Dépêche APM du 20 janvier 2010 : Financement des MIG: l’Igas pointe un écart « majeur » entre les prescriptions nationales et la pratique locale

PARIS, 20 janvier 2010 (APM) – L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pointe un écart « majeur » entre les prescriptions nationales sur les missions d’intérêt général (MIG) -hors missions d’enseignement, recherche, recours et innovation (Merri)-, et la pratique locale, plus traditionnelle, fondée sur la reconduction des budgets acquis, dans un rapport sur le financement des MIG dans les établissements de santé.

Le rapport, rédigé par Pierre-Louis Bras et Gilles Duhamel, mis en ligne sur le site de la Documentation française, est divisé en deux parties. La première analyse le financement et les modalités de gestion des crédits Merri et reprend les préconisations présentées en octobre 2009 par Pierre-Louis Bras lors du colloque sur les CHU (cf dépêche APM ABMJL001), notamment un financement de la recherche par projet.

La seconde partie du projet se penche sur les autres missions d’intérêt général (MIG) qui représentaient en 2008 1,814 milliard d’euros.

Outre l’analyse notamment des documents fournis par la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos) et des rapports annuels adressés par le ministère de la santé au Parlement, la mission s’est déplacée dans cinq régions (Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Nord-Pas-de-Calais, Centre, Haute-Normandie et Franche-Comté) et a bénéficié de l’aide de quatre conseillers généraux des établissements de santé.

« Après une année 2005 où les dotations par mission et par établissement avaient été fixées sur la base de retraitements comptables, dès 2006, il était demandé aux ARH [agences régionales de l’hospitalisation] de ‘reprendre la main' », rappelle les auteurs du rapport.

Un guide méthodologique, dont la première édition date de 2006, préconise ainsi aux agences de procéder à un diagnostic des besoins régionaux en structures financées par les MIG, d’établir des priorités, de communiquer puis contractualiser avec les établissements sous la forme d’un avenant au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM). Les ARH sont censées être en mesure de choisir pour chaque MIG la meilleure offre adaptée aux besoins locaux et peuvent recourir à des appels d’offres pour l’exécution des MIG.

Il est par ailleurs demandé aux ARH de procéder annuellement à une revue des engagements mission par mission, d’ajuster les financements en fonction des résultats et de prévoir un intéressement pour les établissements en fonction des progrès de productivité réalisés pour l’exécution des MIG, rappelle l’Igas en soulignant le rôle théorique de « gestionnaire actif » dévolu à l’ARH.

Toutefois, « dans aucune des cinq régions étudiées par la mission, les réalisations ne correspondent même de loin aux prescriptions nationales », déplorent les auteurs du rapport.

« Les agences n’ont pas conduit de diagnostic préalable global relatif aux besoins régionaux sauf à la marge (une ou deux ARH pour une ou deux missions) », « sauf exception marginale, il n’y a pas eu de procédure d’appels d’offres » ni de processus de contractualisation prévoyant des objectifs quantifiés d’activité et de qualité, et aucune procédure d’intéressement n’a été mise en oeuvre dans les régions analysées.

« Dans le meilleur des cas, les CPOM ont repris le montant des dotations MIG issu de la répartition initiale, mission par mission, en l’assortissant ou non d’engagements vagues sur des actions à conduire », remarquent les auteurs.

REDEPLOIEMENTS POLITIQUEMENT DIFFICILES

Les ARH considèrent toutes qu’il ne leur est pas possible « politiquement » d’effectuer des redéploiements entre établissements sur les crédits de base, la dotation initiale étant considérée comme un budget acquis reconductible. La seule marge de manoeuvre qu’elles pensent pouvoir utiliser réside dans l’affectation des mesures nouvelles, dont l’enveloppe est toutefois fléchée par mission.

Une des cinq régions réalise depuis 2008 un bilan contradictoire financier, mission par mission, avec tous les établissements mais les données collectées sur l’activité ne sont pas encore « suffisamment homogènes pour qu’elles puissent servir de support à des décisions sur l’ajustement des financements ». Elle a procédé à des redéploiements internes aux établissements mais estiment que des redéploiements entre établissements seraient « très délicats au plan politique ».

