Le gouvernement dévoile jeudi 1er octobre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), sur fond de déficits persistants. Mercredi 30 septembre, il a procédé à la nomination en conseil des ministres des directeurs des 26 futures agences régionales de santé (ARS) parmi lesquels le socialiste Claude Evin. Ministre de la santé et des sports, Roselyne Bachelot s’explique.
La nomination de Claude Evin, ancien ministre de la santé socialiste est-elle un nouveau geste d’ouverture ?
Nous avons fait le choix d’une procédure innovante, pour répondre à la commande du président de la République et du premier ministre de professionnaliser le recrutement des dirigeants des grands opérateurs. Nous avons fait appel à un cabinet de recrutement et un comité d’experts. Plus de mille candidatures ont été examinées. J’ai moi-même reçu des candidats dans la dernière phase de sélection. Tout le monde a joué le jeu, Claude Evin comme les autres. Il n’y a pas eu de candidature de grâce et de faveur. Si M. Evin a été retenu, c’est d’abord en raison de ses compétences, non du fait qu’il est un candidat de l’ouverture. Il se trouve qu’être de gauche n’a pas été un critère de rejet ! Le résultat, c’est un « casting » exceptionnel : un ancien ministre, des médecins, des profils issus du privé, des préfets, des membres des grands corps de l’Etat, des cadres supérieurs de l’Assurance-maladie. Et nous avons 27 % de femmes, ce qui est le plus fort pourcentage des grands réseaux régionaux du secteur public.
Qu’attendez-vous de ces nouveaux « préfets sanitaires » ?
Avec les ARS, nous créons un service public unifié de santé, couvrant, au niveau régional, l’ensemble des champs de la santé : la prévention, la santé publique, la sécurité sanitaire, l’ambulatoire, l’hôpital, le médico-social. C’est un apport majeur de la loi que j’ai défendue au printemps dernier. Ces agences, qui regrouperont sept structures de l’Etat et de l’Assurance-maladie, étaient un concept porté par l’ensemble des candidats républicains lors de la présidentielle de 2007. Tous estimaient que leur création était indispensable pour remédier à certains dysfonctionnements de la structuration sanitaire, notamment le cloisonnement entre l’hôpital et la ville.
Quant à l’appellation « préfets sanitaires », elle est inappropriée. Pour autant, je revendique pleinement le rôle de régulateur de l’Etat, dans le domaine de la santé. Les préfets de région seront d’ailleurs les présidents des conseils de surveillance de ces agences. Les ARS devront répondre aux besoins concrets des gens : comment trouver un médecin dans des zones désertifiées, le week-end ou après 23 heures le soir, chaque jour ; comment décloisonner la ville et l’hôpital, l’hôpital et le médico-social ?
Les ARS n’ont pas de pouvoir de contrainte sur la médecine libérale, notamment pour lutter contre les déserts médicaux. Pourraient-elles l’avoir un jour ?
Je ne préjuge pas de ce qui pourrait être fait par une autre majorité. Le PS a dit qu’il souhaitait des mesures coercitives sur l’organisation de la médecine libérale. Dont acte. Pour ma part, j’ai affirmé que, dans le cadre de la meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire, je privilégiais l’approche qui respecte la liberté d’installation des médecins. Pour autant, les ARS ne seront pas dépourvues de moyens incitatifs, pour mieux répartir la présence médicale. Elles le feront en concertation avec les professionnels de santé, les élus locaux, les associations de patients et d’usagers.
Le gouvernement affirme qu’il n’a pas fait le choix de la rigueur, mais dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale vous augmentez le forfait hospitalier et dé-remboursez certains médicaments.
Il n’y a pas de tournant de la rigueur lorsqu’on envisage une croissance de près de 3 % des dépenses ! C’est près de 5 milliards d’euros de plus que nous aurons dépensés pour notre santé en 2009. Cette année, comme les précédentes, nous demanderons des efforts à tous : professionnels de santé, structures et hôpitaux, patients. Le forfait journalier n’avait pas été ajusté depuis plusieurs années, et cela fait plusieurs années que nous remboursons de façon différenciée les médicaments en fonction de leur service médical. Il n’y a pas non plus de forte ponction du pouvoir d’achat des Français.
Le premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, juge pourtant une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) inéluctable…
M. Seguin s’inscrit dans une perspective de long terme, en affirmant qu’il faudra à l’avenir consacrer une partie plus importante de notre richesse nationale aux dépenses de santé. Il faut surtout voir comment le système de santé évolue : le vieillissement de la population est évidemment source de coûts. A l’inverse, le progrès technologique peut engendrer des économies sans dégrader la qualité des soins : on peut opérer maintenant en six heures une tumeur qui nécessitait auparavant six mois d’hospitalisation. Si on se place dans le modèle actuel de la santé, il faudrait peut-être relever les prélèvements obligatoires. Mais on peut imaginer un modèle différent, plus efficient qu’aujourd’hui. Sur cette question, il faut trouver un consensus appuyé avec les Français.
Propos recueillis par Laetitia Clavreul et Cécile Prieur