Par Philippe Crova | Médecin urgentiste | 01/06/2009 |
Alors que le projet loi Hôpital Patients Santé Territoire est entre les mains des sénateurs, un exemple concret de la politique calamiteuse de Bachelot envers le service public hospitalier est en train de se dérouler en Isère, à Bourgoin Jallieu.
Un hôpital public qui reçoit 35 000 personnes par an aux urgences, qui est à l’équilibre financier et dont l’activité est en croissance, est menacé par une décision inepte prise dans l’intéret non pas des patients mais de réseaux d’influence politiques.
Les tutelles régionales avaient prévu dans le Plan hôpital 2007, compte tenu du développement démographique très important sur le bassin de population de Bourgoin Jallieu, le renforcement de l’offre de soins : le Médipôle, devant regrouper sur un même site une clinique chirurgicale et obstétrique, l’hôpital Pierre Oudot de Bourgoin, et un centre psychothérapique.
Plus gros projet Hôpital 2007 en Rhône Alpes, le Médipôle devait permettre de mutualiser certaines activités.
Un plateau pour trois, en bonne intelligence
Un plateau d’imagerie unique, appelé Centre d’imagerie du Nord Isère, devait regrouper praticiens publics et privés dans un groupement de coopération sanitaire (GCS) en mutualisant les personnels médicaux et non médicaux autour de deux scanners, une imagerie par résonance magnétique (IRM) ainsi que la radiologie conventionnelle. Hospitaliers et radiologues libéraux partagent déjà en bonne intelligence un scanner et une IRM.
La clinique commerciale a emménagé sur le Médipôle en septembre 2008, l’hôpital devant quant à lui déménager entre octobre 2010 et mai 2011. Mais finalement et bizarrement, en novembre 2008, la clinique a fait une demande d’implantation d’un scanner sur le site du Médipôle, allant à l’encontre du projet initial. La Commission exécutive de l’Agence régionale d’hospitalisation a donné un avis négatif, mais la clinique a intenté un recours auprès de la Commission nationale d’organisation sanitaire et sociale et fait un intense lobbying auprès des députés UMP de la région (Alain Moyne-Bressand et Georges Colombier, qui sont des proches de la ministre de la Santé Roselyne Bachelot).
La clinique obtient son scanner pour elle toute seule
Comble de l’histoire, sous la pression de l’Elysée, le ministère de la Santé s’apprête à autoriser (contre l’avis de l’Agence régionale d’hospitalisation) l’implantation d’un scanner dans la clinique privée… au détriment de l’hôpital public et au mépris de tout esprit de collaboration et de mutualisation.
On ne peut que s’étonner qu’une décision prise par les instances régionales, très au fait des problématiques locales, soit balayée d’un revers de main, contredisant par là-même l’argumentaire de l’Agence régionale d’hospitalisation.
Moins de service pour le public
Si cette décision était validée, elle aurait des conséquences très graves, cassant le pôle d’imagerie lourde hospitalier existant et menaçant à très court terme l’accès au soin des patients du territoire du Nord Isère (220 000 personnes) ainsi que la prise en charge des urgences. On risque d’ici quelques mois de se trouver avec deux machines implantées mais ne fonctionnant pas la nuit pour les urgences car les radiologues privés n’ont pas du tout envie de faire des gardes de nuit et de week-end et ceux du public ne vont pas assurer seuls la permanence des soins.
Alors que le nouvel hôpital recevra à son ouverture 40 000 patients aux urgences, nous devrons les orienter à Lyon faute de plateau technique suffisant.
Dédoublement du plateau, augmentation des coûts et diminution de l’accès aux soins… bref une vraie réussite !