15.10.09 – 16:45 – HOSPIMEDIA |Si la place des complémentaires Santé fait débat, les participants à la journée parlementaire qui leur était consacrée le 8 octobre dernier ont tous estimé que l’urgence était de mettre à plat l’ensemble du financement de notre système de santé à la suite d’un grand débat public. En attendant, les assureurs et mutuelles s’activent pour mieux maîtriser leurs dépenses.
Ce fut “LE” point de convergence de l’ensemble des participants à la journée parlementaire organisée le 8 octobre dernier à Paris sur le sujet des complémentaires Santé. Experts, usagers, mutuelles, assurances, organismes de prévoyance, mais aussi parlementaires de la majorité, Alain Vasselle et Jean-Pierre Door en l’occurrence, ont réclamé un large débat sur le financement de la Santé qui doit nécessairement déboucher sur la remise à plat du système. Mais personne ne voit rien arriver, contrairement à ce qu’avait annoncé Nicolas Sarkozy en janvier 2008. Et tous ont constaté au gré des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), des transferts de prise en charge tranche par tranche du régime obligatoire vers le régime complémentaire, à la façon dont on découpe un salami.
Remise à plat
Tous ont dénoncé à la fois une technique proche du bricolage et surtout une transformation par petites touches de notre système de solidarité. Or, comme l’a parfaitement démontré Christian Babusiaux, magistrat à la Cour des comptes, la situation dramatique de nos comptes sociaux exige une réforme ambitieuse et rapide qui touchera nécessairement aux grands équilibres des principes mis en œuvre en 1945 à la création de sécurité sociale. Les 30 milliards d’euros de déficit pour la sécurité sociale seront atteints dès 2009, et 2010 sera pire. Il a en outre démontré que ce déficit, s’il était gonflé par la crise de façon conjoncturelle, était également structurel. Et ce, dans des proportions importantes, puisque cette part structurelle du déficit devrait passer de 6 à 12 milliards entre aujourd’hui et 2012 si rien n’est fait. Or, le PLFSS 2010, avec son absence totale d’ambition réformatrice, n’a pas été jugé apte à apporter le début d’une réponse par les participants à cette journée.
Et pourtant, les représentants des régimes complémentaires eux-mêmes réclament cette remise à plat. Car ils jugent que le système actuel de transfert de charge vers les complémentaires a atteint ses limites. Alain Rouché, de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), a estimé que les primes étaient en train d’atteindre la limite de l’acceptable pour les assurés qui, observe-t-il, sont de plus en plus nombreux à baisser leurs garanties pour baisser le coût de leur cotisation. Et plus fondamentalement, il estime que « les complémentaires n’ont pas vocation à remplacer le système public: il ne faut donc pas attendre d’un contrat complémentaire qu’il remplisse le même rôle en termes de solidarité ».
Réflexions en sommeil
C’est bien cette notion de solidarité, avec son sens et sa portée, qui est en jeu. Aujourd’hui, si la prise en charge à 100% des personnes en ALD (affections longue durée) dope les statistiques, un assuré «moyen», hors ALD, voit ses frais de santé seulement pris en charge à 45% par le régime obligatoire. Le reste, 55%, est donc du « reste à charge » ou du remboursement par le régime complémentaire (entre 13 et 14%) auquel il faut souscrire. Des questions de fond se posent donc, d’autant plus que la ressource financière se fait rare. Les députés, tout comme Bertrand Fragonard, le président sortant du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (il vient d’être remplacé par Denis Piveteau), ont regretté que les réflexions sur le panier de soins, sur le bouclier sanitaire, sur l’implication des complémentaires au premier euro… soient en sommeil. Car la réforme du financement passera par une réflexion sur les sources de financement, mais aussi nécessairement sur la redéfinition de ce qui est financé dans le cadre de la solidarité et ce qui ne l’est pas.
Pour tous, cette refonte doit passer par un grand débat public. Si ce débat est urgent, il semble peu probable qu’il se tienne avant les prochaines présidentielles, seules élections ayant l’envergure pour trancher un débat de cette ampleur.
En attendant, les complémentaires ne restent pas inactives. Elles souhaitent améliorer leur « valeur ajoutée » et prouver que pour chaque euro qui leur est confié, elles sont aussi efficaces, voire plus, que le régime obligatoire. Ce qui n’est pas actuellement le cas puisqu’elles absorbent 25% de frais, dont la promotion et la publicité, qui ne servent pas au remboursement de leurs assurés. Pour améliorer cette valeur ajoutée, elles souhaitent également améliorer leur gestion des risques. Aussi continuent-elles à réclamer inlassablement la levée d’un certain nombre de freins qui les empêchent encore aujourd’hui d’accéder à des données de santé anonymisées. Cette amélioration de la visibilité et de la maîtrise de leurs coûts portera également sur le secteur hospitalier. Les complémentaires interviennent en effet de plus en plus sur le financement des frais annexes, par la prise en charge des hausses de forfaits hospitaliers par exemple. Jean-Martin Cohen-Solal, nouveau directeur de la Mutualité française, dont c’était la première prise de parole publique, a d’ailleurs souligné que les frais de prise en charge de séjours à l’hôpital (forfait hospitalier, chambre…) avaient fortement augmenté pour les mutuelles, à raison de 12, 11 et 10% les trois dernières années.
Maîtriser l’offre de soins
Pour maîtriser leurs coûts de remboursements tout en améliorant les réponses apportées aux besoins de leurs « clients », les complémentaires veulent aussi mieux maîtriser l’offre de soins. Guillaume Sarkozy, délégué général du groupe Malakoff Médéric, a d’ailleurs annoncé avoir proposé à son conseil d’administration « une prise de participation dans différentes offres de soins pour industrialiser les pratiques des cliniques et des chirurgiens ». Il a d’ores et déjà commencé cette politique de prise de participation ou de partenariat dans des secteurs périphériques, services à la personne ou maisons de retraite (groupe Korian). Il souhaite la poursuivre en s’implantant plus largement qu’aujourd’hui dans le secteur de l’hospitalisation privée proprement dit. Son « trésor de guerre » pourrait monter jusqu’à 300 millions d’euros d’investissement possible. Le groupe Malakoff Médéric, comme de nombreux autres opérateurs, veut aussi étendre cette logique aux professionnels libéraux de ville, via des réseaux agréés, « comme pour les garagistes » a-t-on pu entendre. Le but est ici d’orienter les patients vers la réponse de soins offrant le meilleur rapport « qualité/prix ». Comme le gouvernement, faute de pouvoir jouer sur leurs ressources, les complémentaires veulent peser beaucoup plus sur leurs dépenses et ne plus payer « en aveugle ». Ce n’est pas une nouveauté, mais le mouvement s’accélère.
Renaud Degas