Article du Quotidien du médecin du 23 octobre 2009 : Les autorisations de chirurgie proches de la réforme

Sous 1 500 séjours, les blocs fermeront

Les maternités, qui ne sont pas autorisées à fonctionner si elles ne réalisent pas au moins 300 accouchements par an, connaissent la chanson. Le tour des blocs est maintenant venu : en préparation depuis trois ans, un arrêté fixant un seuil minimal de 1 500 séjours annuels pour les services de chirurgie arrive au bout du parcours obligé d’élaboration des textes réglementaires. Ne manque plus que l’étape, très politique, de sa parution au « J. O. ».

CE N’EST QU’UN court arrêté au sein d’un plus large corpus de trois textes (dont deux longs décrets) s’attachant à réviser la réglementation relative aux activités de médecine et de chirurgie. Le toilettage s’imposait, à en croire un « rapport de présentation » du dispositif émanant du ministère de la Santé (direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins – DHOS), dans la mesure où ces deux activités restent actuellement régies (et encore, partiellement) par des règles remontant à… 1956.

Le texte qui nous intéresse vient, comme les deux décrets qu’il complète, d’arriver au terme d’un parcours long de presque trois ans d’écriture, concertation, réécriture… : il a reçu au début du mois l’aval du Comité national de l’organisation sanitaire et social (CNOSS). Ne manque donc plus, pour qu’il s’applique, que sa publication au « Journal officiel », une ultime étape très politique qui peine, semble-t-il, à être franchie. Et pour cause.

« L’activité annuelle minimale de chirurgie (…) est fixée, par site, à 1 500 séjours chirurgicaux avec acte classant opératoire », stipule le projet d’arrêté (fixant sur le même mode à « 100 séjours » le seuil minimal d’activité en chirurgie gynécologique). Ainsi donc, tout comme les maternités se sont vues appliquer en 1998 un nombre couperet de 300 accouchements par an, les blocs opératoires auront leur seuil – on remarque au passage que la limite est moins haute que ce qui avait été initialement préconisé, notamment par le Pr Guy Vallancien dans un rapport remis en 2006 à Xavier Bertrand (la barre fatidique était alors à 2 000 interventions).

Avec le futur arrêté, les agences régionales de santé (ARS) vont disposer d’un outil réglementaire redoutable pour restructurer les blocs (qu’ils soient publics ou privés), selon un calendrier d’ailleurs déjà prévu. Dès la publication des textes, il faudra dans un délai de six mois réviser les volets médecine et chirurgie des SROS (schémas régionaux d’organisation sanitaire), puis les ARS auront un autre délai de six mois pour accorder les autorisations, enfin les hôpitaux et les cliniques auront 16 mois pour se mettre en conformité. En deux ans et demi, tout sera plié.

Des objectifs qualitatifs et quantitatifs.

Pour la DHOS, le nouveau seuil réglementaire a ce mérite d’indiquer que, « en deçà, il existe une absence globale de qualité et une perte de chance pour le patient ». Mais au-delà des objectifs qualitatifs, on ne fait pas mystère, au ministère de la Santé, des effets restructurants de l’opération. Les comptes ont même été faits (sur la base des données 2007 du PMSI – programme médicalisé des systèmes d’information). Ils montrent (voir tableau) que sur les 1 075 établissements aujourd’hui autorisés à pratiquer la chirurgie, 182 n’enregistrent pas les 1 500 séjours requis, les menaces de fermeture étant beaucoup plus forte dans le secteur public (plus du quart des blocs touchés) que du côté des cliniques privées (9 %).

Effet collatéral de ce processus : un nombre non négligeable de services de chirurgie vont fermer dans des établissements (95 au total) abritant une maternité, celle-ci va s’en retrouver évidemment fragilisée – c’est très exactement ce qui vient de se produire au centre hospitalier de Valréas (« le Quotidien » du 14 octobre). Le seuil « bas » fixé pour l’autorisation de la chirurgie gynécologique est fait, entre autres, pour limiter les dégâts. Cent séjours (voir plus haut), cela laisse cependant 28 maternités (pourtant au-delà de leur propre seuil de 300 accouchements) sur le carreau.

La FHF (Fédération hospitalière de France) s’est émue de cette situation tout comme des délais de mise en œuvre programmés pour cette réforme. Elle explique dans une note : « Ce calendrier n’est pas réaliste dans le contexte de mise en place des ARS et compte tenu de l’importance des réflexions à engager sur le maillage des activités. »

KARINE PIGANEAU

Le Quotidien du Médecin du : 23/10/2009