Après le discours du 2 décembre 2008 de Nicolas Sarkozy, pétition : Nous refusons la politique de la peur.
– Les premiers signataires
– Signer la pétition
Les annonces de Nicolas Sarkozy le 2 décembre au centre hospitalier spécialisé Erasme à Antony sont en remarquable continuité avec les décisions prises depuis l’époque où il était ministre de l’intérieur : loi sur la prévention de la délinquance, amputée de ses articles portant sur les malades mentaux, mais finalement réintroduits dans leur essence dans la loi de rétention de sûreté, fichier Edvige, et maintenant loi sur l’hospitalisation psychiatrique.
L’amalgame organisé depuis la loi du 30 juin 1838 entre ordre public et obligation de soins trouve aujourd’hui son achèvement en une identification du soin à la seule mesure d’ordre public au nom d’une dangerosité potentielle. Il s’inscrit dans un ensemble liberticide. Depuis environ 3 ans, à chaque victime exemplairement médiatisée répond une nouvelle loi répressive.
Cette logique démagogique ose avec arrogance déclarer ne connaître que les droits de l’homme pour la victime et subordonner les droits des « autres » à leur dangerosité. Logique de juriste besogneux qui se doit d’étalonner le droit à une justice d’élimination. Logique de violence sociale qui condamne la psychiatrie à repérer, contrôler et parquer à vie les marginaux, déviants, malades, désignés potentiellement dangereux. Logique de l’abus rendu légal, enfin, puisque cette dangerosité n’est ni définie, ni précisément limitée, ouvrant la voie à une extension indéfinie des mesures qui la visent. Obsession qui transforme tout accident en événement intolérable, la moindre erreur en défaillance monstrueuse, légitimant des précautions sans cesse durcies et toujours condamnées à se durcir car on ne supprimera jamais la possibilité d’un risque.
A terme, nous ne serions même pas dans la mise en place d’un système de défense sociale —historiquement institué et toujours présent dans de nombreux pays européens— à côté d’un système de soins psychiatriques « civil », mais dans le formatage d’une flic-iatrie dans les murs d’un asile d’aliénés post-moderne comme dans la ville.
Nous tenons à alerter du danger les familles et leurs associations, les associations de patients et ex-patients. Le projet du président de la République n’est pas une obligation de soins ambulatoire, mais bel et bien une détention ambulatoire qui au plan des soins se résumerait à l’injection bimensuelle ou mensuelle d’un neuroleptique à action prolongée ou à la prise forcée d’un thymorégulateur. Sur le plan de la liberté individuelle, ce projet placerait le sujet sous un régime de la liberté surveillée : tutelle à la personne, assignation à résidence, bracelet électronique. Tout cela sous l’égide des services préfectoraux, des services de psychiatrie publique … et de la famille.
Pourquoi alors pour les soignants rechercher et travailler le consentement libre et éclairé ? Pourquoi pour les services de psychiatrie se mettre dans l’obligation d’accueillir, d’écouter, de prendre soin, de soigner, d’accompagner un sujet souffrant, c’est-à-dire de le considérer dans sa dignité et sa singularité de personne, d’individu social, et de sujet de droit ?
Disons aussi clairement aux usagers et à tous les citoyens que le soutien affiché par le chef de l’Etat à sa ministre de la santé pour son projet de loi « hôpital, santé, patients et territoire », son chantage public au soutien à ses réformes, confirme qu’il n’y a pas contradiction entre politique sécuritaire et politique de réduction des moyens pour la santé et le social. De plus, il semble aussi mettre fin à la psychiatrie de secteur comme psychiatrie généraliste.
Que de vigilance obligée, que d’énergie perdue pour défendre les moyens existants face au bulldozer administratif et comptable. Pour les internés, nous savons : des moyens pour des cellules d’isolement, des unités pour malades difficiles, des vigiles et des caméras de surveillance. Quant aux personnes qui seraient soumises au traitement psychiatrique ambulatoire contraint, selon quels critères unetelle mesure serait-elle prise, ou levée ?
Que nous soyons contraints de répéter une fois de plus qu’il n’y a pas à assimiler crime ou délinquance et « maladie mentale », dangerosité et « maladie mentale », nous blesse au regard des décennies de luttes et de pratiques de progrès dans le champ de la santé mentale.
Que nous soyons contraints de répéter qu’il n’y a pas de risque zéro, que les politiques dites de « tolérance zéro » n’éliminent la dangerosité sociale, nous fait craindre que nous tendions —loi d’attaque sociale après loi d’élimination, outrances policières ou politiques après outrances policières ou politiques— au système décrit et dénoncé par Hannah Arendt : Le totalitarisme ne tend pas à soumettre les hommes à des règles despotiques, mais à un système dans lequel les hommes sont superflus.
Le type de pouvoir exécutif à l’œuvre ne laisse rien échapper, intervient sans cesse sur les professionnels pour les sanctionner et les corriger au moindre accident. Il conduit ceux-ci à l’excès de zèle pour prévenir les risques de ce qui n’est même plus excusé en tant que « bavures ». Au mieux, nous avons droit aux phrases compassionnelles du chef de l’Etat.
