Article des Echos du 16 décembre 2009 : Hôpital : menace de démission massive des médecins franciliens

Fortement mobilisés contre les suppressions de postes envisagées, les médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, réunis hier soir en assemblée générale, menacent de démissionner pour défendre une institution qu’ils estiment menacée.

Les praticiens hospitaliers de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), premier hôpital public français, ne relâchent pas la pression. Hier soir, ils ont tenu une assemblée générale à la Pitié-Salpêtrière à l’appel du Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) et de collectifs de médecins et chirurgiens. Une réunion destinée à soutenir la démarche du très mesuré professeur Pierre Coriat, président de la Commission médicale d’établissement (CME), le « parlement » des médecins. C’est lui qui, au mois de novembre, a jeté un pavé dans la mare en menaçant de démissionner de ses fonctions administratives si, comme le dit la motion présentée à l’assemblée générale, « des emplois de soignants médicaux et non médicaux sont supprimés sans justification médicale ». En clair, si la prévision de suppression de près de 1.000 postes en 2010, dont 138 équivalents temps plein (ETP) médicaux, est confirmée en février.

Benoît Leclercq, directeur général de l’AP-HP, a présenté en CME, le mois dernier, le cadrage financier pluriannuel du futur plan stratégique 2010-2014, qui envisageait alors la suppression de près de 3.500 postes d’ici à 2012 (« Les Echos » du 23 novembre). Ceci, dans un contexte où l’AP-HP, qui compte 90.000 salariés – dont un turnover d’environ 6.000 employés par an -doit, d’ici à 2012, économiser plus de 300 millions d’euros sur les actes financés par la tarification à l’activité (T2A), tout en améliorant l’offre de soins. L’institution est pour cela engagée dans une vaste restructuration de ses établissements, avec leur regroupement en 12 pôles, dont les premiers doivent être opérationnels début 2010. Mais celle-ci suscite l’inquiétude et la défiance des salariés.

« En première ligne »

Derrière Pierre Coriat, 902 médecins, dont 31 présidents de CCM (comité consultatif médical) sur 37, 118 chefs de pôle sur 175 et 425 chefs de service sur environ 800, se sont eux aussi engagés à démissionner, selon le MDHP. « La communauté médicale est persuadée qu’avec la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST), elle est désormais en première ligne pour défendre l’institution », précise Pierre Coriat. « La CME est la seule institution indépendante qui peut défendre l’AP-HP, mais elle ne peut le faire que si elle a mené à bien la modernisation de l’offre de soins et les restructurations qui en découlent », ajoute-t-il.

Preuve que le coup de sang des médecins a commencé d’être entendu, la direction générale a proposé de ramener, pour 2010, la diminution du nombre de postes médicaux à 51 ETP, contre 138 initialement prévus. Après une rencontre avec Pierre Coriat la semaine dernière au ministère de la Santé, il a été acté que la CME proposerait en janvier des « projets restructurants qui permettront de dégager des marges de manoeuvre et donc des emplois, mais certainement inférieures à ce que souhaitait la tutelle », poursuit-il. Des négociations auront lieu avec la direction avant d’en présenter les résultats en février à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Au ministère, on indiqu’il « n’y aura pas, en 2010, de retrait d’emplois par saupoudrage technocratique » et que « le chiffre de suppression de 1.150 emplois n’en est pas un pour le ministère, c’est un calcul administratif ».

Mais si le dialogue n’a pas été rompu avec la direction, les médecins maintiennent la mobilisation contre la suppression envisagée de près d’un millier de postes de personnel non médical. L’intersyndicale appelle de son côté à un rassemblement vendredi. « La menace de démission est réelle. Je ne veux pas aller vers une casse de l’institution », prévient Pierre Coriat. « Si nous nous battons, c’est parce que les suppressions d’emploi diminuent la capacité d’accès aux soins, et donc la mission de service public. Mais les restructurations ne suffiront pas à supprimer 1.000 emplois », craint le professeur Bernard Granger (hôpital Cochin), secrétaire du MDHP et fervent opposant à la loi HPST.

ISABELLE FICEK, Les Echos

Les chiffres clefs de l’AP-HP
– 37 hôpitaux qui doivent être regroupés en 12 pôles.
– personnel non médical : 71.800 agents (dont 16.700 infirmiers).
– personnel médical : 20.660.
– budget 2008 : 6,5 milliards d’euros contre 5,99 en 2007 et 5,84 milliards en 2006.
– dépenses de personnel en 2008 : 3,98 milliards, contre 3,89 en 2007 et 3,77 milliards en 2006.
– 22.474 lits et 1.681 places de jour.
– 1 million de prises en charge en court séjour.
– 4,686 millions de consultations.
– 1 million d’urgences