«Le projet de loi a pour l’essentiel gardé la philosophie et l’esprit du rapport de la commission»
29.06.09 – HOSPIMEDIA – Le projet de loi Hôpital, patients, Santé, territoires (HPST) vient d’être voté dans les mêmes termes par l’Assemblée et le Sénat. Ces votes ont mis fin à un marathon parlementaire qui aura duré cinq mois. Pour sa partie hôpital, le gouvernement s’était appuyé sur le rapport de la mission conduite par Gérard Larcher, rendu début 2008. Que reste-t-il des préconisations qui avaient alors fait consensus ? Réponses de celui qui est devenu depuis le président du Sénat.
Hospimedia : « La gouvernance des hôpitaux réformée par le texte issu des débats correspond-elle à ce que vous aviez préconisé dans votre rapport ? Les débats parlementaires ont-ils réussi à modifier le texte sans lui faire perdre sa cohérence ? Finalement, le vrai « patron » de l’hôpital est-il le directeur, le directoire ou le directeur de l’ARS ?
Gérard Larcher : Le rapport qu’avec la mission nous avons établi avait pour principale ambition de permettre à chaque Français, en chaque point du territoire, d’avoir accès à des soins de proximité et de qualité quels que soient son état de fortune et sa situation géographique.
C’était l’élément central de la réflexion de la mission que nous avons menée dans laquelle devaient s’inscrire bien entendu le rôle et la place de l’hospitalisation qu’elle soit publique ou privée, à domicile ou non, et en liaison avec les autres acteurs de notre système de santé, en particulier les acteurs du secteur médico-social. C’est sans doute pour cela que notre rapport a été salué par la quasi-totalité des acteurs mais aussi par l’opinion publique puisqu’il s’agissait de répondre aux besoins de santé de la population.
Ce n’est pas non plus un hasard si les professionnels se sont prononcés favorablement sur nos propositions. C’était le résultat de plus de 250 audiences quelques fois réitérées soit au niveau de la commission soit en entretiens personnels. Ceci explique sans doute cela.
Le projet de loi préparé par Roselyne Bachelot et les débats ont pour l’essentiel gardé la philosophie et l’esprit du rapport de la commission que j’ai présidée.
Mais au-delà de l’intérêt général qui devrait présider à l’esprit de toute loi, de nombreux corporatismes s’expriment à cette occasion. C’est sans doute naturel dans notre République, mais ce n’est pas ma conception du service public d’y répondre si l’intérêt général est en cause.
H. : Les mesures adoptées suffisent-elles à favoriser des coopérations hospitalières sur les territoires ? Ces coopérations sont-elles destinées à renforcer l’offre de soins ou à faire des économies ? Si ces coopérations sont destinées à renforcer l’offre de soins, que répondez-vous aux opposants qui estiment que ce texte masque en fait un plan d’économies ?
G.L. : Il s’agit au travers de ce texte de permettre à chacun de nos concitoyens de bénéficier, à la fois en proximité et en toute sécurité, d’une prise en charge coordonnée et efficace de leur pathologie par des professionnels qui s’organisent autour de véritables filières de soins. Cela implique que ces professionnels de santé constituent de véritables réseaux de soins selon les pathologies indépendamment de leur lieu d’exercice mais en fonction à la fois des plateaux techniques et de la compétence médicale des professionnels. C’est cela l’esprit du projet médical de territoire autour à la fois des communautés hospitalières de territoire et des groupements de coopération sanitaires.
C’est pourquoi je me réjouis que le Sénat ait apporté des modifications au texte notamment sur les communautés hospitalières de territoire (CHT) en préférant la convention à la création d’un établissement de santé CHT.
On est très loin de l’objectif d’économies que vous évoquiez. Néanmoins si ce dispositif permet dans le même temps de dégager des ressources mal employées pour les affecter à des besoins non couverts je n’y vois que des avantages.
H. : Pensez-vous que nous verrons rapidement des coopérations public-privé sur ces territoires ? Le public semble vouloir surtout privilégier les coopérations public-public et adopter une attitude concurrentielle vis-à-vis du privé.
