Dépêche AMP du 22 octobre 2009 : La notion de marge d’exploitation a fait débat au colloque sur les CHU

PARIS, 22 octobre 2009 (APM) – L’intérêt pour les hôpitaux de dégager une marge afin de garder de l’autonomie a fait débat mercredi lors du colloque « les CHU: crise de vocation ou crise de confiance? », organisé à Paris par les conférences hospitalo-universitaires, la chaire santé de Sciences Po et l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP).

Gérard de Pouvourville, professeur titulaire de la chaire Essec santé, a insisté sur l’importance pour les hôpitaux de réaliser cette marge brute, suscitant un brouhaha dans l’assemblée.

Pour lui, « une organisation quelle qu’elle soit, publique ou privée, n’a d’autonomie que si elle dégage une marge d’exploitation », c’est-à-dire qu’elle a des « marges de manoeuvre et des leviers d’autonomie ».

Il a expliqué que ce terme de marge d’exploitation ne correspondait pas au « profit » mais représentait la capacité d’autofinancement d’un hôpital pour son développement.

« Si un hôpital ne veut pas dégager une marge d’exploitation, il devient totalement dépendant des bailleurs de fonds pour financer son développement », a-t-il observé. « Ce n’est peut-être pas très grave quand on est l’AP-HP [Assistance publique-Hôpitaux de Paris] et qu’on pense avoir assez de relais politiques pour pouvoir obtenir ce qu’on veut au niveau national », a ajouté Gérard de Pouvourville, suscitant à nouveau des remous dans l’assemblée de représentants des CHU.

Il a mis en garde les établissements qui sont « dans un jeu de négociation permanente » avec leurs bailleurs de fonds pour savoir comment ils vont obtenir des rallonges pour financer leurs déficits. « Si vous pensez que ce jeu est plus payant pour vous que le jeu [visant à dégager une marge], à mon avis vous vous trompez » car il ne va pas durer du fait des « inégalités énormes d’accès aux ressources » qu’il génère entre les établissements, a-t-il ajouté.

« Cet accès aux ressources est quasiment uniquement lié à des effets de réputation et à des réseaux de pouvoir politique », ce qui « n’est plus tolérable » et correspond à une « dépendance totale » des établissements, a ajouté Gérard de Pouvourville.

Lors des questions, un participant de la salle a insisté sur le fait que la notion de marge brute d’autofinancement s’appliquait à une « entreprise capitaliste mais pas à l’hôpital ». Il a repris
> l’argument avancé à plusieurs reprises par le Pr André Grimaldi, responsable du mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP), pour dénoncer la tarification à l’activité (T2A) et selon lequel, pour dégager une marge, il valait mieux amputer les pieds des diabétiques que les soigner.

Gérard de Pouvourville a vivement réfuté cet exemple le qualifiant d' »absurde ». Il a estimé que cet exemple était fondé sur un raisonnement en chiffre d’affaires et non sur la marge et que « très peu d’établissements publics » étaient actuellement capables de savoir s’ils dégageaient une marge.

Le Pr Grimaldi, animateur de la table ronde, a tenu à exposer son point de vue en dénonçant cet « éloge de la marge ».

Il a rappelé que la notion « d’activités rentables qui paieront les activités non rentables » était « affolante » pour les médecins. Pour lui, la T2A n’est adaptée qu’à l’évolution de la médecine « vers la médecine industrielle (…) plus technique, plus codifiée plus procédurale et de gravité moyenne » qui est « aveugle » car « elle rentre dans le champ des gestionnaires et des économistes ».

Il a souligné que demander à un service d’augmenter son activité de 5% correspondait à un « viol éthique », sous les applaudissements de la salle.

RISQUE DE HAUSSE DES CONTRAINTES A LA SORTIE DE CRISE

Le délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), Gérard Vincent, a par ailleurs remarqué que les tarifs risquaient de ne progresser que de 0,2% ou 0,5% en 2010, même si l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) hospitalier devrait progresser de 2,8%.

Il a expliqué la différence par le fait que les établissements verraient leurs recettes augmenter de 2,8% uniquement si leur activité progressait en volume de 1,7%.

Si un établissement ne fait pas 1,7% d’activité supplémentaire, « il plonge », a observé Gérard Vincent.

Il a indiqué que la FHF se battait pour « freiner cette tendance » qui posait la question de la pertinence des actes.

S’agissant de la progression de 2,8% de l’Ondam hospitalier, il a observé que ce n’était « pas si mal que ça ». Pour lui, cette hausse s’explique notamment par le fait que le secteur hospitalier est considéré comme un « amortisseur de crise ». Après la sortie de crise, les contraintes pourraient être encore plus fortes, a mis en garde Gérard Vincent.

cb/ab/APM polsan