Dépêche APM du 17 août 2009 : Systèmes d’information de santé: la France doit s’aligner sur les référentiels internationaux, selon le Pr Fieschi

PARIS, 17 août 2009 (APM) – La France devrait s’aligner sur les normes et référentiels internationaux afin d’assurer l’interopérabilité de ses systèmes d’information de santé (SIS), selon un rapport du Pr Marius Fieschi, qui avait été chargé en mars de « définir les modalités d’une politique publique en matière de terminologies médicales ».

Dans ce rapport de 66 pages mis en ligne fin juillet sur le site du ministère de la santé, le Pr Fieschi établit une vingtaine de recommandations destinées à améliorer l’interopérabilité des SIS en France, en particulier son versant sémantique.

La lettre de mission demandait notamment au Pr Fieschi de montrer « en quoi l’utilisation de systèmes terminologiques communs est de nature à rendre les soins aux patients plus efficaces et à faciliter les analyses épidémiologiques et les études et les évaluations en santé publique ». Il devait également mener une évaluation de l’acquisition de la version francophone de la nomenclature médicale internationale Snomed (Systematized Nomenclature of Medicine) et de « l’opportunité de sa maintenance ».

Une grande partie des préconisations rejoignent celles déjà formulées par l’inspecteur général des affaires sociales (Igas) Michel Gagneux, appelant à un renforcement et une rationalisation de la gouvernance des SIS, autour d’un conseil national des systèmes d’information de santé (CNSIS) et d’une Mission pour l’informatisation du système de santé (Miss) aux pouvoirs consolidés et étendus.

Le rapport invite les structures appelées à coordonner l’action des SIS, l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (Asip) et la Miss dans une nouvelle configuration, à passer des contrats avec les professionnels hospitalo-universitaires dont l’expertise est reconnue dans le domaine des méthodes de l’interopérabilité sémantique et des terminologies médicales.

« Cette possibilité assurerait rapidement un niveau d’expertise adéquat dans ces structures en bénéficiant de financements déjà existants qui pourraient être reconnus en [mission d’intérêt général] dans le cadre des financements des hôpitaux », tout en présentant l’avantage de « créer un véritable lien » entre le ministère, la Miss, l’Asip et les équipes de recherche dans ce domaine, estime le Pr Fieschi.

« La mise en place d’une structure chargée de suivre l’évolution des standards sémantiques et des normes est indispensable. Les référentiels et les répertoires nationaux doivent relever d’une autorité de pilotage stratégique unique », considère le Pr Fieschi, qui suggère de réserver une partie des crédits du plan Hôpital 2012 à son financement.

Il rejoint Michel Gagneux, qui a préconisé la constitution d’une « Autorité des données de santé » regroupant l’Agence technique de l’information hospitalière (Atih), l’Institut des données de santé (IDS) et des composantes de la Direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et de l’assurance maladie afin d’assurer les missions d’expertise en terminologie médicale, nomenclatures tarifaires et de gestion des bases de données économiques (cf dépêche APM VGMGH004).

« L’alignement sur les référentiels internationaux doit être le coeur de notre stratégie. L’interopérabilité, sa pérennité, ne peut être assurée que si elle s’arrime aux normes et référentiels internationaux », souligne le Pr Fieschi, qui considère que « seuls ces référentiels doivent être homologués et soutenus par des financements de l’Etat ».

L’ASIP DEVRAIT SOUS-TRAITER LA MAINTENANCE DES REFERENTIELS

Pour la maintenance de ces référentiels et la coopération avec les instances internationales, le Pr Fieschi suggère la mise en place d’un groupe de travail, reconnu par l’Association française pour l’informatique médicale (AIM), représenté au niveau de l’instance de suivi des standards sémantiques et composé notamment de personnalités hospitalo-universitaires dont les compéte sont reconnues dans ce domaine.

Il suggère que la mission de normalisation et d’élaboration des référentiels, qui vient d’être confiée à l’Asip, soit sous-traitée et effectuée par une nouvelle structure, dérivée de l’association Interopsanté (qui regroupe les associations HL7 France-HPRIM et IHE France).

« L’évolution de l’association Interopsanté, regroupant des industriels, vers un groupement d’intérêt économique (GIE) où les sociétés savantes cliniques, biologiques et d’informatique médicale seraient parties prenantes parait souhaitable » et « permettrait d’assurer une réactivité et une régularité qui ne sont pas, habituellement, les vertus cardinales des services de l’administration ».

