Dépêcha APM du 16 septembre 2009 : Hôpital 2007: la Cour des comptes pointe le dérapage des dépenses lié à un pilotage défaillant

PARIS, 16 septembre 2009 (APM) – La Cour des comptes pointe l’insuffisance du suivi et du pilotage national du volet investissement du plan Hôpital 2007 ainsi que le dérapage des sommes engagées qui sont passées de 6 milliards d’euros initialement prévus à plus de 16 milliards, obligeant les établissements à s’endetter lourdement, dans son rapport 2009 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, rendu public mercredi.

Les magistrats de la rue Cambon ont consacré une partie de leur rapport à plusieurs volets du plan Hôpital 2007: l’organisation (cf dépêche APM COMIG001), la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) (cf dépêche APM CBMIG002) et le plan d’investissement sur la période 2003-07.

S’agissant du volet investissement, ils ont étudié les opérations de construction ou de rénovation immobilières (90% des aides et montants engagés) au niveau national et de manière plus détaillée dans quatre régions (Aquitaine, Bourgogne, Haute-Normandie, Rhône-Alpes).

Selon le bilan établi par la Mission nationale d’appui à l’investissement hospitalier (Mainh) en mai, le nombre d’opérations financées aurait doublé, passant de 937 en 2003 à 1.927 en 2007 (dont 1.049 opérations immobilières), ce qui s’explique notamment par des ajouts d’opérations en Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca) et Alsace.

Même si la Cour souligne que la relance de l’investissement a contribué à améliorer la qualité des infrastructures hospitalières et à les adapter à l’évolution des techniques médicales, elle se montre très critique sur la conduite du plan. « Le lancement rapide du plan et la poursuite d’objectifs multiples ont conduit à retenir un trop grand nombre de projets, dont la viabilité économique n’était pas toujours assurée ».

Elle déplore que, dans le contexte instable lié à la mise en place de la T2A, le choix des projets n’ait pas reposé sur une analyse préalable du retour sur investissement attendu, sur des prévisions raisonnables d’activité ou sur une analyse de la situation concurrentielle locale.

La Cour rappelle que le plan avait été initialement conçu pour financer intégralement l’effort d’investissement supplémentaire réalisé entre 2003 et 2004 (6 milliards d’euros) mais que les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) ont présenté des projets s’élevant à 11 milliards d’euros.

« Le ministère a réévalué l’objectif régional pluriannuel d’investissement (Orpi) cible à 10,259 milliards d’euros » mais « cet arbitrage a été rendu sans que le montant des aides soit revu à due proportion », faisant chuter le taux d’accompagnement à 58% dès l’annonce des projets retenus, ce qui a augmenté le financement à la charge des établissements.

Ce taux a été encore réduit à 43% en 2004 et, en janvier 2009, le taux de subvention des établissements était globalement de 37,5% (39% pour les établissements publics, hors Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)).

La Cour critique l' »attention insuffisante » portée aux conséquences financières de la réduction des subventions par rapport au plan initial. Le « contexte financier comme le dépassement initial des prévisions aurait dû inciter le ministère de la santé à organiser un suivi renforcé du plan » mais « cela n’a pas été le cas », regrettent les auteurs du rapport.

Ils estiment que la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos), la Mainh et les ARH auraient dû réexaminer le dimensionnement des projets des hôpitaux considérés comme perdants à la T2A. Ils s’étonnent que des réévaluations aient parfois conduit à revoir des projets à la hausse « alors même que l’établissement n’était pas en mesure de les financer ».

Dans un contexte où la capacité d’autofinancement (CAF) des établissements publics ne s’est pas améliorée, la Cour estime que le non-respect du cadrage initial du plan a accru leur dépendance financière (rapport entre dettes consolidées et capitaux permanents), avec un taux passant de 33,2% en 2004 à 40% en 2007. « Certains ont même eu recours à des emprunts à risque dont le suivi leur est difficile car ils sont indexés sur des paramètres qui ne leur sont pas familiers », observe-t-elle.

Elle pointe en particulier la dégradation de la situation financière des CHU qui ont eu une « politique intensive » d’investissements sur la période 2003-07 et qui ont pourtant bénéficié d’un taux d’accompagnement supérieur aux autres établissements publics. Leur taux de dépendance financière est passé de 31,1% en 2004 à 45,1% en 2007 et la CAF nette de nombreux CHU a baissé fin 2007 par rapport à 2006 « alors même que leurs travaux ne sont pas terminés ».

