Dépêche APM du 14 janvier 2010 : Fonctionnement de l’hôpital: des syndicats appellent à la mise en place d’une gestion prévisionnelle des ressources humaines

PARIS, 14 janvier 2010 (APM) – Les responsables de plusieurs organisations syndicales de personnel hospitalier, médical et non médical, ont appelé jeudi avec insistance à la mise en oeuvre d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) dans les hôpitaux.

Les dirigeants de ces syndicats se sont exprimés à tour de rôle jeudi matin devant la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) de l’Assemblée nationale qui réalise depuis plusieurs semaines des auditions sur le « fonctionnement de l’hôpital ».

Auditionnés tous ensemble dans la première partie de la matinée, les représentants du personnel non médical (CFDT, CFE-CGC, CGT, FO, SUD et Unsa) ont unanimement déploré le fait que l’hôpital ait fait l’objet de plusieurs réformes successives sans évaluation et sans que celles-ci ne se traduisent par l’entrée en vigueur d’une gestion prévisionnelle des emplois.

L’hôpital a connu « depuis de très nombreuses années » une « succession de réformes qui ont tenté de mettre en place un certain nombre d’outils dont l’objectif final n’a pas été très clairement énoncé », a dénoncé Nathalie Canieux, secrétaire générale de la Fédération nationale des syndicats des services de santé et services sociaux CFDT.

La mise en oeuvre de ces réformes et de leurs outils « a pour conséquence de déstabiliser les organisations qui essayent de se mettre en place dans les établissements ». « C’est extrêmement difficile à gérer, et pour les directeurs et pour les cadres et pour les personnels », a-t-elle affirmé.

Nathalie Canieux a illustré son propos en citant comme exemples la tarification à l’activité (T2A) et la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Ce sont des « outils » mais « pour parvenir à quoi et pour aller dans quelle direction? », a-t-elle demandé.

Sur la gestion du personnel, elle a estimé qu’il y avait d' »énormes difficultés » dans les « gros » établissements, « moins » dans les petits établissements « vraisemblablement ».

Rappelant que 70% du budget d’un hôpital étaient représentés par la masse salariale, elle a jugé qu’il était « extrêmement inquiétant » que cette partie du budget soit gérée « de façon très aléatoire ».

« Comment peut-on porter aussi peu d’attention » à cela? « Y-a-t-il un seul accord de GPEC dans les hôpitaux? Comment peut-on tirer des conclusions d’un bilan social de la direction des hôpitaux [Dhos] qui date de 2007 alors que l’on est en 2009? », a-t-elle successivement demandé.

Mais « au-delà des problèmes des effectifs, tant que nous ne nous pencherons pas sérieusement sur l’adéquation entre l’organisation médicale et l’organisation du travail du personnel, nous n’arriverons pas à gérer correctement l’organisation du travail dans les services », a souligné Nathalie Canieux.

Le représentant de la Fédération de la santé et de l’action sociale CGT, Philippe Crépel, a également constaté que les hospitaliers passaient d’une « réforme à une autre » sans que des bilans soient tirés.

Observant que la dernière enquête sur les départs en retraite des agents hospitaliers datait de « 2003 », Philippe Crépel a déploré que la « dimension de l’emploi ne soit nullement anticipée ».

Pourtant, il existe de « grandes tensions » au sein de certaines professions, comme les manipulateurs radio et les infirmières, dues au manque d’effectifs, a-t-il souligné en appelant à un « pilotage national ».

Alors que l’hôpital public emploie plus de 1 million d’agents et « 45.000 » médecins et qu’il est souvent le premier donneur d’ordres, les réformes le concernant « s’empilent » sans qu’elles soient « expertis[ées] », a regretté aussi Denis Basset, secrétaire fédéral de la branche santé de la Fédération des personnels des services publics et de santé Force ouvrière (FO), en citant l’exemple de la T2A.

Soulignant qu’un grand nombre d’hôpitaux étaient en déficit, il a expliqué que ces établissements se voyaient « impos[er] des plans de retour à l’équilibre (PRE) » qui essayaient de peser sur la masse salariale en dépit d’une situation démographique « extrêmement tendue », y compris parmi les médecins.

« Or, on va avoir entre 200.000 et 300.000 agents hospitaliers qui vont partir sans qu’on ait réfléchi et mis en place un plan de formation », a-t-il regretté en souhaitant l’élaboration d’un « véritable plan Marshall » dans ce domaine.

UNE APPROCHE REGIONALE

Nathalie Canieux de la CFDT et Denis Basset de FO ont tous deux appelé à une approche régionale dans la gestion des ressources humaines.

Il serait « pertinent » d’étudier la question de la GPEC au niveau des agences régionales de santé (ARS) pour l’envisager de manière « transversale », a estimé Nathalie Canieux.

« Il ne faut plus que l’on réfléchisse à la hauteur d’un établissement mais au niveau d’un territoire », a souligné Denis Basset. Il a suggéré d’organiser l’offre de soins entre les établissements d’un même territoire en confiant à chacun un pôle « d’excellence » doté de moyens suffisants.

La loi HPST contient des « pistes » allant dans ce sens, a-t-il noté. « Encore faut-il qu’il existe une volonté politique » de permettre aux ARS de participer aux choix stratégiques des établissements, a-t-il ajouté.

LES MEDECINS EGALEMENT CONCERNES

La nécessité d’une gestion prévisionnelle des emplois médicaux à l’hôpital a été évoquée par la suite par les dirigeants des syndicats de praticiens hospitaliers (CPH, INPH, CMH et Snam-HP), lors de leur audition par la Mecss.

Cette gestion doit exister « pour sécuriser le médecin sur sa trajectoire », a souligné Alain Jacob, secrétaire général de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH).

La question des recrutements médicaux à l’hôpital est évoquée « sans prendre à bras le corps la gestion prévisionnelle » des emplois, a déploré le président de la Coordination médicale hospitalière (CMH), François Aubart. « Il faut mettre en route cette démarche et en définir les concepts et les objectifs », a-t-il insisté.

Les auditions ont été également l’occasion d’aborder la question du statut des PH.

François Aubart, qui a rappelé que la CMH ne s’était pas élevée contre la loi HPST, a aussi appelé à une évolution du statut des PH qui « date de 1983 », le statut actuel permettant « beaucoup de variantes » au niveau des rémunérations mais qui sont « totalement opaques et parfois sont attribuées à la tête du client ».

Le problème de la démographie médicale « n’est pas qu’un problème de rémunération » mais dépend aussi de la « pénibilité » et de la « masse critique » des équipes, a précisé le président du Snam-HP, Roland Rymer.

« Nous considérerions comme une erreur grave de contractualiser et ainsi de précariser le statut » des PH, a déclaré pour sa part Pierre Faraggi, président de la Confédération des praticiens hospitaliers (CPH), qui s’est dit opposé à une généralisation des contrats sur la base d’indicateurs de performance et qui a plutôt appelé à « revaloriser » les rémunérations et à améliorer le système des retraites pour renforcer l’attractivité des carrières hospitalières.

La présidente de l’INPH s’est dite également « attachée » au statut tout en se disant favorable à des rémunérations complémentaires contractualisées, à condition que celles-ci soient décidées sur la base du volontariat et du maintien de l’indépendance professionnelle.

san/ab/APM polsan

SNNAE001 14/01/2010 17:29 ACTU