Article des Echos du 12 janvier 2010 : Les effectifs de l’hôpital public reculent pour la première fois

Nicolas Sakorzy présente aujourd’hui ses voeux aux personnels de santé lors d’un déplacement au centre hospitalier Saint-Jean de Perpignan. Les hôpitaux sont à un tournant de leur histoire : 1.800 postes ont été supprimés en 2009, après 100.000 créations les dix années précédentes. Et ce n’est qu’un début.

La règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n’a jamais été appliquée aux hôpitaux. Au contraire, leurs effectifs avaient continué de progresser après l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir. Mais alors que le chef de l’Etat présente aujourd’hui ses voeux aux personnels de santé lors d’un déplacement au centre hospitalier Saint-Jean de Perpignan, l’hôpital est aujourd’hui à un tournant. L’an dernier, pour la première fois depuis au moins dix ans, l’effectif permanent a reculé : 1.800 postes de moins parmi les soignants -les infirmières par exemple, mais pas les médecins -et les non-soignants -emplois médico-techniques en imagerie médicale, logistique, transports, etc.

« Réserves de productivité »

C’est ce qu’a annoncé récemment Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France. Certes, ce chiffre est à prendre avec des pincettes : 1.800 emplois, cela ne représente que 0,2 % de l’effectif total. Et il peut inclure des actions d’externalisation : un hôpital qui transfère à un sous-traitant son service de blanchisserie ou de restauration verra son effectif diminuer, mais le nombre de salariés présents sur le site, lui, restera identique. Le chiffre est aussi à relativiser : sur les dix années précédentes, l’hôpital avait créé quelque 100.000 emplois, en raison notamment de la mise en place des 35 heures. Il n’empêche, la tendance est là, et elle ne concerne plus seulement les intérimaires ou les CDD, comme ces dernières années. L’hôpital tente bel et bien de réduire ses effectifs. « Il y a des réserves de productivité, a déclaré Raymond Soubie, conseiller social de l’Elysée, en novembre lors de la conférence santé des « Echos » et du « Quotidien du médecin ». Entre 2008 et 2015, il va y avoir 220.000 départs à la retraite. Si on veut faire des actions d’optimisation tout en préservant la qualité des soins, c’est maintenant qu’il faut le faire. » De nombreux grands établissements, en commençant par l’Assistance publique Hôpitaux de Paris, prévoient ainsi des plans de retour à l’équilibre financier sur trois ou quatre ans, qui intègrent de substantielles suppressions de postes (lire ci-dessous). Nicolas Sarkozy avait fixé comme objectif aux hôpitaux de ne plus être en déficit d’ici à 2012.

La situation est tendue

« Le seul moyen de rester dans les limites des enveloppes qui nous sont accordées consiste à réduire l’emploi, a argumenté de son côté Gérard Vincent devant les parlementaires de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale, le mois dernier. La masse salariale représente aujourd’hui de 68 % à 70 % de nos charges (…). La seule variable d’ajustement est donc la masse salariale. Cette question est moins taboue qu’elle ne l’était voilà encore quelques années. »

Moins taboue peut-être, mais l’exécutif marche néanmoins sur des oeufs, car la situation est tendue sur tous les fronts. Après l’examen houleux au Parlement de la loi Bachelot, qui tente d’améliorer le fonctionnement de l’hôpital, les syndicats de médecins restent mobilisés. Ils demandent la modification de projets de décret du ministère de la Santé , qui, pour la plupart, ne sont pas encore parus. Le printemps doit aussi voir l’avènement des agences régionales de santé, créées par la même loi. Elles regrouperont les personnels de sept organismes différents (agences d’hospitalisation, DDASS, assurance-maladie…), ce qui inquiète sur le terrain.

VINCENT COLLEN, Les Echos


Les établissements déficitaires suppriment des centaines de postes [ Les Echos 12/01/10 ]

Les Hôpitaux de Paris et les gros CHU de province expliquent la quasi-totalité du déficit de l’hôpital public. Pour revenir à l’équilibre en 2012, objectif fixé par le gouvernement, ils tentent de réduire leurs effectifs, ce qui provoque parfois des conflits sociaux très durs.

– Paris. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris prévoit de supprimer un millier de postes en 2010 et encore plus en 2011 et 2012. L’annonce a provoqué une levée de boucliers : 900 médecins menacent de démissionner collectivement de leurs fonctions administratives si ces chiffres ne sont pas revus à la baisse (« Les Echos » du 16 décembre). Le plus grand établissement de France emploie 92.000 salariés, pour un budget annuel proche de 6,5 milliards d’euros. La perte pour 2009 est estimée à 90 millions d’euros. L’AP-HP cherche à économiser 300 millions d’ici à 2012.