G.L. : Naturellement, les établissements vont se rapprocher, c’est l’intérêt des patients; la loi va faciliter cette coopération qui est, je le répète, volontaire. De nombreux projets sont déjà quasiment matures et je sais que la DHOS a déjà dans ses cartons un certain nombre d’initiatives qui pourront être soutenues par le ministère, y compris financièrement, et qui pourront servir de « pilote » pour le reste du territoire car il s’agit avant tout d’être pragmatique.
La notion de concurrence que vous évoquez doit faire place à la notion de partenariat public-privé. C’est, en tout cas, l’esprit de la réforme que j’ai voulu insuffler comme un élément central de mon rapport. Bien sûr, cela suppose que la notion de service public soit partagée, y compris ses contraintes.
H. : Pourquoi sommes-nous passés d’une relative unanimité sur votre rapport à une levée de boucliers sur le texte de loi ? Estimez-vous avoir été suffisamment suivi par le gouvernement ?
G.L. : Chacun a pu constater que de nombreuses revendications exprimées lors des manifestions avaient peu à voir avec le projet de loi. Néanmoins, je ne néglige pas pour autant le malaise qui s’est exprimé. Les antagonismes sont apparus dès qu’il a été question d’organiser les pouvoirs au travers de la gouvernance.
Pour moi, ce sujet est secondaire par rapport à l’objectif principal de la loi qui est d’organiser la meilleure prise en charge des patients. Et je le rappelais, la gestion d’un hôpital ne peut se faire sans les médecins, les directeurs le savent bien, et qu’ils doivent être responsabilisés dans les choix stratégiques de l’hôpital. C’est ce que le Sénat a souhaité faire en rééquilibrant les pouvoirs et compétences entre le directeur et le médecin au sein des instances décisionnelles de l’hôpital (conseil de surveillance et directoire). Oui j’estime que le projet de loi* a pour l’essentiel gardé la philosophie et l’esprit du rapport de la commission.
H. : Ce projet de loi s’est concentré sur l’organisation du système, mais pas du tout sur son financement. Or, les opposants à ce texte remettent principalement en cause la T2A, qui menace selon eux le service public hospitalier. Comment expliquez-vous ce « dialogue de sourds » ? À trop vouloir séparer organisation et financement, n’a-t-on pas finalement manqué une occasion de véritablement réformer le système de santé ?
G.L. : Oui l’objectif de la mission que j’ai présidée et du texte de loi était de s’attacher à l’organisation de l’hospitalisation, qu’elle soit publique ou privée, dans son ensemble. Le projet de loi n’avait pas pour objet de réformer le modèle de financement des établissements de santé publics et privés; cela relève d’ailleurs du PLFSS et non pas de ce type de loi.
Néanmoins, je pense que si la T2A a des vertus – rémunérer plus justement les établissements à forte progression d’activité au lieu d’établir une rente à des établissements de faible activité par exemple – elle a eu aussi pour effet de permettre au secteur public de « gagner des parts d’activité », même si je n’aime pas trop l’expression, c’est-à-dire de renforcer le service public hospitalier contrairement à ce que certains avancent.
Je dirai simplement qu’il faut, dans l’avenir, tenir peut-être mieux compte du coût réel du service public et non pas traduire l’ensemble des activités d’un hôpital dans le financement à l’activité. C’est ce que fait, je crois, Roselyne Bachelot, en ayant, par exemple, mieux pris en compte le coût de la précarité dans ce qu’on appelle les MIGAC, qui sont des financements forfaitaires non liés au volume d’activité. »
Entretien réalisé par échanges écrits par Renaud Degas
* Le texte n’abandonne sa dénomination de « projet de loi » pour devenir « loi » qu’une fois publié au Journal officiel. Le texte voté par le parlement, mais en attente de publication ou faisant l’objet d’un recours devant le conseil constitutionnel est souvent appelé « petite loi »