Lettre de recours hiérarchique du Dr Pierre Paresys à Mme Bachelot, ministre de la Santé et de la Jeunesse

« Comme je le rappelle dans la lettre ouverte au Directeur de l’ARH (jointe), les termes utilisés dans son arrêté sont ici parfaitement clairs : « Le bilan du Docteur Pierre PARESYS qui est un véritable réquisitoire contre l’Agence Régionale de l’Hospitalisation et la Direction de l’Etablissement » Autrement dit : «il n’est pas dans les responsabilités du Médecin-Chef de remettre en cause les prescriptions des administrations locales ou régionales…». Mais alors, à quoi sert un Médecin-Chef, voire un médecin, dans l’organisation institutionnelle, s’il n’est pas en droit de mettre en garde les administrations quant aux conséquences de leurs choix sur les aspects thérapeutiques, budgétaires, et de se battre pour la cohérence d’un dispositif, sa compatibilité avec des pratiques diverses, modernes et non stigmatisantes, voire éviter la mise en œuvre de mesures violentes (volontaires ou non) telles qu’évoquées plus haut… Les articles 714-12, 710-1 et 714-13 laissaient ce débat ouvert, ce que la démarche conjointe du Directeur de l’EPSM des Flandres et de l’ARH ne permet pas, effaçant par là-même la responsabilité médicale. L’article L 6143-7 de la Loi dite « HPST », repris de la Loi hospitalière de 91 : “le Directeur exerce son autorité sur l’ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s’imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l’administration des soins et de l’indépendance professionnelle du praticien dans l’exercice de son art” n’aurait alors, comme la quasi globalité de la communauté médicale hospitalière en fait l’analyse, qu’une valeur décorative. Cette phrase perd évidemment tout son sens si le médecin hospitalier est statutairement dépendant des pouvoirs politiques et administratifs locaux et régionaux, ou si ces derniers sont en mesure, comme c’est ici le cas, de définir la fonction médicale, son exercice, et ses limites, au gré de leurs attentes. Cet aspect prend évidemment une dimension encore plus grande pour les psychiatres, dont les pratiques peuvent avoir une incidence sur les libertés individuelles. Les reproches du Directeur de l’EPSM, que j’ai pris la liberté de traduire du langage administratif en langage et implications médicales (ci-dessous pour partie et joint dans la lettre ouverte au Directeur de l’EPSM) sont :
1) D’avoir exercé mes fonctions de Chef de Service et, à ce titre, d’avoir utilisé les moyens du service au plus près de l’intérêt des patients ;
2) D’avoir refusé de proposer des traitements au moindre coût inadaptés pour les patients dont nous avions la responsabilité ;
3) D’avoir permis l’accueil direct dans le service de tous les patients du secteur afin de limiter les délais de prise en charge par l’équipe et de limiter les facteurs de discontinuité dans le traitement. D’avoir permis un accueil dans le service et donc dans l’établissement de centaines de patients relevant des autres secteurs ;
4) D’avoir privilégié la psychiatrie de liaison sur l’hôpital local du secteur (Polyclinique de Grande-Synthe) qui accueille 1/3 des passages aux urgences du littoral, sans distinction du secteur de provenance, tout en permettant des consultations de liaison rapides sur l’hôpital de Dunkerque ; 5) D’avoir tenté le plus longtemps possible (12 ans) de défendre un projet d’implantation de lits le plus adapté aux besoins de la population, de l’équipe et d’un coût « raisonnable » (plus proche des patients et de leur famille, articulé à un plateau technique existant). Vous me reprochez, Monsieur le Directeur, d’avoir essayé de limiter les conséquences négatives d’orientations autoritaires, inadaptées et coûteuses préconisées par l’ARH, de veiller à ce que le surcoût (essentiellement qualitatif : difficultés d’accès et moindre disponibilité soignante) soit le moins possible endossé par les patients et leur famille, en refusant de travailler sur un projet sans avoir la moindre idée des moyens mis à disposition, etc.». Cela prend ici tout son sens. Le bilan quinquennal présente une liste des dysfonctionnements ; le pire d’entre eux et évidemment celui qui nous détournerait de l’intérêt des patients au profit d’une politique du chiffre tel que nous l’évoquons à la page 6 du bilan quinquennal (en pièce jointe), pour survivre en paix nous serions donc inévitablement, consciemment ou inconsciemment, obligés d’intérioriser ce modèle de fonctionnement pourtant totalement insoluble dans la déontologie médicale. Si les propos tenus dans le bilan quinquennal représentent pour le Directeur de l’ARH un réquisitoire, je rappelle qu’il est de ma responsabilité d’établir ce bilan sans que ne puisse être mises en cause, mes compétences professionnelles, mon éthique, l’exercice de mon métier et les responsabilités que j’exerce, ainsi que ma conception du service public de santé, de la solidarité, notions et valeur que je partage avec l’ensemble de l’équipe. Je vous demande, Madame le Ministre, dans le cadre de ce recours hiérarchique d’annuler la décision du 22 juillet 2009 du Directeur de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation du Nord Pas-de-Calais formulée dans l’arrêté sus-cité et me reconduire dans mes fonctions de Chef de Service à l’EPSM des Flandres sur le secteur 59 G 04. Je vous prie de bien vouloir agréer, Madame le Ministre, l’expression de ma haute considération. Docteur Pierre PARESYS,
Médecin-Chef du Secteur 59 G 04″ Vous trouverez en document joint la lettre complète, ainsi que les pièces jointes à la lettre, résumlées dans la liste des pièces jointes.

Documents joints