Après l’annonce d’un projet de suppression de plus de 1 000 emplois de soignants en 2010 à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, tous les médecins assumant une responsabilité de gestion menacent de démissionner. En cause : les restrictions budgétaires et la tarification à l’activité.
Le mouvement est sans précédent. L’ensemble des médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a décidé de défier le gouvernement. C’est leur représentant auprès de la direction de l’AP, le professeur Pierre Coriat, président de la Commission médicale d’établissement (CME), sorte de parlement des médecins, qui avait en quelque sorte donné le signal, la semaine dernière, en rendant publique sa menace de démissionner si un projet de suppression d’un millier d’emplois de soignants et de 150 postes de médecins, en 2010, n’était pas remis en question. « Depuis mon annonce, nous indique Pierre Coriat, je suis très massivement suivi par les présidents de comités médicaux consultatifs (structure de gestion des établissements – NDLR). » Eux aussi, ainsi que les chefs de pôle, projettent à leur tour de rendre leur tablier. Leur diagnostic est clair° : si ce projet est appliqué, venant à la suite d’autres saignées de l’emploi en 2009 et les années précédentes, il « aboutira inéluctablement à une diminution de l’offre et de la qualité des soins », avertit Pierre Coriat, dans la lettre adressée à la direction annonçant son intention, et « approuvée à l’unanimité par la CME », précise-t-il.
Pour lui comme pour ses collègues, l’AP-HP, pièce maîtresse du système de soins en France, avec ses 37 établissements, ses 90 000 agents, ses médecins de haut niveau dans nombre de spécialités, qui constituent un potentiel de soins, mais aussi de recherche, rayonnant bien au-delà de l’Île-de-France, est désormais menacée de « ne plus pouvoir remplir ses missions ». Illustration du niveau de tension déjà atteint à l’AP, deux responsables médicaux, les professeurs Bensman et Lejonc, respectivement chef de service à l’hôpital Trousseau et à Henri-Mondor, ont récemment remis leur démission de leurs fonctions administratives, en signe de protestation contre les réductions de personnel. Afin, dit l’un d’eux, de ne pas « être complice de cet énorme gâchis ».
En toile de fond de ce conflit, les restrictions budgétaires, qui conduisent les établissements de l’AP-HP, comme les autres, à réduire leur personnel (70 % des dépenses)° : l’Assistance publique devrait ainsi réaliser quelque 300 millions d’euros d’économies en 2010. Mais aussi la mise en œuvre du financement des hôpitaux par la tarification à l’activité (T2A), un système taillé sur mesure pour les cliniques privées, mais qui pénalise les établissements publics en « oubliant » de financer les missions de service public qu’ils sont pourtant les seuls à assurer. Au diapason de ces médecins, l’intersyndicale des personnels de l’AP-HP (CGT, FO, SUD, CFTC, CFDT, SNCH), estime à 6 000 emplois la facture totale des « plans sociaux successifs », et rappelle que, faute d’effectifs suffisants, le personnel cumule déjà un volume d’heures ou de jours supplémentaires travaillés représentant 2 636 emplois. Elle alerte, elle aussi, sur le « risque majeur de dégradation de l’offre publique de soins ».
Yves housson