Une des critiques des magistrats de la rue Cambon porte également sur « l’interventionnisme sélectif » du ministère de la santé dans l’attribution d’aides supplémentaires (580 millions d’euros) et sur l’action des ARH qui ont pu apporter des aides supplémentaires grâce à leur marge de manoeuvre régionale mais ont également apporté un soutien financier « inégal » aux cliniques.

MAUVAISE GESTION DE L’OUTIL INFORMATIQUE

Le suivi du plan est particulièrement critiqué dans le rapport, notamment son éclatement entre plusieurs structures (la Dhos, la Mainh et les ARH) et le fait qu’il ait été focalisé sur le rythme de réalisation des objectifs annoncés plutôt que sur la qualité ou la viabilité des opérations financées.

« Ce suivi partiel aggravé par une mauvaise gestion de l’outil d’information du plan (…) a pour conséquence qu’en juillet 2009, la Dhos et la Mainh ne sont à même de produire qu’une estimation du coût total des investissements engagés sur la durée du plan », remarque la Cour.

Elle pointe aussi l’absence d’indicateurs, par exemple la mesure du taux de vétusté, et le manque de fiabilité des outils de suivi mis en place, notamment de l’outil SIDONIH (système d’information hospitalier des données nationales de l’investissement hospitalier) qui s’est « avéré trop complexe et dépourvu de règles précises d’utilisation ».

La Cour constate que le bilan financier du plan sera difficile à établir « parce que les opérations qui ont démarré après la fin du plan peuvent encore connaître des aléas alors que certaines courent jusqu’en 2015, c’est-à-dire bien au-delà de la fin du deuxième plan, Hôpital 2012 ».

La Cour recommande de réexaminer les projets relevant du plan Hôpital 2007 peu ou pas avancés « afin de déterminer s’il y a lieu d’appliquer la procédure de restitution des crédits » prévue en cas d’abandon ou de retard supérieur à un an. La Dhos attend le bilan définitif du plan pour déterminer s’il y a nécessité d’appliquer cette procédure de restitution.

HOPITAL 2012 : AMELIORER LE SUIVI, SURTOUT DES GROSSES OPERATIONS

Pour le plan Hôpital 2012, dont les premiers projets sélectionnés ont été annoncés en octobre 2008, les auteurs du rapport recommandent d' »intégrer les perspectives d’activité des établissements » lors de la phase de sélection pour apprécier le calibrage des opérations.

La Cour relève que la Dhos a imposé aux ARH de lui fournir un dossier type par projet immobilier, comportant des éléments sur la capacité de l’établissement à porter financièrement l’opération et sur l’impact des investissements sur son exploitation future. Elle juge toutefois « à nouveau élevé » le nombre de projets retenus dans la première tranche du nouveau plan (279, dont plus de 100 projets immobiliers).

Elle relève que la relance a eu lieu « sans que le pilotage par le niveau national soit clarifié et que les modalités de suivi soient revues, notamment pour les opérations les plus importantes ». De plus, les travaux d’amélioration de l’outil SIDONIH semblent paralysés et aucune analyse n’a été réalisée sur les besoins de renforcement en expertise au niveau des ARH pour le suivi des projets. Elle indique que la Mainh tente de remédier aux dysfonctionnements rencontrés dans le suivi du plan Hôpital 2007 mais qu' »aucune décision n’était prise en avril 2009″.

Elle recommande donc d’organiser un suivi spécifique des opérations dépassant 50 millions d’euros par exemple, de définir des indicateurs de suivi des investissements et de bâtir un outil permettant de recueillir auprès des ARH ou des futures agences régionales de santé (ARS) des informations homogènes et validées, notamment du point de vue du retour sur investissement.

La Cour s’interroge globalement sur le « bien fondé de plans qui conduisent le plus souvent à une ‘politique de guichet’ alors qu’il conviendrait de réserver les financements à un nombre d’opérations plus limité, dont il peut être démontré que les objectifs sont en phase avec la politique hospitalière poursuivie ».

htt://www.ccomptes.fr/fr/CC/Sommaire-22.html

(Cour des comptes, rapport annuel 2009 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 533 pages)

cb/eh/APM polsan
CBMIG001 16/09/2009 11:00 ACTU


Organisation à l’hôpital: la Cour des comptes relève des disparités considérables

PARIS, 16 septembre 2009 (APM) – La Cour des comptes a relevé des « disparités considérables » entre services hospitaliers ayant la même activité, dans une étude figurant dans son rapport annuel 2009 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale publié mercredi.

Les services de la Cour des comptes et des chambres régionales ont analysé l’incidence des facteurs organisationnels sur les coûts à partir des données de cinq CHU et d’une quarantaine de centres hospitaliers pour trois types de services (maternité, pneumologie et chirurgie orthopédique).