La banalité du mal s’installe en même temps que les scandales s’accumulent : pour les sans papiers, il faut faire du chiffre ; pour éduquer les collégiens contre la drogue, il faut faire une descente musclée de gendarmes ; pour que « justice soit faite », il faut l’affaire consternante du journaliste de Libération ou encore la menace de centres de rétention pour SDF récalcitrants.
Il ne s’agit donc guère de sagesse populaire et de vertu républicaine, mais bien d’une idéologie populiste et d’une politique sécuritaire dangereuses, qui dans le même temps poursuivent au pas de course la démolition des services publics et une politique de santé entrepreneuriale et de paupérisation.
Nous nous déclarons opposants résolus à cette idéologie et à cette politique. Nous déclarons que nous continuerons d’y résister concrètement et solidairement. Nous appelons tous ceux qui agissent à élaborer un manifeste constituant d’un front du refus.
Premiers signataires:
Sophie Baron – Laforet, psychiatre praticien hospitalier, vice-présidente de l’ARTASS
Francine Bavay, vice présidente de la région Ile de France en charge des solidarités et
du développement social – les Verts
Mathieu Bellhasen, président de l’Association Nationale des Internes en Psychiatrie
Alain Buzaré, psychiatre praticien hospitalier, Angers
Alain Chabert, psychiatre responsable de service, Chambéry
Franck Chaumon, psychiatre praticien hospitalier, psychanalyste, Paris
Jean Danet, universitaire, Nantes
Gilles Devers, avocat, Lyon
Claude Olivier Doron, philosophe et anthropologue de la santé, Université Paris VII
Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des Droits de l’Homme
Laurent Elghozi, praticien hospitalier, élu municipal à Nanterre
Hélène Franco, secrétaire générale du syndicat de la magistrature, juge pour enfants à
Bobigny
Dominique Friard, vice-président du Serpsy, cadre de santé, Laragne
Jean Furtos, psychiatre responsable de service, Directeur scientifique de l’ORSPERE /
ONSMP
Claire Gekiere, psychiatre responsable de service, Union Syndicale de la Psychiatrie
Bruno Gravier, professeur de psychiatrie à l’université de Lausanne, secrétaire du
CEDEP
Serge Klopp, cadre de santé, responsable psychiatrie du PCF, Paris
Pénélope Komites, adjointe au maire du XIIème arrondissement en charge de l’action
sociale – les Verts
Anik Kouba, psychologue clinicienne, Clichy sous bois-Montfermeil, CEDEP
Olivier Labouret, psychiatre responsable de service, Toulouse
Jean Claude Laumonier, responsable santé de la LCR, cadre de santé retraité
Christian Laval, sociologue, Lyon
Anne-Marie Leyreloup, présidente du Serpsy
Claude Louzoun, psychiatre praticien hospitalier, président du Comité Européen Droit,
Ethique et Psychiatrie, membre de l’Union syndicale de la psychiatrie
Jean-Pierre Martin, psychiatre praticien hospitalier, vice-président du CEDEP, membre
de l’Union syndicale de la Psychiatrie
Jacques Michel, professeur à l’Institut des études politiques, Lyon
Marie Napoli, présidente de l’Union Syndicale de la psychiatrie
Pierre Paresys, psychiatre responsable de service, Lille
Serge Portelli, vice-président du tribunal d’Evry, syndicat de la magistrature
Marie Rajaplat, vice-présidente du Serpsy
Pauline Rhenter, politologue, Groupe de recherches en sciences sociales Ville et santé
mentale, Paris
Jean Vignes, secrétaire Fédération Sud santé sociaux
Liste des nouveaux signataires (au 16 décembre 2008) :
Alain Acquart, cadre de santé, SUD santé – sociaux
Monique d’Amore, psychiatre, centre hospitalier Montperrin, Aix en Provence
Eric Andrieu, vice président du conseil régional Languedoc Roussillon (PS)
Guy Baillon, psychiatre des hôpitaux, Bondy
Pascale Beau, psychiatre, Paris
Dominique Besnard, CEMEA, Paris
Fabienne Biegelmann, psychanalyste, Paris
Pascal Boissel, psychiatre d’exercice privé, Poitiers
Michel Bonnefoy, cadre supérieur de santé, Nancy
Nicole Borvo Cohen Seat, sénatrice de Paris
Jean-Pierre Bouyssou, pédopsychiatre, Bourges
Pascale Brachet, pharmacien, directeur d’établissement médicosocial
Robert Bret, ancien sénateur des Bouches du Rhône, conseiller municipalmunicipal
Paul Bretecher, psychiatre, président d’Agapes, Corbeil Essonnes
Alain Cantero, psychiatre praticien hospitalier
Patrick Chaltiel, psychiatre chef de service, Bondy
Jean-Jacques Chardon, CGT, centre hospitalier Montperrin, Aix en Provence
Patrick Chemla, psychiatre, psychanalyste, Reims
Claude Claverie, psychiatre, collectif Rencontres des Journées de psychothérapie institutionnelle de
Saint Alban
Yvonne Coinçon, pédopsychiatre
Magali Coldefi, chargée de recherche, Groupe de recherches en sciences sociales
Patrick Coupechoux, journaliste
Pascal Crété, psychiatre, directeur du Foyer Léone Richet à Caen, président du collectif de rencontres
institutionnelles caennais.