Le rapport relève aussi l’initiative d’une ARH qui a diligenté un audit sur les programmes d’éducation thérapeutique dans sa région. Cet audit a mis en évidence des niveaux de qualité divergents mais ces résultats ont été utilisés comme une incitation à améliorer les programmes déficients et non pas pour ajuster les crédits.

Dans le guide méthodologique, les modèles de référence sur le coût unitaire ou sur les indicateurs à prendre en compte en matière de qualité donnent des éclairages sur les MIG mais les indicateurs ne sont pas toujours applicables sur le terrain du fait de leur pertinence « parfois douteuse » et de l’hétérogénéité des pratiques.

Quant aux préconisations relatives à la contractualisation autour des Merri et de la recherche, les auteurs estiment qu’elles relèvent du « voeu pieux » car les ARH indiquent unanimement qu’elles n’ont aucun moyen d’apprécier les stratégies ou les résultats dans le domaine de la recherche.

La Dhos a adressé mi-2009 aux ARH un questionnaire sur la gestion des crédits MIG mais les réponses « ne correspondent pas aux constats » de la mission Igas et les ARH semblent avoir « renvoyé au national une version édulcorée de la situation », soulignent les deux inspecteurs.

DIRECTEURS D’ARH RESIGNES A CET ECART

Ils relèvent que les ARH, conscientes de l’écart entre leurs pratiques et les prescriptions nationales, expliquent cette situation par des difficultés intrinsèques à l’exercice (construction d’indicateurs pertinents de coûts, d’activité ou de qualité), l’insuffisance de moyens et de compétences au sein des agences et la « faisabilité politique ».

Les agences considèrent toutes que s’engager dans des redéploiements significatifs de crédits entre établissements serait « source de problèmes politiques ». « Or, si les crédits sont de fait gelés et ne peuvent être redéployés, l’exercice de contractualisation, faute de perspectives de sanctions effectives, perd en grande partie son sens », observent Pierre-Louis Bras et Gilles Duhamel.

Pour eux, les agences sont soumises à l' »injonction contradictoire » d’être à la fois un acheteur rigoureux de prestations et un négociateur soucieux de rechercher des accords et des compromis débordant le cadre des MIG, et qu’entre ces deux rôles, elles privilégient le second.

Par ailleurs, « il est frappant de constater que les directeurs d’ARH semblent résignés à recevoir des instructions qui leur paraissent irréalistes » et « ne soient pas vraiment suivies d’effet ».

Les directeurs d’agence considèrent en effet « qu’il existe de fait un jeu de rôles où le national [soumis à des contraintes d’affichage] établit des prescriptions rationnelles et volontaristes qu’il leur appartient de confronter et d’adapter aux réalités plus prosaïques du terrain et de ses contraintes ». Ils admettent « ne pas gaspiller leur énergie à essayer d’infléchir les directives de l’administration centrale pour leur donner un caractère plus opérationnel ».

D’ailleurs, « les ARH ne craignent pas outre mesure que la mise en évidence de cet écart influe sur les appréciations éventuellement portées sur leur gestion », notent les auteurs. « Il leur semble évident, compte tenu de l’importance des enjeux dont ils ont par ailleurs la charge (paix sociale, résorption des déficits, accompagnement des restructurations et des réformes), que la qualité de leur gestion n’est pas appréciée à partir de leur capacité à gérer de manière rigoureuse les crédits MIG », expliquent-ils.

Pour les directeurs d’ARH, leur rôle « politique » est bien plus « valorisant et valorisé » que leur fonction de gestionnaire se conformant à des prescriptions nationales, note l’Igas.

(Le financement de la recherche, de l’enseignement et des MIG dans les établissements de santé, Pierre-Louis Bras, Gilles Duhamel, Igas, novembre 2009, 77p, disponible sur: http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000024/0000.pdf)

cb/ab/APM polsan

CBNAK001 20/01/2010 13:50 ACTU