– Marseille. Sous la menace d’une grève générale lancée avant les fêtes par Force ouvrière, des négociations sociales tendues ont démarré la semaine dernière à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM). Le syndicat majoritaire demande l’intégration de 500 CDD. Pour les organisations syndicales comme pour la direction, il manque au moins 200 postes d’infirmières dans les hôpitaux marseillais qui emploient quelque 14.200 personnes. Des postes logistiques et administratifs ont été supprimés en 2009, mais une stabilisation est prévue cette année, assure la direction. Sur le plan financier, la situation s’améliore avec un déficit qui est passé de 58 à 46 millions entre 2008 et 2009. L’objectif est de limiter les pertes à 35 millions cette année pour un budget global de 1,1 milliard. La direction s’est engagée à un retour à l’équilibre d’ici à 2014 en contrepartie d’une rallonge de 25 millions accordée par l’Etat il y a un an.

– Lyon. Au rythme de 200 suppressions d’emplois par an depuis 2009, les Hospices civils de Lyon (HCL) devraient alléger leurs effectifs de quelque 800 personnes d’ici à 2013 sur un effectif de 17.000 agents, selon les syndicats. « Les départs à la retraite ne sont pas remplacés et des primes de départs volontaires, s’apparentant à des licenciements, sont proposées à certains agents », précise Louisa Nouary, déléguée FO. Les syndicats s’inquiètent pour l’avenir de l’hôpital Edouard-Herriot, un des plus importants, dont la rénovation est sans cesse repoussée. Le deuxième CHU de France aurait enregistré 86 millions de déficit en 2009, de source syndicale. Un chiffre que conteste Paul Castel, le directeur général, qui précise que la situation s’est nettement améliorée par rapport à 2008, où les pertes atteignaient 94 millions.

– Nancy. Le déficit de l’exercice 2009 devrait s’établir à 33 millions d’euros, pour un budget de l’ordre de 620 millions. « Le plan de retour à l’équilibre annoncé il y a un an permet déjà de stabiliser le déficit au niveau de 2008 », affirme Philippe Vigouroux, directeur général. La suppression sur quatre ans de 650 postes (dont 200 en 2009), sur les 7.500 que compte l’établissement, par non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, est une des premières mesures engagées.

– Nice. Avec un déficit passé de 36 millions d’euros fin 2007 à 21 millions d’euros à fin 2009, le CHU de Nice est sur la voie du redressement. Adopté en 2008 après de fortes tensions sociales, le plan de retour à l’équilibre sur cinq ans prévoyait de redresser la barre tout en préservant l’emploi des soignants. Les suppressions de postes avec redéploiement du personnel et non-remplacement de départs à la retraite ont concerné essentiellement les postes administratifs.

– Rennes. André Fritz, directeur général du CHU, a réussi à négocier, après un long conflit social, la mise en place d’un plan d’économies sans réduction des effectifs permanents (6.000 salariés). Les jours de RTT passeront cette année de 19 à 14, ce qui générera une moindre dépense de 3,5 millions d’euros en diminuant les besoins en personnel de remplacement. Certains départs à la retraite peuvent ne pas être remplacés dans les fonctions administratives. « Notre perte était de 10 millions d’euros en 2008, elle sera de 6 millions d’euros en 2009, nous sommes dans le bon rythme », assure André Fritz.

– Toulouse. Le CHU est revenu à l’équilibre en 2009, selon la direction, après des déficits de 4 millions d’euros en 2008 et de 12 millions en 2007, sur un budget de 873 millions en 2008. Le directeur, Jean-Jacques Romatet, a appliqué un plan de retour à l’équilibre en trois ans en regroupant des services et en supprimant une centaine de postes en 2008 dans l’administration et la logistique. L’effectif n’a pas diminué en 2009 selon la direction, mais le délégué CGT Didier Bergé affirme que le CHU avait prévu la suppression de 50 postes. La pénurie d’infirmières a entraîné des tensions.

– Le Havre. Le plan de retour à l’équilibre comprend la suppression de 387 postes sur 3.500 entre 2008 et 2012. En 2008, 150 agents sont partis sans être remplacés. En 2009, le nombre d’emplois n’a pas évolué, compte tenu du niveau d’activité de l’établissement. Le déficit, qui avait atteint 14 millions d’euros en 2008 pour un budget de 267 millions, devrait être nettement réduit en 2009.

– Caen. Placé sous administration provisoire (le nouveau budget n’a pas été voté), ce CHU de 5.300 agents est dans une situation financière délicate : en 2009, son déficit a frôlé les 28 millions d’euros. Une réduction des effectifs portant sur 208 postes est engagée.

DE NOS CORRESPONDANTS DANS LES REGIONS, Les Echos