Jean Darrot, psychiatre des hôpitaux, Annecy
Caroline David, Adjointe de direction Communication/Projets/pôle logements, L’Elan Retrouvé, Paris
Michel David, psychiatre responsable de service, société caraïbéenne de psychiatrie et de psychologie
légales
Christine Delaire, éducatrice spécialisée
Alain Deniau, psychanalyste, ancien chef de service en psychiatrie, Paris
Nelly Derabours, administrateur, Chs Esquirol, Paris
Anne-Laure Donskoy, usager-chercheur militante en santé mentale, Angleterre
Bernard Doray, psychiatre des hôpitaux, CEDRATE
Pierre Duchateau,
Jacqueline Duchêne, psychiatre, Paris
Valeriane Dujardin, responsable de la cellule juridique de l’EPSM des Flandres à Bailleul, juriste en
droit de la santé
Olivier Esnault, cadre supérieur de santé, Serpsy
Christine Eymard – Duvernay, psychiatre, psychanalyste, Paris
E. Fleury, psychiatre, Lille
Frédéric Font, animateur du Comité de résistance social et du conseil national de la résistance, Toulouse
Michèle Grosclaude,
Daniel Henger, Collectif psy de la CNI
François Hummel, psychiatre, Levroux
Claude Jacquet, vice-présidente de l’association Schizo ? …. Oui !
Fabienne Jouvel, Les Sans rien
Alexis Karacostas, psychiatre praticien hospitalier, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière
Dimitri Karavokyros, psychiatre des hôpitaux, Gap
Violaine Kichenin-Martin, chercheur retraitée, Saint Gilles (Gard)
Mathilde Labey
Françoise Labridy,
Jacques Lacaze, conseiller municipal, PRCF, Liévin
Paul Lacaze, psychiatre d’exercice privé, Montpellier
Mireille Le Corre, secrétaire nationale à la santé et la sécurité sociale, PS
Jean-Pierre Legendre, pédopsychiatre, membre de l’union syndicale de la psychiatrie et du CEDEP,
Ornex (Savoie)
Gérard Lucas, médecin du travail, président de E-pairs, Nantes
Emile Lumbroso, psychologue, président d’Euro-Psy, Reims
Paul Machto, psychiatre praticien hospitalier, Montfermeil
Pascal Mahieux, cadre supérieur de santé, Chambéry
Mireille Marizon, infirmière, centre hospitalier Le Mas Careiron, Uzès
Marika Moisseeff, psychaitre et ethnologue, Laboratoire d’anthropologie sociale (CNRS), Paris
Brigitte Montaclair, psychiatre de secteur, UCSA, Argentan (Orne)
Geneviève Morel, psychanalyste, Lille
Janine Mossuz-Lavau, politologue – sociologue, CEVIPOF, Paris
Gérard Neyrand, sociologue, Toulouse
Frédéric Pain, médecin urgentiste hospitalier,
Elena Peltier, psychologue, Chs Esquirol, Paris
Edmond Perrier, pédopsychiatre, Brumath
Eric Piel, psychiatre praticien hospitalier, Paris
Pascal Piezanowski, secrétaire de SUD – santé du Val de Marne
Blandine Ponet, infirmière de secteur psychiatrique, Toulouse
Michel Pontis, médecin homéopathe, Villeneuve sur Lot
Chantal Potart, psychiatre au CAP Roquette, Paris
Olivier Querouil, conseiller technique CMU, militant du Parti Socialiste, Paris
Nadine Racine, interne en psychiatrie, Paris
Joelle Raffaud, secrétaire CGT, hôpital de Cannes
Gérard Rodriguez, cadre de santé, centre de jour Antonin Artaud, Reims
Anne-Marie Rossier,
Yves Saint Gerard, praticien hospitalier en psychiatrie,
Bernard Savin, psychologue, docteur en psychologie, président de l’ARTAAS
Evelyne Sire-Marin, magistrat, Fondation Copernic, Ligue des droits de l’homme
Béatrice Stambul, psychiatre praticien hospitalier, Aix en Provence
Dolores Lina Torres, psychiatre des hôpitaux, Marseille
Jacques Tosquellas, psychiatre, psychothérapeute, Cabriès
Philippe Turmond, psychiatre, psychanalyste, Nogent sur Marne
Valérie Vallet, psychologue, Paris
Maryvonne Wetsch, psychiatre retraitée, Paris