» Avec les nouvelles mesures en vigueur, les unités psychiatriques sont
appelées à devenir des lieux de privation de liberté et non plus des lieux de soins ».
« Ne pas faire de la psychiatrie un outil répressif »
PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN LEROY > sebastien.leroy@nordeclair.fr
L’union syndicale de la psychiatrie appelle, aujourd’hui, à une journée d’action destinée à sensibiliser le public aux problématiques de cette profession. Pour Pierre Paresys, son représentant dans le Nord, le gouvernement « veut faire reculer la psychiatrie d’un siècle ».
De quels maux souffre la psychiatrie pour décider d’une telle journée d’action ?
Le discours prononcé par le chef de l’État, le 2 décembre dernier à Antony, sur la réforme du secteur psychiatrique nous inquiète. Par sa stratégie
de surdramatisation, sa politique de la peur et sa manière de s’emparer de
tout fait divers pour s’ériger en défenseur des victimes, Nicolas Sarkozy veut annihiler le travail de fond des psychiatres.
Il est dans une logique dans laquelle transparaît une volonté d’instrumentalisation de notre discipline pour la reléguer au simple « surveiller et punir ».
Concrètement, comment cela se traduit-il ?
Je prends l’exemple de la circulaire du 22 janvier 2009 qui prévoit la limitation des accès aux unités psychiatriques et leur sécurisation, ainsi
que l’instauration de la vidéosurveillance.
Outre que cette mesure n’améliore pas l’éventuelle paranoïa des patients, elle laisse à penser que ces unités sont appelées à devenir en fait de véritables lieux de privation de liberté, répressifs, et non plus des lieux curatifs.
Désormais, les psychiatres sont convoqués dans les prétoires en tant qu’experts pour justifier la politique répressive du gouvernement actuel. La société se cherche des boucs émissaires et les psys sont assignés à un simple rôle de contrôle social des populations dites déviantes.
Quelle est votre position sur le projet de loi Hôpital Patients Santé et Territoires actuellement discuté au Parlement ?
Le danger serait qu’il entérine pour la psychiatrie la rupture entre l’ambulatoire et l’hospitalisation. Actuellement, nous travaillons en secteur de soins.
Un secteur c’est une équipe – infirmiers, psychiatres, éducateurs – qui répond aux besoins d’une population donnée sur un territoire. Le rapport Couty, publié au début de l’année, veut casser cette continuité des soins en s’attaquant aux financements de l’ambulatoire, ce qui va obliger à prioriser les actes en réorganisant l’hospitalisation psychiatrique.
Qui est concerné par la psychiatrie aujourd’hui ?
Dans le secteur où j’exerce, sur Gravelines, ce sont 1 800 personnes qui viennent nous voir chaque année, dont 700 nouveaux patients chaque année. Le patient psychiatrique ce n’est pas « l’autre », le fou.
Tout le monde est susceptible d’entrer une fois à l’échelle d’une vie dans le circuit de la psychiatrie, pour une raison ou une autre.
C’est une question de fond. Stigmatiser la psychiatrie en l’assignant à la surveillance, au contrôle social plutôt qu’au soin peut avoir des effets délétères, car cela exclut toute une partie de la population des soins. Or, la psychiatrie ne doit pas devenir un instrument.