition catégorique de son groupe à la mise en place du bouclier sanitaire, en soulignant que le débat devait porter sur les recettes nouvelles à trouver, car l’augmentation des dépenses d’assurance maladie est « inéluctable » en raison du vieillissement de la population et de la plus grande efficacité des traitements.
Elle a ajouté que le montant actuel du reste à charge réel assumé par les assurés était un problème important et que le bouclier sanitaire n’y apporterait pas d’amélioration.