« L’enquête a révélé des disparités considérables entre services ayant la même activité, qu’il s’agisse des liens entre résultats et recettes d’une part et les résultats et dépenses d’autre part ou de l’appréciation de la productivité du personnel », a déclaré mardi lors d’un point presse la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, Rolande Ruellan.

La Cour a identifié dans chaque établissement « des marges d’amélioration » et considère que les hôpitaux rencontrent « moins un problème de quantité de moyens que leur utilisation au bon endroit et au bon moment ».

Les écarts entre les services hospitaliers s’observent dans tous les domaines comme le nombre de groupes homogènes de séjour (GHS), le nombre de professionnels mobilisés par lit ou par chiffre d’affaires, la durée moyenne de séjour, le taux d’occupation, les résultats financiers.

Le nombre de GHS codé varie de 1 à 2 en pneumologie, de 1 à 3 en chirurgie orthopédique et de 1 à 16 en maternité. Le nombre de personnels médicaux par lit varie de 1 à 10 en pneumologie, de 1 à 8 en chirurgie orthopédique et de 1 à 5 en maternité.

Le nombre de séjours par lit varie de 1 à 4 en pneumologie et en maternité et de 1 à 3 en chirurgie orthopédique et la durée moyenne de séjour varie de 1 à 3 en chirurgie, 1 à 3,4 en maternité et de 1 à 4 en pneumologie.

Les magistrats de la Cour des comptes ont également calculé les recettes par lit d’hospitalisation et ont montré là encore des écarts importants: de 1 à 2 en pneumologie, de 1 à 3 en chirurgie orthopédique et de 1 à 3,4 en maternité.

Par exemple, le montant des dépenses d’un hôpital par passage aux urgences est de 191 euros en moyenne avec un minimum de 94,95 euros et un maximum de 315,15 euros.

La Cour a constaté que le lien entre les résultats financiers et le niveau de recettes était moins bien établi que la relation entre les résultats financiers et le niveau de dépenses. « Les stratégies d’augmentation de l’activité sont donc moins efficientes que le souci d’économie de moyens », estime la Cour des comptes.

Les différences entre services s’expliquent principalement par des différences d’organisation interne des hôpitaux, en particulier au niveau du fonctionnement des blocs opératoires, des effectifs de personnels infirmiers spécialisés, de l’organisation du parcours du patient et de la gestion des passages aux urgences.

AMELIORER LE FONCTIONNEMENT DES POLES

Pour améliorer l’organisation interne des hôpitaux, la Cour des comptes recommande de « mieux utiliser les moyens disponibles, par exemple les blocs opératoires, de rationaliser et de fluidifier le parcours du patient et de décloisonner le fonctionnement de l’hôpital ».

Elle suggère de mieux associer les médecins aux décisions de l’établissement. Les magistrats reconnaissent qu’il s’agissait de l’objectif des pôles mais ils considèrent que leur mise en place a été « variable » selon les établissements.

La Cour estime que les outils de suivi de l’activité hospitalière sont insuffisants et ne permettent pas aux médecins d’êtres associés aux choix de gestion.

« Des données pourtant essentielles au pilotage des pôles comme celles relatives à l’absentéisme, aux gardes et astreintes, aux temps d’attente des patients, font défaut », est-il relaté dans le rapport.

Elle considère que « le pôle n’est encore que rarement l’échelon souhaité de dialogue sur les évolutions médico-économiques des établissements de santé ».

La Cour suggère d’intégrer aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) « un calendrier de déploiement d’une comptabilité analytique pertinente et des tableaux de bord associés », « une analyse des secteurs d’activité présentant des surcoûts afin de corriger les dysfonctionnements et de réduire les écarts de productivité ».

Elle recommande de donner aux responsables de pôles « les outils de connaissance sur leur activité et les compétences appropriés afin que le pôle devienne le bon niveau du dialogue de gestion ».

Lors de la conférence de presse mardi, la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, Rolande Ruellan, a fait remarquer que la Mission d’évaluation et d’audit hospitalier (Meah) avait identifié un grand nombre de ces difficultés et proposé de nombreuses pistes d’amélioration. « Mais ces bons exemples n’ont pas été repris », a-t-elle déploré.

Dans son rapport 2009, la Cour des comptes a travaillé sur deux autres sujets hospitaliers: le volet investissement du plan Hôpital 2007 (cf dépêche APM CBMIG001) et la mise en oeuvre de la T2A (cf dépêche APM CBMIG002).

http://www.ccomptes.fr/fr/CC/Sommaire-22.html

(Cour des comptes, rapport annuel 2009 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 533 pages)

co/eh/APM polsan
COMIG001 16/09/2009 11:00 ACTU