Modes d’accueil ou modes de garde ?
UNE POLITIQUE QUI MALMENERA LES ENFANTS, LEURS PARENTS ET LES
PROFESSIONNELS.
L’A.NA.PSY.pe, Association Nationale de Psychologues pour la petite enfance, participe depuis sa création en 1986 à de nombreuses concertations ministérielles relatives à la petite enfance et à la famille.
Elle propose un éclairage spécifique sur les fondements et les enjeux des modes d’accueil.
l’A.NA.PSY.pe, bien consciente de la réalité économique et sociale actuelle, soutient depuis toujours toutes les initiatives visant à promouvoir, dans des conditions optimales, l’accueil des enfants et de leurs familles.
Cependant, nous tenons à faire connaître notre désapprobation
et notre vive inquiétude concernant certaines modifications du décret sur les modalités de garde des enfants envisagées suite à la parution du « Rapport Tabarot » et ses préconisations « pour le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance » – et ce, sans tenir compte des avis des associations de professionnels consultées.
Modes d’accueil ou modes de garde ?
Le gouvernement a annoncé la création urgente de 200 000 places pour les enfants d’ici 2012 :
– en raison de l’insuffisance de places
– pour faire face à une « crise de la famille » (présentée comme « cause de difficultés pour beaucoup de nos concitoyens, et source de nombre de problèmes sociaux » !)
– pour permettre aux femmes de « retourner travailler plus vite »
Pour ce faire, il est préconisé plusieurs « solutions ».
Parmi ces solutions, les plus contestables sont :
– l’ « allègement » du taux d’encadrement, soit une augmentation conséquente du nombre d’enfants par professionnel en crèche, 1 adulte pour 6 bébés (au lieu de 5 actuellement), 1 adulte pour 9 enfants « qui marchent » (au lieu de 8 actuellement)
– l’augmentation du nombre possible de places d’enfants dans l’agrément des assistantes maternelles pouvant aller jusqu’à 4 (qui est d’ailleurs déjà décidée)
– des projets de « jardins d’éveil » pour les enfants de 2 à 3 ans avec un adulte pour 12 enfants !
– la possibilité d’’accueillir en crèche 20% d’enfants en surnombre au lieu de 10 % actuellement.
– l’abaissement global de l’exigence requise de qualifications. Les titulaires de CAP petite enfance seront comptés parmi les 60 % de professionnels suffisamment qualifiés auprès des jeunes enfants.
– le projet de regroupements d’assistant(e)s maternel(le)s dont le cadre n’est pas garanti.
Nous voulons alerter les décideurs politiques, mais aussi les parents sur les conséquences de ces orientations.
Nos inquiétudes portent notamment sur les risques pour le développement relationnel des enfants, particulièrement fragile à ses débuts, d’autant plus pour un enfant séparé de ses parents, et ce même pour un temps court.
Cela nécessite un accueil individualisé, avec des temps d’échanges et d’attention pour chaque enfant, une formation qualifiée à la mesure de la complexité des enjeux des premières années de la vie. La garantie d’une continuité de soins permet à chaque enfant de se repérer et de construire peu à peu ses propres sécurisations.
Sur le terrain, nos constats déjà trop fréquents se généraliseront : plannings à flux tendu, professionnels en nombre insuffisant, peu ou non qualifiés, emplois temporaires, remplacements dans l’urgence, turn-over des personnes auprès des enfants, absence de temps pour réfléchir sur les pratiques. Des professionnels pourtant aguerris « craquent », inquiets de ne pouvoir garantir la sécurité, y compris physique des enfants, dans de telles conditions.
Nous interrogeons :
– Quelle socialisation quand le trop grand nombre d’enfants présents empêche de vivre la rencontre avec d’autres, autrement que dans l’agression ou le repli ?
– Quel accompagnement d’un enfant malade ou handicapé quand le débordement des professionnels ne permet aucune attention individualisée ?
– Quel soutien à la parentalité quand un professionnel ne peut être disponible dans l’échange avec les parents ?
– Quelle aide possible aux familles, confrontées déjà à leur propre précarité, quand l’accueil de leur bébé est précarisé ?
Permettre aux mères de travailler ?
Ce qui a permis aux mères françaises de travailler, et d’augmenter la natalité, c’est la confiance qu’elles pouvaient construire peu à peu avec les personnes qui accueillaient leurs enfants. Cette confiance repose sur la fiabilité des compétences des professionnels, une continuité de soin adapté à chaque enfant, dans l’écoute respectueuse de ses parents. C’est peu à peu, grâce à la qualité d’un accueil construit sur une réflexion à partir de chaque situation, que la confiance a pu s’installer.
C’est à ce prix que nos lieux de garde collectifs sont devenus des lieux copiés par les pays étrangers, et fort demandés par les parents. Ils pouvaient y confier leur enfant sans que les femmes se vivent comme de « mauvaises mères »…. Si ces lieux ne peuvent plus garantir cette qualité d’accueil, c’est un empêchement à la vie professionnelle auquel seront confrontés les parents.
Cette déréglementation est nocive car elle méconnaît certaines réalités psychiques quant aux bébés et aux adultes qui les accompagnent.
Celles-ci ne peuvent être sacrifiées aux seules réalités économiques.
Les enfants ne peuvent être considérés comme des objets…
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