Dépêche APM du 9 janvier 2009 : Nicolas Sarkozy fixe les axes d’une réforme de l’organisation de la psychiatrie

PARIS, 9 janvier 2009 (APM) – Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a énoncé jeudi, lors d’une rencontre avec des acteurs de la psychiatrie, les axes d’une réforme sanitaire de l’organisation de la psychiatrie.

Le chef de l’Etat a rencontré jeudi pendant environ une heure et demie 15 personnalités de la psychiatrie, psychiatres, infirmiers, directeurs d’établissements, usagers et familles, qu’il avait invités à l’Elysée (cf dépêche APM HMMA5003) pour reprendre le dialogue après les réactions négatives qui ont suivi son discours à l’établissement public de santé Erasme d’Antony (Hauts-de-Seine) début décembre 2008 (cf dépêches APM SNLL2005 et APM HMLL2001).

Le chef de l’Etat est intervenu une vingtaine de minutes puis a donné la parole à chaque participant. Cet échange a permis d’aborder de nombreux points d’organisation et d’amélioration des soins en psychiatrie, ont indiqué à l’APM plusieurs participants (cf dépêche APM COMA9002).

Il était entouré de la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, et de plusieurs conseillers, dont Raymond Soubie (conseiller social), Arnold Munnich (conseiller santé et recherche biomédicale), Raphaël Radanne (conseiller technique santé), ont rapporté des participants.

Cet « échange informel » a permis de « constater que les conditions étaient aujourd’hui réunies pour faire naître dans notre pays une nouvelle ambition pour la santé mentale et pour ses professionnels », a indiqué l’Elysée dans un communiqué de compte-rendu de la rencontre.

Dans ce communiqué, l’Elysée fixe la feuille de route du travail confié à Roselyne Bachelot sur la santé mentale (réforme de la loi du 27 juin 1990 sur les hospitalisations sous contrainte et réforme de l’organisation).

L’Elysée met en avant un objectif: « améliorer la qualité et la sécurité des soins dans une approche globale du patient et de la discipline psychiatrique ».

Le communiqué souligne la nécessité d’un partenariat plus fort entre « la santé mentale » et les structures sociales et médico-sociales, avec les établissements pénitentiaires et avec les familles, en réaffirmant la primauté du secteur.

« En s’appuyant sur ce qui fonde sa spécificité – le ‘secteur’ qui allie l’hôpital et les structures ambulatoires -, la santé mentale doit élargir son champ de prise en charge aux structures sociales et médico-sociales ainsi qu’aux établissements pénitentiaires. Les familles doivent pour leur part être encore davantage associées à la prise en charge », est-il indiqué.

Le communiqué évoque aussi un renforcement de la formation et la recherche.

« Un effort doit être conduit pour renforcer la qualification et l’accompagnement des personnels des établissements psychiatriques. Une vitalité nouvelle doit par ailleurs être donnée à la recherche en psychiatrie pour répondre aux défis de la santé mentale de demain ».

Ces points devraient être abordés par Edouard Couty dans les recommandations qu’il doit rendre en janvier à Roselyne Bachelot sur l’organisation de la psychiatrie (cf dépêche APM SOLKR004). Nicolas Sarkozy a déclaré attendre les conclusions de ces travaux, ont rapporté des participants.

NOUVELLE VISITE EN PSYCHIATRIE

Lors de la rencontre, Nicolas Sarkozy s’est engagé à se rendre très prochainement dans « un lieu psychiatrique important », afin « d’approfondir le sujet », ont rapporté à l’APM des participants. Il a demandé aux participants de lui faire des suggestions.

Plusieurs participants lui ont proposé de se rendre une structure ambulatoire hors hospitalisation. « 90% des patients ne sont pas suivis au sein de l’hôpital mais en dehors. (…) Nous lui avons suggéré de visiter un groupe d’entraide mutuelle (GEM) », a indiqué à l’APM le président de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam), Jean Canneva.

D’autres participants ont proposé un service de psychiatrie en milieu pénitentiaire ou de pédopsychiatrie.

Roselyne Bachelot a pris la parole pour dire qu’il fallait « reconnaître la spécificité de la psychiatrie » et a défendu « le secteur », deux sujets qui tiennent à coeur des acteurs de la psychiatrie, notamment dans la perspective de la discussion du projet de loin hôpital, patients, santé et territoires (HPST), ont rapporté des participants.

A part la mention de la « sécurité des soins », le communiqué de l’Elysée n’évoque pas les annonces du président de la République à Antony en décembre 2008 qui portaient uniquement sur le renforcement de la sécurité (création d’unités pour malades difficiles, crédits pour la sécurisation et les chambres d’isolement, révision de la sortie d’essai dans la loi de 1990, dispositifs de géolocalisation pour patients dangereux), note-t-on.

Selon les participants à la rencontre, Nicolas Sarkozy a concédé que son intervention d’Antony n’avait « pas été un grand succès » auprès des psychiatres mais a estimé avoir été mal interprété et a défendu sa position de « garant de la sécurité », tout en comprenant le point de vue soignant des thérapeutes.

Il a évoqué le meurtre d’un passant par un patient du centre hospitalier spécialisé Saint-Egrève (Isère) en novembre 2008, à l’origine de la relance de la réforme de l’hospitalisation sous contrainte (cf dépêche APM COLKD009).

Le chef de l’Etat a souligné la gravité de l’affaire, justifiant son intervention sur le volet de sécurité, car l’enquête montre que le patient avait fait une première tentative quelques jours auparavant dans des circonstances similaires -achat d’un couteau, tentative de frapper qui a échoué car le passant s’était défendu- mais sans que personne s’en aperçoive.

