PARIS, 2 juillet 2009 (APM) – Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, a émis jeudi six
recommandations sur les personnes hospitalisées sous contrainte en psychiatrie, publiées au Journal officiel.
Il s’agit des premières recommandations du CGLPL concernant le respect des droits des personnes hospitalisées à la demande d’un tiers (HDT) ou d’office (HO) dans les établissements psychiatriques. Elles font suite à la visite effectuée en décembre 2008 au centre hospitalier (CH) Esquirol de Limoges mais s’appuient sur les visites effectuées dans un total de 16 établissements, a indiqué à l’APM Jean-Marie Delarue.
« Ces recommandations concernent des généralités constatées au CH Esquirol mais aussi dans les autres établissements visités », a-t-il
souligné.
Le CGLPL a effectué des visites dans huit CH spécialisés en psychiatrie (CH Esquirol-Limoges, CHS de la Savoie à Bassens, CH Camille Claudel à
La Couronne-Charente, Etablissement public de santé mentale (EPSM) des Flandres à Bailleul-Nord, CHS Pinel d’Amiens-Somme, CH Charcot de
Caudan-Morbihan, CHS Sainte-Marie de Clermont-Ferrand, CHS de l’Yonne à Auxerre), quatre services de psychiatrie en centres hospitaliers
généraux (CH de la Côte basque à Bayonne-Pyrénées Atlantiques, CH de l’Aigle-Orne, CH de Saint-Malo-Côtes d’Armor et CH de Mayotte à
Mamoudzou), dans une unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI de Marseille), dans une unité pour malades difficiles (UMD de
Plouguernével-Côtes d’Armor) et dans deux unités médico-judiciaires à Paris.
Le rapport annuel 2008 du CGLPL, rendu public en avril, comprenait le rapport de visite du CH de la Savoie (cf dépêche *APM CBMD8004*
Le CGLPL demande d’abord *une meilleure information des patients sur les possibilités de recours contre l’HO ou l’HDT.* Les informations sur les voies de recours sont « exclusivement » données « par un personnel soignant dans des termes juridiques peu accessibles ». Jean-Marie Delarue demande donc l’élaboration d’un « document national, à destination d’un public non averti ». Les associations d’usagers devraient participer à ce travail.
« Il faut donner des éléments très simples sur les institutions à saisir et les délais à respecter », indique à l’APM Jean-Marie Delarue.
« Dernièrement, j’ai conseillé aux avocats de s’intéresser à la situation des personnes hospitalisées sous contrainte ».
Jean-Marie Delarue demande, dans sa 2ème recommandation, *le respect de la correspondance privée des malades*. « Le droit à la vie privée n’est pas respecté lorsque les courriers adressés par les patients font l’objet d’un contrôle, même sans ouverture des enveloppes », écrit-il.
« La liberté de correspondance (…) ne peut pas être remise en cause, y compris pour répondre à des objectifs de soin et de protection des
personnes ».
« Nous avons constaté qu’il y avait une grande variété de comportements entre les établissements, entre ceux qui ne font aucun contrôle et ceux
qui regardent l’expéditeur. Il faut s’aligner sur ceux qui ne font pas de contrôle », a-t-il déclaré.
RENDRE POSSIBLES LES ACTIVITES THERAPEUTIQUES EXTERIEURES
Le CGLPL recommande ensuite que les personnes en *HO et HDT puissent bénéficier d’activités thérapeutiques extérieures à leur pavillon
d’hébergement*, comme les patients en hospitalisation libre. La contrainte, liée à leur obligation de soins hospitaliers, « doit être
intégrée dans l’organisation des services, afin qu’ils soient en mesure de prendre part aux activités aussi régulièrement que leur état de santé
le permet ».
« Il n’y a pas de raison de priver un patient d’activités thérapeutiques pour un motif de sécurité. Le thérapeutique doit toujours primer »,
déclare Jean-Marie Delarue.
Il émet une recommandation similaire pour les détenus, placés systématiquement en chambre d’isolement pour des raisons liées à la
sécurité, à la demande des préfets, et non pour des raisons thérapeutiques.
Les mesures de sécurité envers les détenus « ne doivent pas donner lieu à la dispensation de soins distincts et appauvris au sein de l’hôpital et
à la suspension des droits mis en oeuvre dans l’établissement pénitentiaire », notamment « la promenade, les visites par les personnes autorisées et la possibilité de téléphoner pour les condamnés », indique le CGLPL. Ils doivent pouvoir aussi « participer aux activités
collectives dans un but thérapeutique ».
« Les chambres d’isolement sont plus draconiennes que les cellules, ce qui amène souvent les détenus à demander leur réintégration en prison.
C’est une situation qui met les personnels soignants mal à l’aise », constate-t-il.
« Les 17 unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) sont prévues pour cela mais elles mettront du temps à se mettre en place ».
REGISTRE DU RECOURS A LA CONTENTION
Le CGLPL émet une recommandation sur *le recours et la durée des sorties d’essai des patients en HO et HDT*, avec la demande d’une « réflexion au niveau national ».
Le recours à la sortie d’essai « entraîne, pour certains malades, leur maintien sous un régime juridique de contrainte que ne justifie plus
toujours leur état de santé et pour une durée sans rapport avec une réelle période de transition ».
Le CGLPL met également en avant *le préjudice, pour les patients, de l’absence d’obligation de soins en ambulatoire*, dont la création est
envisagée dans le cadre de la réforme de la loi de 1990.
« Des personnes sont maintenues en hospitalisation sous contrainte, en occupant des lits, alors qu’elles pourraient sortir, ou maintenues en
sortie d’essai pendant une longue période, comme si on les tenait à un fil qu’on n’ose pas rompre ».
Jean-Marie Delarue ne minimise pas la difficulté à élaborer le régime d’obligation de soins en ambulatoire. « Il faut évidemment trouver
comment cette obligation de soins en ambulatoire sera respectée », estime-t-il.
Le CGLPL recommande enfin la *mise en place d’un registre dans chaque unité sur la contention*, pour assurer « un suivi qualitatif et
quantitatif » des pratiques. Il demande la mise en place d’un « document renseigné de manière complète par chaque unité », conforme à un « modèle type » élaboré au niveau national.
« On ne sait pas ce qui se passe dans les hôpitaux en matière de contention. Lors des visites, nous avons constaté que, dans certains
établissements, il n’y a pas de trace écrite. Or, s’il n’y a pas de registre, il ne peut pas y avoir de contrôle », a-t-il souligné.
« Nous souhaitons savoir qui décide de la contention, combien de personnes sont concernées, combien de fois, combien de temps et quel a
été le résultat. C’est un peu bureaucratique mais, s’agissant de mesures très fortes qui traumatisent les personnes, c’est indispensable », a-t-il
déclaré.
(Recommandations du 18 juin du CGLPL relatives au centre hospitalier Esquirol de Limoges, Journal officiel du 2 juillet,hm/ab/APM polsan)