« Interopsanté pourrait alors se voir confier l’organisation de la gestion des référentiels entre deux versions internationales. Sans décider du choix des référentiels qui revient à l’Etat, il serait l’organe effecteur de la maintenance », propose Marius Fieschi.

Le rapport préconise la publication, sous l’égide du futur CNSIS, d’un modèle d’informations de type « dictionnaire de données » pour favoriser l’interopérabilité des SIS et « accélérer le partage de modules d’aide à la décision », notamment en incitant les industriels à faire évoluer leur offre à partir de descriptions partagées.

Marius Fieschi suggère par ailleurs d’instaurer un pilotage des actions des futures agences régionales de santé (ARS) en matière de SIS et de mettre en place une évaluation « crédible » des financements de l’Etat dans le domaine des SIS.

Il appelle à soutenir la recherche sur la thématique de l’interopérabilité des SIS, « intensifier la synergie avec les actions thématiques des organismes de recherche » et « faciliter la recherche en santé publique en simplifiant l’accès aux bases de données anonymisées ».

FORTES CRITIQUES DU DEGRE DE COMPETENCE DES ACTEURS

Très critique sur le degré de compétence des différents acteurs hospitaliers dans le domaine des SIS, Marius Fieschi demande d’accroître « d’urgence » leur niveau global de compétence, ainsi que l’expertise des visiteurs de la Haute autorité de santé (HAS) sur ce thème dans le cadre de la certification des établissements.

Il n’épargne personne sur ce point, constatant que les maîtrises d’ouvrage sont « souvent faibles », avec des « conduites de projet aventureuses », que ce soit « depuis les directions du ministère de la santé jusque dans les hôpitaux en passant par les ARH ».

« Dans les hôpitaux, les connaissances méthodologiques des équipes sont souvent limitées. La gestion des référentiels et des standards est rarement traitée comme il conviendrait. L’analyse des processus de l’hôpital, condition initiale du lancement d’un système d’information, est très faible et les processus sont souvent mal connus des chefs de projet », note Marius Fieschi.

Quant aux comités de pilotage, ils « sont constitués comme des groupes d’utilisateurs et réagissent comme tels », estime-t-il. « Force est de constater que les discussions y sont plus souvent l’expression des ignorances que la confrontation des expertises », ajoute le Pr Fieschi.

Il rappelle également l’éclatement de l’offre industrielle, dont les solutions « tentent difficilement de répondre aux exigences des donneurs d’ordres ».

LES « EFFETS NEGATIFS » DU PMSI

Par ailleurs, le Pr Fieschi dresse un état des lieux sévères de l’interopérabilité dans les SIS, en pointant les dégâts causés par les référentiels privilégiant la tarification au détriment des autres secteurs d’activité.

« L’informatique hospitalière doit effectuer une mutation », estime-t-il, afin de passer « de l’informatique hospitalière à l’informatique médicale ».

« Les outils disponibles pour les professionnels sont encore souvent assez rigides, parfois frustes et imparfaitement intégrés dans le processus de soins. Ceci explique en partie que la contribution des systèmes d’information à l’amélioration de la qualité de la prise en charge et à son efficience est très largement perfectible », remarque le Pr Fieschi.

Il déplore que nombre de solutions industrielles adoptent des « architectures trop fermées, peu évolutives, basées sur des concepts d’urbanisation des SI obsolètes », non « orientées services ». « Le résultat est connu: les SI sont peu interopérables, peu communicants et mal sécurisés », ce qui « constitue un frein important à la mise en place de systèmes de dossiers patient pour des réseaux de soins territoriaux ».

Si le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) a eu un effet bénéfique de « normalisation » sur les hôpitaux, « son évolution est aujourd’hui porteuse d’effets négatifs », note le Pr Fieschi. Pour lui, le PMSI « emprunte au langage médical des mots en leur donnant un sens différent de celui que lui attribuent les professionnels de santé ».

Observant que les processus de facturation et de production de soins se « télescopent », il déplore la confusion progressive des outils, improprement qualifiés d’aide au codage alors qu’ils relèvent de l’aide à la facturation, les données codifiées en fin de séjour ne décrivant pas un cas clinique mais « ce qui doit figurer sur la facture concernant ce cas ».

(La gouvernance de l’interopérabilité sémantique est au coeur du développement des systèmes d’information en santé, Marius Fieschi, 66p., http://www.sante-sports.gouv.fr/IMG//pdf/RapportFieschi.pdf )

vg/cb/APM polsan
VGMHD001 17/08/2009 14:29 ACTU