Nicolas Sarkozy a mentionné son soutien à la création de « soins sans consentement en ambulatoire » et son souhait qu’il n’y ait « plus de malades mentaux en prison », ont rapporté également des participants.


Nicolas Sarkozy modère son discours sécuritaire sur la psychiatrie (Par Hélène MAUDUIT et Cécile OLIVIER)

PARIS, 9 janvier 2009 (APM) – Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a manifesté jeudi une volonté d’apaisement lors d’une rencontre avec des acteurs de la psychiatrie, en modérant la tonalité sécuritaire de son discours du 2 décembre, ont indiqué à l’APM des participants.

Le chef de l’Etat a rencontré pendant environ une heure et demie quinze représentants de la psychiatrie, psychiatres, infirmiers, directeurs d’établissements, usagers et familles, qu’il avait invités à l’Elysée (cf dépêche APM HMMA5003) pour reprendre le dialogue après les réactions négatives qui ont suivi son discours à l’établissement public de santé Erasme d’Antony (Hauts-de-Seine) (cf dépêches APM SNLL2005 et APM HMLL2001).

Cet échange a permis d’aborder de nombreux points d’organisation et d’amélioration des soins en psychiatrie, et l’Elysée a publié jeudi en début de soirée un communiqué de compte-rendu fixant les axes d’une réforme sanitaire (voir dépêche APM COMA9001).

Pour certains participants, Nicolas Sarkozy a semblé « faire amende honorable » en rééquilibrant son discours sécuritaire d’Antony vers une prise en compte de l’organisation des soins en psychiatrie.

« Il a eu des propos plus mesurés et une approche plus réaliste », estime le Dr Alain Mercuel, président de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp). « Il a expliqué qu’il était garant de l’ordre public mais qu’il comprenait la position des psychiatres qui sont proches de leurs patients et soucieux des soins ».

« Il a montré sa volonté d’apaisement », a souligné Norbert Skurnik, secrétaire général de l’Idepp.

« Les malentendus ont été clarifiés », a déclaré le Pr Frédéric Rouillon (CH Sainte-Anne, Paris) soulignant que la tonalité de la rencontre « était tout à fait différente du discours sécuritaire retenu par les médias » à Antony.

Plusieurs participants rapportent que le président de la République les a « assurés de son intérêt pour la psychiatrie » et de sa volonté de « faire changer les choses » pour une discipline un peu « oubliée ».

« La rencontre a été positive, il y a eu une réelle écoute », a retenu Pierre Faraggi, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH). « Mais nous ne pouvons pas dire que nous sommes rassurés. Nous verrons les actes ».

« Nous lui avons dit que les problèmes de sécurité portaient sur un nombre très limité de patients, que la discipline était essentiellement pénalisée par un manque de moyens et que la plus grande sécurité des soins serait apportée par des équipes suffisamment étoffées et bien formées. L’a-t-il entendu ? », a-t-il ajouté.

« Le chef de l’Etat a pris conscience que la psychiatrie n’est pas seulement une question d’hospitalisation sous contrainte et que les cas problématiques sont très rares », souligne Roland Lubeigt, président de l’Association des établissements gérant des secteurs de santé mentale (Adesm). « J’ai insisté sur l’alliance existante et la parfaite articulation entre médecins, directeurs et usagers, qui se sont exprimés de façon homogène ».

Selon le Pr Jean-Louis Senon (président du Collège de recherche et d’information multidisciplinaire de criminologie de l’université de Poitiers Crimcup), le président a affiché « sa volonté de traiter les problèmes de fond de la psychiatrie » et « d’engager une refonte quand seront rendues les conclusions de la commission Couty ». « Il semble que le président ait pris conscience de la spécificité de la psychiatrie, notamment en termes de formation des soignants et de la recherche ».

« Concernant la réforme de la loi de 1990, nous redoutions une loi d’orientation justice mais elle a bien été confiée à la ministre de la santé », s’est-il félicité.

REELLE VOLONTE DE CONCERTATION

La présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy), Claude Finkelstein, est sortie de la réunion sur une note « très positive ». « Le discours d’Antony était un premier jet qui a montré une certaine méconnaissance du sujet. La rencontre d’aujourd’hui a été extrêmement positive, il y a une réelle volonté de concertation, Nicolas Sarkozy a montré qu’il veut se saisir du problème et voir tous les aspects ».

« Nous savons maintenant que Roselyne Bachelot a les mains libres pour élaborer une vraie réforme sanitaire. Nicolas Sarkozy a été très honnête sur ses positions mais il a montré qu’il n’y pas que le sécuritaire. Il a même fait une ouverture pour l’intervention du juge dans une décision d’hospitalisation sous contrainte, une judiciarisation que nous réclamons ».

Jean Canneva, président de l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam), a souligné au président l’importance de considérer les autres lieux d’accueil des malades en psychiatrie et de ne pas s’intéresser uniquement à l’hôpital.

Les familles et les usagers ont également réclamé la mise en place d’un nouveau plan en santé mentale.

« Le président s’est montré très disponible et à l’écoute », a estimé Olivier Drevon, président de l’Union nationale des cliniques privées de psychiatrie (UNCPSY). « J’ai souligné que des cliniques privées participent déjà à la prise en charge des malades en hospitalisation sous contrainte et des malades difficiles. Nous sommes disponibles pour poursuivre ce travail, il peut compter sur notre dynamisme ».