Après des mois d’âpres débats parlementaires, le gouvernement passe aux travaux pratiques sur la réforme de l’hôpital. Les grandes manoeuvres sont engagées sur la rémunération des médecins. La loi Bachelot prévoit la création d’un nouveau statut contractuel de « clinicien hospitalier », plus souple que le sacro-saint statut de praticien hospitalier (PH). Objectif : renforcer l’attractivité de l’hôpital public alors que le taux de postes vacants atteint 20 %, voire beaucoup plus pour certaines régions (32 % en Basse-Normandie, 30 % en Picardie) et certaines spécialités (33,6 % pour l’imagerie médicale, 25,4 % pour la psychiatrie). Les directeurs d’hôpitaux font dès lors appel à des médecins intérimaires, pour des coûts très élevés (600 à 700 euros par jour, voire davantage). L’Igas avait pointé de nombreuses dérives, dans un rapport paru en début d’année, sur le développement du « mercenariat ».
Un nouveau rapport, remis vendredi à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, fait une série de préconisations pour « moderniser et promouvoir » les recrutements. Il établit surtout un cadre pour le nouveau statut de clinicien, qui doit faire l’objet d’un décret. La mission, présidée par le cardiologue Elie Aboud, estime que le contrat doit être d’une durée de 1 à 5 ans. Il serait proposé aux PH en poste, aux médecins libéraux (à condition qu’ils s’engagent à temps plein) et aux internes en fin de cursus (chefs de clinique, assistants). La mission suggère d’en limiter le bénéfice aux établissements « ayant des postes à recrutement difficile » et aux spécialités déficitaires. Le projet de contrat, établi par l’établissement et validé par l’agence régionale de santé, devrait prévoir des objectifs d’activité et de qualité. Avec à la clef une rémunération plus élevée et comprenant une part variable importante.
« Eviter les surenchères »,Pour « éviter les surenchères », le rapport recommande néanmoins de « définir réglementairement une fourchette de rémunération » avec un plafond « au dernier échelon de la carrière de PH majoré de 30 % », soit environ 9.500 euros mensuels. La part fixe serait située « aux alentours de l’actuel 8e échelon [de PH, NDLR] », soit environ 5.300 euros. La part variable pourrait donc représenter jusqu’à quelque 45 % du salaire, une petite révolution au sein de l’hôpital. Les syndicats de médecins redoutent que le statut de clinicien se substitue largement à celui de praticien. Ils exigent une stricte limitation des recrutements aux besoins les plus criants. Le rapport demande parallèlement une rénovation du statut de PH.
La Fédération hospitalière de France et les cadres hospitaliers veulent de leur côté obtenir un maximum de souplesse pour les directeurs dans la gestion des recrutements. Le ministère de la Santé a indiqué vendredi qu’il comptait « mettre rapidement des solutions à disposition des directeurs d’hôpitaux qui rencontrent des difficultés réelles de recrutement. Un premier modèle de contrat de clinicien hospitalier sera disponible au début de l’année 2010. »
ETIENNE LEFEBVRE, Les Echos